L’homme a toujours cherché la lumière, de quoi s’éclairer. Au temps ancien, c’était le feu : un petit feu de camps près duquel se rassurer. Ensuite la bougie qui se reflète dans des centaines de miroirs pour voir comme en plein jour. Et maintenant, plongé dans le noir, roulant à toute allure, je vois les lumières des maisons défiler devant moi. Je regarde toutes ses lampes allumées et j’imagine… le nombre de vie, d’histoire, de rire qui tourne autour de ses petites ampoules visées au plafond. Parfois je vois, en contre-jour, une personne passer devant la fenêtre telle une ombre furtive. Je vois des familles attablées, des étudiants s’étirant après leur travail, des enfants courants d’un mur à l’autre. Et moi je continue d’avancer, de partir, de partir loin de ces petits bouts de personne inconnue. Des personnes dont quelques secondes avant, je venais de percer l’intimité, leur volant une partie de ce qu’il vivait, le gravant dans ma mémoire.

Quelque chose que je hais dans la lumière… c’est quand il n’y a personne qui vit à côté d’elle. Dans le noir qui m’entoure, je suis éblouie par ces vives couleurs, ces panneaux d’éclairage mornes et vifs qui ne veulent que sucer le tréfond de ton corps. « Qu’est-ce que tu peux nous donner ? Nous le prendrons ! » chuchote-il dans leur morte présence.

Eteignez-moi ces spots qui ne servent qu’à nous vider et nous laisser mort sur le bord d’un chemin.

Si j’ai peur de ces lumières, mieux vaut que l’ombre se poste à mes côtés. Elle fait parfois peur. On ne sait pas la surprise qu’elle veut t’offrir mais lorsqu’elle est là, je suis calme. Comme lorsqu’on immerge un nourrisson, mon pouls se calme, mes yeux s’ouvrent grand, mon corps s’immobilise. On a trop souvent eu peur du noir ! Dans le noir, l’imagination peut tout faire et si nous lui faisons confiance, elle nous réserve des merveilles.

En attendant, je continue de rouler toujours plus vite. Je veux rentrer à la maison, j’ai sommeil.