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En bois et en tôle gondolée, pigmentée de lichen, dévorée par le lierre, qui tombait en rideaux devant les ouvertures, la cahutte ressemblait à une maison de nains comme Gaëlla en avait vu des images dans les contes.

Perchée à plus de quatre mètres de haut, coincée entre deux majestueux chênes et percluses de clous, elle semblait avoir été rafistolée à la main à de nombreuses reprises.

– Je vais t’aider à… à monter, si tu veux.

Gaëlla foudroya le jeune homme du regard, pour l’avertir qu’il n’avait pas intérêt à remettre ses sales pattes sur elle.

Une fois au pied des arbres, elle distingua une échelle de corde faite à la main, qui ne lui inspirait qu’à moitié confiance. Plusieurs barreaux de bois étaient manquants, et d’autres cassés. Elle réalisa qu’elle serait en effet incapable de monter seule à cause de ses entraves.

Romickéo grimpa l’échelle sans plus attendre, puis, une fois sur l’étroite plateforme de bois qui semblait faire office de terrasse à la cabane, il indiqua à Gaëlla :

– Assieds-toi sur l’un des barreaux et enroule tes jambes autour d’un autre, je vais tirer les cordes jusqu’en haut pour t’élever !

La jeune fille s’exécuta à contrecœur, consciente qu’elle devait suivre le loup dans sa tanière pour mieux l’atteindre plus tard.

– Accroche-toi, crut-il utile de préciser, tandis qu’elle se sentait soulevée en hauteur.

Au bout d’une longue et fastidieuse ascension, elle atteignit la plateforme et sentit les bras de Romickéo la tracter vers l’avant, pour la dégager de l’échelle de corde et l’aider à se mettre debout. Elle aurait tellement souhaité être libre de ses mouvements pour lui asséner un bon coup-de-pied dans l’entrejambe et le voir se plier en deux dans un cri étouffé…

Il s’épousseta, puis se tourna vers la cabane.

– L’entrée est par ici.

D’en bas, Gaëlla n’avait pas remarqué que les troncs des deux chênes traversaient le plancher de la maisonnette. Leur canopée s’étalait au-dessus de leurs têtes et masquait à leurs yeux le ciel étoilé. Des glands et des feuilles jaunies jonchaient la plateforme et le toit de tôle par dizaines.

Romickéo ouvrit une porte qui n’était en réalité qu’un panneau de fer grossièrement affublé d’une poignée, et invita Gaëlla à entrer à sa suite.

Elle remarqua à peine la différence de température en pénétrant dans l’unique pièce du petit logement. La pénombre l’empêchait de distinguer avec précision les détails autour d’elle, mais elle reconnaissait un évier et ce qui ressemblait à une vieille gazinière à droite ; une table entourée de deux chaises au milieu de l’espace, face à une fenêtre craquelée ; et un placard bancal ainsi qu’un matelas calé contre la cloison de bois à gauche.

Un effluve de plantes aromatiques flottait dans l’air frais.

– Je ne fais que rarement du feu, dit Romickéo, et comme je veux éviter d’être repéré, on va faire sans, désolé. J’ai un petit chauffage solaire, mais je ne l’ai pas rechargé…

Il se gratta le menton, l’air de s’interroger sur ses futures actions, puis se saisit d’un petit objet posé sur la table, et d’une coupelle métallique sur laquelle une bougie effondrée avait à-moitié fondu. Dans un cliquetis, une petite flamme dansante apparut du bout de l’ustensile qu’il tenait. Gaëlla sursauta à la vue de la lumière. Il alluma la bougie. Éclairé par le dessous, le visage de Romickéo était souligné d’ombre, et son regard brillait.

– Tu veux manger un bout ?

Bien qu’elle mourût de faim, Gaëlla lui adressa un regard assassin pour toute réponse. Elle n’avait pas survécu jusque-là pour se faire empoisonner par son ravisseur, elle n’allait pas prendre le risque…

Face à son mutisme, Romickéo haussa les épaules, et ouvrit un placard sous la gazinière. Il en sortit ce qui ressemblait à une carotte, qu’il mordit dans un croquement net.

– J’imagine que tu auras du mal à fermer l’œil, mais je te propose qu’on dorme le bout de nuit qu’il reste, et qu’on discute demain.

Gaëlla n’en revenait pas ses oreilles. Le jeune homme s’adressait à elle comme s’ils faisaient une soirée pyjama entre amis. Il désigna le matelas posé à même le parquet froid, à gauche de la table.

– Tu peux prendre mon lit, ajouta-t-il.

Avec répugnance, Gaëlla se coucha sur le matelas, moisi d’humidité. En dépit de ses liens, elle remonta l’épaisse couverture qui gisait à ses pieds, jusqu’à son menton grelottant de froid.

L’air satisfait, Romickéo prit une chaise autour de la table, et la posa contre la porte d’entrée. Avec un soupir, il s’assit dessus et reporta son regard sur Gaëlla.

La jeune fille frissonna. Elle comprit qu’il n’avait en réalité pas l’intention de dormir, et qu’il serait vain de tenter de fuir dans la nuit.

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