Chapitre 20 : Patient n°3

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Alors que le Soleil amorce sa descente, les rues de la ville commencent à se dépeupler. Il est encore tôt, mais l’air devient trop frais pour passer la soirée à l’extérieur. Pour agrémenter le paysage, quelques flocons pointent le bout de leur nez, et scintillent au-dessus du fleuve. Bientôt, on n’entendra plus un son, et il fera nuit. Sur le grand pont, à part une file de camions, on aperçoit une voiture qui se distingue des autres par son aspect coloré. Cela ne provient pas d’un choix, le véhicule a subi quelques accidents, et certaines parties ont dues être remplacées. D’ailleurs, il y a de la rouille et des impacts un peu partout, ainsi qu’une vitre manquante.

Dans cette petite voiture se trouvent trois hommes. L’un est sûr de lui, tandis que les deux autres se rassurent mutuellement. Les passagers sur la banquette arrière sont deux frères différenciés de deux ans. L’adulte essaie de détendre son petit frère en lui lançant des regards réconfortants ou encourageants. Aucun des deux n’a envie de parler. Alors que l’air s’engouffre dans le véhicule, l’atmosphère s’alourdit de secondes en secondes. Tous les trois connaissent les risques de cette mission, et pourtant, ils ont décidé d’y sauter à pieds joints.

Le grand frère, lui, court moins de risque. Adhérent au Programme depuis quelques mois, il a réussi à se faire opérer. Sur son épaule, à la place d’une cicatrice se trouve désormais un bras adapté à sa morphologie et tout à fait fonctionnel. Le petit frère, en revanche, a tout à craindre. Arrivé dans le Programme depuis peu, il désire à tout prix rejoindre son unique famille le plus vite possible. Incapable de prononcer le moindre mot depuis sa naissance, il est déterminé à découvrir la vie normale.

La voiture démarre au feu vert, et s’engouffre dans une petite rue qu’on ne voit même pas. De chaque côté, les rétroviseurs frôlent les murs, et parfois laissent une trace de leur passage. La route est abîmée, si bien que les passagers doivent se tenir entre eux pour ne pas passer par la fenêtre. Miraculeusement, ils débouchent sur le quai d’un port, sorti de nulle part. Le véhicule s’arrête brusquement, et les deux frères sont projetés en avant. Les ceintures ayant été arrachées, le petit frère manque de se casser le nez sur le dossier conducteur, tandis que le grand frère endosse un rôle de matelas protecteur avec son nouveau bras.

« On y est, annonce sèchement Lucien. Tu n’as pas oublié, pas vrai ? Tu entres dans le container, tu récupères le colis, tu donnes la lettre, et tu reviens. Ta mission est très simple, mais très importante, répète-il pour la centième fois en insistant encore.

- C’est bon, Lucien, il a compris, siffle le grand frère. Et moi, je surveille que personne n’arrive. Allez, on y va, chuchote-il à l’intention de son petit frère, terrifié. »

Dans le silence de la nuit, deux portières claquent. Le reflet de la Lune brille sur le fleuve, tandis que des flocons viennent se loger dans les cheveux des deux frères. Comme prévu, chacun se place à son poste. Le grand frère se tient derrière un lampadaire éteint tandis que le petit frère se faufile parmi les containers abandonnés. Malgré sa prudence, l’aîné ne peut s’empêcher de jeter un coup d’œil à son cadet, et ne remarque pas que la tempête approche.

Il fait froid, et le petit frère n’a pas prévu une tenue vraiment adaptée. Le sol n’est que partiellement gelé, mais c’est suffisant pour faire preuve de vigilance. Un pied devant l’autre, il avance sur la pointe des pieds, sans quitter son objectif des yeux : le container bleu avec un unique rayure rouge. Il ne peut pas se tromper, il n’y en a qu’un seul. A l’intérieur, quelqu’un l’attend depuis une heure ou deux. Malheureusement, personne ne pouvait prévoir ce qu’il allait se passer.

Un pas de plus, et c’était celui de trop. Il n’a pas fait attention, et a glissé sur une plaque de verglas. Il ne s’est rien cassé, alors se relève promptement et guette autour de lui en frottant ses mains froides. Ce qu’il voit le terrifie. Dans son dos, une ombre se rue dans sa direction à une vitesse surnaturelle. L’action se déroule si rapidement que les deux acolytes n’en voient pas une seule seconde. Ils tournent la tête lorsqu’un cri se fait entendre.

« On ne bouge plus ! »

Le petit frère est pris au piège par un officier de police. Les mains derrière le dos fermement tenues, le petit frère cherche son aîné, alors que son sang ne fait qu’un tour. Toujours derrière son lampadaire, le grand frère, pour la première fois, ne sait pas quoi faire. Ses jambes tremblent. A sa gauche, un autre policier se faufile par l’arrière du container, une arme à feu dans les deux mains. A sa droite, Lucien regarde la scène depuis la voiture, les yeux écarquillés.

Le grand frère commence une course effrénée vers le bord du quai. Pris par surprise, le petit frère se débat. Commence une bataille acharnée entre le petit frère et le policier, et les voilà tombés lourdement à terre. Pris dans un piège de glace, la lutte se complique, et chacun tente de se relever. Dans la panique, le policier prend appui sur le petit frère, entraînant sa nouvelle chute. Mais cette fois-ci, impossible de se relever, car le petit frère finit dans le fleuve. Le grand frère atteint le bord du quai, mais il est trop tard. Ce n’est qu’à cet instant qu’il remarque les flocons virevolter en cercles, et le regard horrifié du policier.

« Je suis foutu… » chuchote l’homme assis dans la vieille voiture vide, un badge d’infirmier à la main.

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