au temps de mes grands-parents

2 minutes de lecture

Voilà des années qu'il faut que je supporte la famille Pinet. Je la hais depuis toujours. Mon grand-père me racontait que Madame De Pinet mettait son veto pour l'agrandir mon exploitation. On aurait dû augmenter notre gain au lieu de cela, nous restions dans la pauvreté. Il pestait contre elle. Veuve avec trois jeunes enfants, elle venait chez nous en nous prenant comme des serfs avec son air fier et pincé. J'avais huit ans. Elle s'invitait à notre table pour réclamer son fermage avec ses marmots qui se tenaient correctement, même un peu coincés et timides. Ils ne parlaient pas, ils me reniaient. Ses fils nous observaient de temps à autre, quand ils osaient relever la tête. Maniérée, elle montrait bien qu'elle n'était pas du même monde que nous.

Mon grand-père mourut avant ma grand-mère, elle n'a pas eu un geste de madame De Pinet, l’unique question qui se posait :

— Allez-vous parvenir à payer mon fermage ?

Aucune formule de présentation de condoléances. Ma grand-mère pouvait se retrouver sans métairie alors que c'était toute son existence. Elle perdait l'amour de sa vie et se retrouvait seule à m'élever. Elle n'obtenait aucune aide ni de soutien. Elle détestait sa propriétaire, elle me disait :

— Ne deviens pas comme ces rentiers méprisants qui sont prêts à te mettre sur la paille pour se remplir les poches, je me battrai pour garder mon domaine ! Elle n'attend qu'une chose : que je lui cède et pars d'ici. Je ne lui laisserai pas ce plaisir pour qu'elle vende et s'enrichisse Moi, son petit-fils qui entendait son discours ne s’égarait pas par des rêveries, je me jurai de me venger un jour du préjudice causé par cette femme.

Je grandissais et je regardais ma mamie se tuer à la tâche. Vers la fin de son existence, elle était usée de fatigue et elle tomba malade avec la tuberculose. Je ne la voyais plus. Je n'avais pas lui dire adieu. Mon père succéda, il gardait une rancœur pour mon nouveau propriétaire qui n'eût nul mot pour le consoler. Il passa outre, mais ce n'était pas la même génération, mon papa ne recevait pas chez lui, un courrier nous réclamait notre impôt. Encore une fois, le dédain avec des formules pompeuses, sans la moindre compassion pour notre difficulté de le payer. Il galérait, nous étions tributaires du temps et les récoltes ne furent pas toujours généreuses. Ce bourgeois ne connaissait pas la crise, il vivait avec aisance. Je maudissais cette famille et cette haine s'amplifiait au fil du temps, j’ambitionnais prendre la suite pour. Plusieurs générations exerçaient l’identique métier et dans la même habitation. C'était comme si elle nous appartenait. Alors lorsque Monsieur de Pinet fils m'annonça son projet de vente, le sang me fit un tour. J'allais perdre ce que je considérais comme mon bien et je désirais l'acheter, mais ma proposition ne lui convenait pas. Il souhaitait plus cher, mais je ne pouvais pas le permettre. Il lâcha l'affaire pendant quelques années.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire fleur rose ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0