Pensées discordantes

8 minutes de lecture

[The Chainsmokers & Coldplay – Something just like this]

Après le rêve, le beau temps.

Ouvre les yeux sur la réalité,

Et angoisse en un instant.

Le retour à la réalité du lendemain. Les souvenirs étaient étrangement trop proches, trop puissants. L'intensité avait été telle que tu me hantais assez pour me couper l'appétit. Je n'avais pas rêvé dans la nuit, mais c'était tout comme. Mon cerveau était comme dans une brume épaisse. Et je ressentais un stress immense. J'étais perturbée et surtout, j'avais peur. Peur de quoi ? Facile à comprendre : de trahir mon aimé, l'homme avec qui je vivais depuis cinq ans. Ce n'était pas facile, ce n'était jamais facile d'être au milieu. Mais c'était surtout l'incertitude qui m'empêchait de réfléchir. J'ai tenté de me consoler et de me concentrer dans mon travail.

Mais il n'est jamais facile de regarder devant soi, ainsi, alors que le centre de notre attention n'est pas très loin, dans le bâtiment à côté. C'est d'autant plus difficile lorsque j'entrevois ta voiture, déjà garée le matin, juste devant notre lieu de travail, me signifiant ainsi que tu es déjà présent. Il est alors difficile de résister à la tentation de te chercher du regard. Et pourtant, il faut y résister. La peur prend le dessus, me permettant de me concentrer, mais le stress est présent, et mon cœur se serre. Ce ne sont pas les symptômes de l'amour que je ressens là, je les aurais reconnu. Mais j'ai tellement peur de faire une bêtise, je le sais, j'en suis capable. Ce ne serait pas la première fois. J'ai peur, peur de ne pas te résister, si tant est que mon intuition ait raison. Mais je me concentre, je vais dans mon bureau et tente de t'oublier. Je dis bien « tente », car ce genre de réaction est bien vaine. Notre soirée me tourne dans la tête, encore et encore. Certains gestes de ta part, certaines réactions, et surtout ce que j'ai ressenti, me perturbent.

Les moments les plus durs de cette première journée ne sont qu'à venir, évidemment. Parce que nous nous voyons, irrémédiablement. D'abord à la pause café du matin, où nous avons l'habitude de bavarder, et de rigoler un peu dans notre coin – enfin, où j'ai surtout l'habitude de te raconter mes déboires, vue que tu écoutes plus que tu ne bavardes. Mais ce matin, je prends mes distances, tentant de ne pas te regarder, de ne pas me rappeler de tes cheveux humides, longs, lâchés sur tes épaules. Me retenant de regarder tes yeux, sombres et foncés ce matin, alors que je le sais, je les ai vue, claires et limpides, hier. Tu t'es renfermé aussi, et pourtant cela ne t'empêche pas d'esquisser un sourire en me regardant. Pourquoi ? Parce que nous sommes amis… Je suppose. Du moins j'essaie de me persuader que c'est le cas, et qu'il n'y a que cela. Toutefois, ce n'est pas le reste de la journée qui va m'aider à comprendre ce qu'il se passe, ou ce que j'essaie d'éviter qu'il se passe – et qui pourtant m'attire comme un aimant. Je bois mon café, écoute les ragots des collègues et repart dans mon bureau pour le restant de la matinée. Que je vais évidemment passer à ressasser cette soirée, en long, en large et en travers.

A la pause de midi, comme à notre habitude, nous mangeons tous ensemble. Et comme à notre habitude, nous sommes l'un à côté de l'autre, silencieux… Pour une fois. Toutefois, il y a quelque chose de différent, comme une gène mutuelle. Tiens, de nouveau cette gène, mais qui est d'autant plus accentuée. J'ai dû tenter une ou deux fois d'entamer la conversation. Mais la même réserve est restée présente. Et tandis que les regards s'évitaient d'autant plus, je me suis rappelé que les jours à venir allaient être difficiles. En effet, c'était toi qui allait me ramener, le temps d'un week-end, au près de mon aimé. J'allais être en voiture avec toi, pendant plusieurs heures… Enfermée avec toi dans ta magnifique voiture à rayures, à tenter de ne pas laisser une gêne dérangeante, et surtout à me retenir de dire des bêtises.

Mais pour ce jour, c'était fini, je ne te reverrais plus après ce repas. Ta voiture n'étais plus là quand, moi-même, j'ai pris la mienne pour prendre le chemin du retour. Ce ne fut pas véritablement un soulagement. Car même si je retrouvais mon petit logement, mon quotidien, mon ordinateur et mes habitudes, tu étais dans ma mémoire. Mes souvenirs, toujours aussi vivaces et dérangeants étaient là, et voulaient me dire quelque chose que je ne voulais pas écouter. Que je refusais d'écouter. Et même en reprenant mes habitudes, en tentant de d'écrire, en bavardant avec mes amis via le seul outil de communication que j'avais (soit l'ordinateur) et même en regardant mes séries le soir, allongée… Tu étais là, insidieusement. Et j'ai eu beau tenter d'aller dormir, de m'allonger et de t'oublier, le sommeil ne m'a pas trouvé. A la place, il n'y avait que mes souvenirs. Alors, me relevant, j'ai rallumé mon ordinateur et j'ai écris. Je n'ai pas compté les heures. J'ai écris, tentant de me rappeler chaque détails, tentant de sortir cette soirée de ma tête, le temps d'une nuit, et peut-être pour le reste de notre amitié. J'ai écris, tapé, chaque caractère, chaque mot dont je me rappelé. Chaque geste et chaque parole que mes souvenirs faisaient en sorte de me remémorer. Puis, au bout d'un temps indéfini, et lorsque je fus contente de mon récit, j'ai arrêté d'écrire, et sans me poser plus de questions, suis allé dormir. Le sommeil me trouva, enfin, et j'espérais t'oublier, aussi. Ce ne fut que le matin que je compris – et surtout sentis – que j'avais veillé tard, très tard.

Mais peut-être fusse trop demandé. Le lendemain, j'ai du commencer par aller chercher du matériel sur le terrain. Et comme à mon habitude quand mon emploi du temps commençait par cela, j'allais au travail plus tôt. Heureusement – ou malheureusement – je ne t'ai point vue arriver avant que je ne parte à mon tour. J'ai ressenti un léger soulagement. Soulagement qui m'apporta la preuve que je n'étais pas vraiment amoureuse de toi, pas tout à fait. Cependant, même en sachant que je ne te verrais pas avant plusieurs heures, j'angoissais quelque peu. Les musiques de la radio matinale me faisaient penser à toi. Je les chantonnais afin de me détendre, sans vraiment trouver la paix. Puis je me suis mise à réfléchir de nouveau, à me remémorer le texte, me rendant compte que j'avais omis des détails que je me devais d'écrire ! Alors est-ce ce que j'ai fais en revenant. Ou du moins ai-je essayé, car déjà, vous étiez en pause café lorsque je ramené le matériel. Le stress est très rapidement revenu.

Il n'est pas facile une fois de pouvoir calmer la tempête intérieur en ayant le responsable sous les yeux. A la différence que cette fois, j'ai préféré t'approcher. Pourquoi ? Peut-être parce que ma matinée m'avais permise de me calmer quelque peu, de prendre de la distance, mais également pour te poser des questions sur l'heure de notre départ le soir même, qui allait chercher qui, pour des informations pratiques. Je n'avais pas le choix si je souhaitais rentrer chez moi. Puis nous avons parlé de choses assez banales. Rester dans le banal, pour ne pas aller sur des sentiers dangereux au risque de te parler de n'importe quoi d'autre, était ma meilleure solution pour défaire le froid que j'avais installé la veille. Oui, tu me hantais, enfin, surtout cette soirée. Mais nous étions amis, et je tenais quand même à cette amitié. Toi, le gars le plus gentil que je connaisse et pour qui – je n'allais pas me le cacher – je ressentais quand même de l'attirance, ne semblait pas te rendre compte de mon trouble. Tant mieux ! Le froid s'étant effacé, il me restait ma gêne et mon esprit à calmer.

Mais pas le temps, tu retournais déjà au travail, et moi de même. Enfin, personnellement, je retournais écrire, comme je me l'avais répété dans la voiture. Me concentrant sur chaque mot, chaque formulation pour rendre ça le plus réel possible, remettant les détails que j'avais oublié, écrivant sans relâche, me relisant plusieurs fois, me relisant de nouveau pour bien me souvenir de chaque instant, chaque moment. C'était vendredi, il n'y avait personne dans le bureau, je n'avais que ça à faire. Alors je remettais sur papier toutes ces petites choses qui m'avaient marquées, je voulaient les inscrire sur le blanc des pages, les enregistrer. Même après avoir écris tout ce texte la veille, les souvenirs restaient vivaces et bien trop présent dans ma tête. Pourtant, ce n'était pas la veille que j'avais vécue cela… Et même après avoir lu, relu et encore relu, la vivacité ne s'estompait pas. Alors je fermais le texte, et j'ai tenté de me concentrer sur autre chose. Une autre activité plus sérieuse, mon rapport de stage peut-être ? Ou la mise à jour des bases de données qui étaient déjà mises à jour ? La recherche de bibliographie ? Non, décidément rien n'y faisait, je ne pouvais t'effacer de ma mémoire.

Le repas du midi arriva, et je pus de nouveau te croiser. Cette fois, sans aucune raison, j'avais le sourire. Peut-être que je me forçais, ou alors était-ce nerveux. Quoi qu'il en soit, après avoir réchauffé mon casse-dalle et le peu de nourriture que j'avais emportée, je me posais encore une fois à côté de toi. Tu m'a souris, et je te l'ai rendu par politesse. Restant tous les deux silencieux les premières minutes – comme toujours – j'ai finalement pris la parole – comme toujours. Je t'ai demandé des détails, et confirmation pour le départ de ce soir, sachant que depuis le matin tu avais réfléchis. Je pris conscience que le moment fatidique se rapprochait. C'était difficile de s'imaginer. Et ce serait difficile de décrire ce que je pouvais bien ressentir. D'un côté j'étais angoissée de prendre la voiture avec toi, et de l'autre, j'étais heureuse de rentrer chez moi en bonne compagnie. Les émotions se mélangeais pour former un amas informe qui me créait une angoisse étrange. Oh, pourtant, je n'avais pas de soucis à me faire, nous n'étions qu'amis. N'est-ce pas ?

Quant à l'après-midi, elle passa vite. Peut-être dû au fait que j'ai bavardé avec une amie. En fait, je n'ai pas résisté à l'envie d'avoir un avis, un regard extérieur. Je lui ai donc envoyé mon pavé à lire, notre solstice, avec tous mes superbes détails. Et non, je n'ai absolument pas réussie à résister à l'envie de rouvrir ce texte et de le lire encore une fois pour voir si les choses étaient bien trop réelles. Mes soupçons furent confirmés par cette amie. Une coïncidence ? Avais-je aussi posé la mauvaise question ? Nous n'étions qu'amis, et rien ne pouvait véritablement prouver le contraire. Sauf, ce texte… Et le peu de détails que j'avais relevé tout au long de ces trois journées. Mon angoisse s'accentua, et je ne pourrais mentir en disant que je n'étais vraiment pas bien lorsque je rentrais chez moi pour préparer mes affaires, attendant l'heure du départ.

Ce ne fut qu'une heure après que tu arrivas, et que nous partions.

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