Chapitre 6
J’étais dans le noir, j’avais froid et mal. J’entendais du bruit et des voix à côté de moi. Des voix qui disaient entre autres qu’ils ne pouvaient rien faire pour les ailes et que ce serait plus facile à vivre en les retirant définitivement. Je sentis quelque chose qui coupait. La douleur fut fulgurante et me réveilla instantanément.
Je me débattais comme je le pouvais, mais la douleur venait de partout et me vrillait la tête. Une voix disait que les plaies se rouvraient et qu’il fallait me calmer. Une paire de beaux yeux bleus se mit en face de moi et me dit : « Sois tranquille et endors-toi paisiblement ». Mes paupières devinrent lourdes et je m’endormis. La douleur m’avait quitté tout comme le brouhaha.
********** Un temps indéfini s’écoula **********
J’entendis deux voix, ce qui me réveilla. J’avais vraiment l’impression d’être revenu d’entre les morts. J’avais mal partout et j’avais les muscles aussi contractés qu’un cadavre. J’ouvris les yeux et les voix s’arrêtèrent. J’entendis : « Il se réveille ! »
J’étais dans une sorte de capsule où des rayons de lumière bleue inspectaient chaque partie de mon corps. La femme médecin appuya sur une touche qui fit éteindre les rayons et la capsule s’ouvrit. J’essayais de me lever, mais j’étais tellement raide que mes efforts étaient vains.
« Ne sois pas si pressé. Nous allons t’aider. » Me dit Lemline.
Suivant la parole aux gestes, Lemline et la jeune femme blonde aux yeux bleus envoûtants m’aidèrent à me lever. Je me sentais étrangement léger comme si on m’avait enlevé quelque chose. Je regardais derrière moi et je vis que je n’avais plus d’ailes. Lemline qui avait entendu ma pensée me dit :
— Nous sommes vraiment désolés de t’avoir enlevé tes ailes. Elles étaient dans un tel état que nous ne pouvions plus rien faire pour elles.
Quant à la jeune femme, elle me regardait intensément. J’avais l’impression qu’elle cherchait quelque chose en moi. Je répondis à Lemline que de toute façon, j’aurais dû être mort et que si cela avait été le cas mes ailes ne m’auraient servi à rien. Nous sortîmes de cette pièce qu’ils appelaient infirmerie et nous nous dirigeâmes vers le pont de commandement où je devais rencontrer le chef de ce vaisseau. Tout l’équipage savait qu’il y avait un Draconien à bord après le massacre de l’équipe d’intervention punitive.
Je sortis de l’infirmerie et en allant vers le pont de commandement, je vis que le sas avait été réparé, que les corps avaient été enlevés et que le couloir avait été nettoyé.
— Que sont devenus les corps ? leur demandais-je.
Cette fois-ci, ce fut la jeune femme blonde qui me répondit.
— Après avoir prié pour que leurs âmes trouvent la lumière, nous avons rendu leurs corps à l’univers en les incinérant.
Après un petit temps de réflexion, elle reprit :
— Tu n’aurais pas dû les tuer. Les êtres vivants ne décident pas de qui doit vivre et mourir. Tu as voulu nous aider à ta façon, c’est louable, mais tu étais guidé par la vengeance. Je peux comprendre que tu ais été conditionné comme cela depuis ta naissance, mais si tu le souhaites, je peux t’aider à changer et à trouver ta voie.
C’est la première fois que je prenais l’avis de quelqu’un en compte. Leur façon d’être et leur gentillesse que je prenais pour un acte de faiblesse étaient leur force. Une force plus grande encore que la peur. À cet instant, je pris une résolution qui allait changer le cours même de mon existence. Dès ce jour, je me mis non pas au service du Lanstar, mais je me donnais pour mission de protéger, d’aider et d’aimer ces personnes. Ce mot qui n’avait aucune signification pour mon peuple, à l’exception de quelques-unes de nos femelles, était quelque chose d’assez obscur, mais, malgré ça, je commençais à en saisir le sens et la signification.
Je ressentais une forte attraction envers cette jeune femme blonde. J’ignorais pourquoi. De plus, je ne connaissais même pas son nom.
— Je m’appelle Meslisne. Me répondit-elle en me souriant.
— Tu entends toutes mes pensées ? lui demandais-je.
Elle me répondit par l’affirmative et qu’elle trouvait mon esprit draconien très intéressant. Elle reprit :
— Je sens un immense pouvoir en toi. Pas en tant que Draconien. C’est bien plus profond. Ton énergie est noire comme les ténèbres cependant je ressens une très forte lumière tapie au fond de toi. J’ai l’intuition que l’on s’est déjà rencontré de nombreuses fois dans d’autres vies.
— Je ne sais pas… Je ne connais pas ce concept. Sinon que va-t-il se passer pour moi ?
— Tu le sauras en temps et en heure.
Bien qu’inconnu pour moi, cette expression me disait vaguement quelque chose. J’avais le sentiment de l’avoir déjà entendu, mais aussi que l’on me le dirait pas mal de fois dans un avenir proche et aussi extrêmement lointain.
Lemline, Meslisne et moi-même arrivâmes enfin sur le pont de commandement. Il y avait beaucoup de monde sur le pont. Toutes et tous souriaient. Cependant, parmi tout ce monde, je ressentais une chose qu’y m’était très familière et que je connaissais bien : l’agressivité. Cette agressivité provenait d’une seule personne, mais j’ignorais qui. Deux personnes se dirigèrent vers moi. Un homme aux traits efféminés portant la même combinaison blanche que la totalité de l’équipage se plaça devant moi. Il avait de longs cheveux blonds à la limite du blanc et des yeux bleus électriques. La deuxième personne, quant à elle, était une jeune femme aux cheveux longs noirs et à la peau brune. Ces deux prunelles noires avaient quelque chose de familier en moi. C’était bête à dire, mais je la ressentais comme un membre de ma famille.
— C’est bien ! Tu l’as reconnu instinctivement. Me dit l’homme qui me semblait être le commandant de ce vaisseau. Je m’appelle Shivstar, je suis le commandant du Lanstar. Et voici Misty, une novice de la 4e flotte, chargée de la communication et du passage d’âme. Tu connais déjà Lemline, médecin,-chef, et voici Meslisne, mon adjointe. Avant de t’en dire plus sur Misty, j’aimerais savoir le but de ta venue.
— Vous le savez. Lui répondis-je.
— Je veux te l’entendre dire, reprit-il toujours amicalement, mais d’un ton ferme.
— On m’avait confié la mission de m’infiltrer sur ce vaisseau et d’éliminer tout l’équipage.
— Pourquoi ne l’as-tu pas fait ?
— Je… bredouillais-je en regardant Meslisne… Je ne sais pas. Dis-je en essayant de reprendre un minimum de contenance.
— Le coup des âmes jumelles ça ne pardonne pas. Me dit Shivstar en souriant de toutes ses dents.
— Les âmes jumelles ? Qu’est-ce que c’est ?
— Je pense que Meslisne te l’expliquera mieux que moi. Revenons à Misty. Cette jeune fille est une personne très spéciale pour toi. Tout comme Meslisne, mais avec une petite différence quand même. Elle n’est autre que ton âme sœur. Là aussi, Misty te l’expliquera bien mieux que moi. Cependant il faut que tu saches que c’est très rare de retrouver dans une même incarnation son âme sœur ou son âme jumelle et encore plus de retrouver les deux dans une même vie. Si cela arrive aujourd’hui cela signifie que soit tu as de gros problèmes karmiques et que tu as besoin d’évoluer, soit que vous êtes très près de faire un bond dans l’évolution de l’univers. Mais d’après ce que j’ai pu voir, il me semble que cela soit la première option.
Je ne te demanderai qu’une seule chose, car il semble aussi que tu souhaites rester sur ce vaisseau. Apprends ! Apprends à contrôler ton énergie et ta férocité. Désapprends tout ce que tu as pu apprendre sur ta planète. Je terminerai en te souhaitant la bienvenue et j’espère que tu te plairas ici.
À la fin, il se mit à applaudir et le reste de l’équipage suivit, à l’exception de Meslisne et Misty. Cependant, je ressentais toujours cette agressivité.
Meslisne et Misty se dirigèrent vers moi. Je ne savais pas du tout quelle attitude avoir. Notre peuple n’avait pas pour habitude de discuter. C’était plutôt qu’on frappe, on tue et on ne pose pas de question. Autant dire que là j’étais en territoire inconnu.
— Ne panique pas, tu n’as aucune question à poser, répondit Meslisne à mon interrogation muette. Nous allons t’expliquer ce qu’est une âme jumelle et une âme sœur. Ne t’inquiète pas si cela ne te parle pas pour le moment. Tu comprendras quand ce sera le moment. Comme tu l’as entendu tout à l’heure, je suis ton âme jumelle. C’est-à-dire que notre âme est complémentaire. Dans des temps immémoriaux, nous 2 ne formions qu’une âme. Un jour, cette âme s’est découpée en 2. Tu en es une partie tandis que je suis l’autre. Le but de nos 2 âmes est de vivre chacune des expériences différentes et quand le moment sera venu nos deux âmes redeviendront une. Les âmes jumelles sont mutuellement attirées vers leurs contreparties, soit parce qu’il y a un travail à faire pour évoluer spirituellement, soit parce qu’il est temps de se retrouver pour aller au stade supérieur de l’évolution.
— Je crois que tu l’as perdu Mesline, dit Misty d’un ton amusé.
J’avoue que ce qui n’était pas faux. J’avais compris qu’on était la même âme qui s’était fractionnée à un moment, mais je ne comprenais pas le but de la manœuvre.
— Ne te pose pas trop de questions pour le moment repris Misty. Tu comprendras quand ce sera le moment. Pour les âmes sœurs, il s’agit un peu du même principe dans le sens où nous sommes issus de la même âme sauf que tu n’es pas ma contrepartie, mais plutôt un frère. Nous appartenons à la même famille d’âme. Pour l’instant ça ne te parle pas, mais concrètement cela veut dire que nous sommes faits pour nous entendre. Nous allons te laisser maintenant, car nous avons des tâches à faire. Nous reviendrons te voir tout à l’heure.
Les deux messagères partirent en me laissant perdu dans mes pensées. Une nouvelle vie s’offrait à moi et je me demandai si c’était une bonne chose. Autant pour moi que pour eux. Seul l’avenir nous le dirait.
Plusieurs cycles passèrent encore. Ma vision de la vie avait changé. Je lui avais enfin trouvé un sens à ma vie. Je me demandais comment j’avais pu être aussi ignorant et aveugle depuis tout ce temps. Néanmoins, malgré tous ces bons sentiments, je sentais toujours qu’une personne n’était pas totalement blanche comme neige et que j’allais avoir intérêt à me méfier. Je ne comprenais pas pourquoi l’équipage ne percevait pas que son énergie était très différente de la leur. Peut-être me faisais-je des idées ?
…
… …
J’avais le pressentiment que non.
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