051 - Le grand bleu
On remonte vers Laguna City avec une sorte de voiturette. Il fait la conversation :
- Comment il a pu mourir, ton père ?
- Quand on arrive sur ta planète, pour nous, l’immortalité n’est pas instantanée. On commence d’abord par rajeunir. Jusqu’à l’âge de 25 ans. On allait donc le perdre de toutes façon. Lui aussi il allait se perdre. Il a pesé le pour et le contre de tout ça et il ne s’est pas senti à sa place. Une nuit, son cœur s’est arrêté de battre. On n’a pas pu le réanimer. Il aurait pu faire ça plus clairement, autrement. Mais c’était un malin. De cette manière, mystérieuse, naturelle, personne ne lui en a voulu. Et j’ai bien senti que son âme s’éteignait avant de partir. Il me reste ma mère, ou ce qu’il en reste après sa fusion avec Alice. Elle a disjoncté. Elle est en couple avec son arrière petit fils, elle n’a plus toute sa tête.
- Tu es grand-mère ?
- Non, Willem est le descendant d’un autre lit. Moi je n’ai pas eu d’enfants. Je n’ai jamais été inspirée par un géniteur ou une génitrice. J’échappe à tous ces instincts animaux programmés. Quand j’étais jeune, Greta m’a jeté un sort et m’a envoûtée avec un jeune garçon, un élu de l’époque, pas bien dans sa tête non plus. Elle est avec lui maintenant, Valentin. Et toi alors, ton histoire ?
- Aucun intérêt, beaucoup moins compliqué. Classifié. Juste une histoire d’éthique personnelle. Je n’obéis pas à n’importe quel ordre, c’est tout.
Je nous arrête. Je crois que c’est elle. La Maison Bleue. La porte est ouverte. On descend voir. À l’entrée, elle est là, Sœur Nathalie.
- Et bien, vous avez l’air de traîner un maximum de problèmes dans vos têtes, vous deux. Vous avez de la chance, les jeunes sont encore en cours. À poil ! Vous avez la piscine pour vous tous seuls, moi je vais faire une sieste.
Et elle disparaît. Je me demande si elle m’a reconnue. On entre et on se dirige vers le jardin. La piscine est là, couverte de brume. À se demander si il y a vraiment de l’eau dedans. Je commence à enlever mes vêtements. Marius m’imite. Je libère le haut. Lui aussi. À quoi bon garder le bas, je fais tout tomber. Lui aussi. Je shoote dans mes habits et je me place tout au bord. On se prend la main, on ferme les yeux, on respire, on se synchronise. J’inspire et on se jette, on sombre jusqu’au fond. On se lâche. J’ouvre les yeux. Je devine ses mouvements. Il se met à genoux. Je lui fais face et je m’assois sur lui, je presse ma poitrine contre son torse jusqu’à sentir ses battements de cœur. Et maintenant il va falloir trouver une raison. De remonter.
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