Je vous jure
Je vous jure, avant, j’étais différent. J’étais gentil, aimable, poli. Autant de qualités qui m’ont immédiatement fait passer pour un complet imbécile dans cette ville grossière, putride, nauséabonde. Cette ville a cessé de répondre à mes bonjours et mes bonsoirs, malgré mes visites quotidiennes, les fortunes que j'y ai dilapidées et la sueur urbaine que j'y ai dépensée. À l'inverse de beaucoup, je ne lui ai jamais craché dessus, ni ne l'ai jamais souillée de mes ordures.
Avec le temps, j'étais devenu une marchandise que ses lieux consomment. Je me sentais oppressé, asservi, le temps que je passasse sur un siège d'emprunt qui me permettait d'absorber quelques approximations culinaires, des cafés minuscules hors de prix et des alcools médiocrement servis.
J'ai cependant observé ceux qui parvenaient à faire de leur tabouret la scène de leurs gesticulations emphatiques, d'où ils hélaient les serveurs comme des putes, et vomissaient quand ils se sentaient à l'aise.
Voir deux personnes s'embrasser dans cette ville me paraissait aussi incongru qu'un prêtre bénissant une capote. J'ai d'ailleurs toujours soupçonné les bécoteurs d'être des acteurs payés par la municipalité pour jouer jusqu'à l'outrance des stéréotypes usés. J'en ai d'ailleurs surpris qui cherchaient du regard l'approbation d'étrangers quant aux qualités esthétiques, fessières et mammaires de leur partenaire, exhibée comme un vêtement de marque.
L'amour est une économie de marché.
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