Chapitre 0
L’eau était immobile. Pas même un insecte ne venait troubler la surface encore sombre en cette heure trop matinale. Le ronron des pompes était imperceptible, laissant au liquide la joie de charmer les oreilles attentives à son fin clapotis, là, juste sur la surface, si vraiment vous vous approchiez de très près.
Une brise légère effleura la masse bleue, ridant l’eau aussi discrètement que l’âge sur un visage vieillissant d’une année, et encore d’une année, et encore d’une année, marqué par les rires, les soucis, les étonnements et les savoirs. Une libellule venue se désaltérer profita de ce trouble de la nature pour oser elle aussi troubler la surface.
Lorsque le soleil se leva enfin et fit délicatement briller le bassin, personne n’était encore éveillé et prêt à accueillir ce spectacle : celui du calme et de la sérénité.
Bientôt ces deux états cesseront, pour laisser place aux humains, agités, bruyants, occupés, insensibles. En cette nouvelle journée d’été, ils n’imagineront (même) pas qu’une libellule ait pu se poser si délicatement là où leurs pieds pénétreront trop brusquement l’eau. Ils ne penseront pas à ce que cette masse d’eau peut être la nuit, sans personne autour d’elle, ni en elle.
Surtout, personne à cette heure où les rayons du soleil peinaient encore à réchauffer les dalles crème, ne se doutait que la journée à venir serait plus sombre que l’eau en pleine nuit.
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