Comme des millions de personnes avant elle, Gaëlla découvrait l'origine de son existence en se rendant au quartier des pouponnières, aussi surnommé celui des "grands carrés".

— C'est impressionnant... C'est gigantesque... s'extasia Lasia à côté d'elle, les yeux écarquillés devant l'immensité des bâtiments qui leur faisaient face.

Elles les voyaient de loin depuis chez elles, mais ne s'en étaient jamais autant approché.

— Et dire qu'on vient tous de là... ajouta Gaëlla.

Devant elles s'étalaient des rangées de très hauts gratte-ciels carrés, dont la largeur était tout aussi démesurée : ils devaient faire trois kilomètres de long. Les immenses "carrés", principalement étalés en longueur, étaient tous accompagnés d'un grand immeuble, dans lequel vivaient les mères porteuses.

— On visite celui-là ? proposa Lasia en s'approchant du carré le plus proche. De toute manière, c'est tous les mêmes...

— D'accord, allons-y. Mets ton pass en évidence, dit Gaëlla en dégageant de sa veste le badge qu'elle portait autour du cou, afin qu'il soit bien visible.

Les deux jeunes filles se présentèrent à l'entrée du gros bâtiment carré, où des caméras scannèrent leur badge, avant qu'un bip ne retentisse. La porte devant elles s'ouvrit alors. Elles pénétrèrent dans un sas d'un blanc immaculé. Une voix féminine et douce résonna à leurs oreilles tandis que la première porte se refermait derrière elles :

— Analyse et désinfection dans cinq secondes. Restez immobile durant l'analyse. Fermez les yeux. 5, 4, 3, 2, 1.

Gaëlla et Lasia ne bougèrent pas et gardèrent les yeux clos, conformément aux instructions, tandis qu'un laser les balayait de haut en bas puis de bas en haut. Une vapeur très fine émergea des murs blancs et Gaëlla pinça les lèvres pour ne pas en recevoir dans la bouche. Elle savait d'expérience que ce désinfectant spécial était très désagréable au goût.

— Analyse et désinfection effectuées. Veuillez enfiler les blouses et les surchaussures d'hygiène. Désinfectez-vous les mains.

Gaëlla et Lasia rouvrirent les yeux et suivirent les indications. Les jets de vapeur s'étaient arrêtés, à présent deux blouses blanches sortaient d'un mur latéral, ainsi que deux sachets transparents contenant les paires de surchaussures jetables. Devant elles, un carré blanc destiné à leur distribuer du gel hydroalcoolique bippa deux fois lorsqu'elles passèrent leurs mains dessous.

— Vous êtes les visiteurs numéros 276 et 277, reprit la voix. Fixez vos badges sur vos blouses. Prenez le formulaire. Validez vos informations personnelles. Passez une agréable journée.

Deux formulaires et deux badges ronds tombèrent dans un bac à leur gauche, elles s'en saisirent et se tournèrent vers un écran plat digital. Il affichait un document indiquant quelques informations sur l'identité de Lasia, notamment qu'elle se nommait Lasia Hernard, avait quinze ans, résidait à Parseille Ville, mesurait un mètre cinquante-neuf, avait les yeux verts et les cheveux châtains. Elle avait simplement besoin de remplir la case de son numéro d'identification, pour confirmer qu'elle était bien la personne identifiée dans le formulaire (et également identifiée grâce au pass qu'elle avait autour du cou, qui lui permettait cette visite gratuite).

Les quelques informations de Gaëlla s'affichèrent ensuite, lorsque Lasia eut fini. La jeune fille entra à son tour son numéro puis valida en cochant une dernière case à la fin du document. Elle confirmait ainsi qu'elle était bien Gaëlla Strage, quinze ans, résidant à Parseille Ville, mesurant un mètre soixante-sept, ayant les yeux bleus et les cheveux châtains bouclés.

Tout était en ordre et elles avaient scrupuleusement suivi les instructions, alors la porte du sas s'ouvrit devant elles en coulissant vers la droite.