acte 1 sc 2
(Bérénice entre subitement, elle boit)
Scène 2 (anthiochus, bérénice)
Bérénice
Pardonnez cette attente : Je reviens des waters !
Des besoins naturels qui ne sauraient vous plaire
Embaument maintenant le recoins si discrets
des jardins de cette ville aux murmures peu secrets.
Navrée mais je n’ai pu plus longtemps retenir
Ces fluides matières toujours prêtes à fuir...
Antiochus
Vous êtes excusée car je connais aussi
Ces témoins si humains garants de notre vie.
Besoins que les dieux mêmes cachent aux yeux dévots
De ces âmes suspectes d'hypocrites bigots...
Bérénice
Mais si les dieux ont fait l'humanité si forte,
Il y a faiblesse à nous vider de la sorte.
Je n'ose point mon cher poursuivre plus avant
Les histoires de mes fesses, de mon triste penchant
Pour ces humaines déjections. Il faut encore
Ajouter : si l'odeur des produits de nos corps
Déplaît à nos pensées, il faut nous rappeler :
Sans elles l'univers ne saurait exister.
Où l'odeur de la merde devient une maxime
L'humanité triomphe dans cette fragrance intime.
Puis-je aussi vous parler sans froisser vos pensées
Ou vos nobles passions qui vous donnent à trembler,
Ce que vous appelez les produits de la pine ;
Qui se déversent et chantent tel une ode marine,
Et dansent au fond des cuves de ce glorieux palais
Telle une onde joyeuse aux beaux reflets dorés.
Lorsque jaillit dans de grands flots cette pisse
Qui soulage nos ventres dans de puissants délices
Nous songeons que les dieux par leur souffle divin
Ont su donner à l'homme ces plaisirs souverains.
Pensons bien, pensons juste à l'humaine condition :
Par le haut nous buvons, par le bas nous pissons ;
Par la bouche nous mangeons, par le cul nous chions ;
Vers le haut nous prions les dieux puissants et justes
Vers le bas nous chions dans des poses augustes.
Ainsi le noble cycle de la vie nous chantons
Par la voie si secrète de nos tendres crottons
Et parmi tous ces fluides il ne faut oublier
Les si beaux pets que j'aime tant entendre sonner
Dans les vastes couloirs de cette belle maison,
Dans l'embrun bleu des nues, vers de vastes odéons...
Cette musique si douce à mes fines oreilles
Me permet tous les soirs de trouver le sommeil
Orne ainsi mes journées trop souvent ennuyantes
Des fumets délicats que mon cul me présente.
Et illumine mes jours quelquefois monotones
D'un bruissement aussi fin qu'un beau début d'automne.
Ces excrétions m’inspirent et je dédie sans cesse
Des odes à ces délices qui traversent nos fesses
Qui parcourent également nos conduits urinaires
Enchantant tous nos jours telle une belle lumière.
Ce qu'une reine et un sot partagent en échange
Ce sera pour toujours les délices de la fange.
Antiochus
Vos paroles je crois bien résonnent en moi et font
Naître bien des envies dont je tairai le nom.
Bérénice
Oh que j'aime à tenir ces discours téméraires
Qui osent si bien décrire ces plaisirs de la chair.
Mon cher ! Ce serait un honneur de partager
Avec vous ce bonheur ! Et puis de m'en aller
Le cœur joyeux, ravi, de vous voir déféquer
Pour connaître des plaisirs que l'empereur néglige
Et de vos doigts bénir l'autel de Callipyge ;
Respirer avec soin le fruit de nos entrailles
Me torcher avec vous d'une poignée de paille
De gras tissus humides ou de soie blanche et lisse
Qui peuvent tout aussi bien absorber notre pisse.
Les papiers usés savent aussi nous combler
Pour essuyer les restes de nos derrières souillés.
Nous pouvons également joindre à notre arsenal
D’utiles torche-culs pour nos conduits anals :
Tout ce que la nature offre comme animaux
Portant douces peluches ou de poils fins et chauds
Comme furets et belettes ou petits écureuils
Mulots des champs des prés furetant sous les feuilles,
Fuyant dents de renards aux queues longues et fournies
Qui peuvent aussi servir à frotter nos conduits
Ou bien d'un petit chat ou d'un jeune oisillon…
Nous avons bien le choix pour lécher nos sillons ;
Mais il n'est rien de mieux, de plus noble, de plus doux,
Que les beaux doigts de l'homme pour essuyer nos trous
Du caca qui s'en va par nos intimes voies.
C'est un si doux plaisir que je crie à pleine voix,
Avec vous, mon ami, mélanger nos cacas,
Nos pets et nos urines : quels délicieux ébats !
Que de rêves si doux hantent nos jours prochains
Où Titus nous délaisse le cœur plein de dédain...
Laissons là un instant ces si troublants desseins
Dites, voulez-vous, pourquoi cet entretien
Dévoilez ce que cache la rigueur de vos yeux
Souvenez-vous de la puissance de nos nœuds
Veuillez trouver en moi une fidèle amie
Toute prête à entendre les tourments de votre vie.
Antiochus
Je ne doute pas ma reine de vos grandes bontés,
Mais jamais sans frémir ne pourrez écouter
Les malheurs que mon âme s'apprête à raconter
Bérénice
Vos paroles, je crois, semblent bien ressembler
Aux plaintes que mon cœur essaye de retenir.
Depuis longtemps ce deuil ne semble plus finir...
Et pendant tout ce temps où Titus sanglote
Il délaisse, cet ingrat, ma brûlante culotte.
Cette absence nous pèse et ce climat de larmes
Rampant sur ce palais nous prive de tout le charme
De ce prince si noble qui a conquis mon cœur,
Trouvé mes voies intimes, mes nobles profondeurs.
Tant de soins précieux manquent à ma gourmande
Petite chatte furieuse comme copine amande
Du long deuil de Titus je fais mauvaise mine
Et mon con et mon cul réclament des coups de pine
Ô Titus, où es-tu ? Moments trop rigoureux
Que vous paraissez loin à mes trop pressants vœux.
Qu’il ouvre enfin mes poils pour téter mon tison
Sans que j'aille me branler dans toute la maison.
Il faudra qu'il unisse par une union légale
Nos deux vies pour toujours. Oh ! Pucelle infernale
De tout ce temps perdu à toujours l'attendre
À jamais retrouvé s'il daigne enfin me prendre...
Titus, le beau Titus, n'a point voulu m'entendre,
J'attends, languie, qu'il vienne à mes plaisirs, se rendre.
Jugez de ma douleur, moi dont l'ardeur extrême,
Je vous l'ai dit cent fois, n'aime en lui que lui-même ;
Moi qui loin des grandeurs dont il est revêtu
Aurais choisi sa queue pour défoncer mon cul.
Antiochus
A-t-il repris pour vous ses ardeurs premières ?
Bérénice
Vous fûtes spectateur de cette nuit dernière
Qui plaçait en ces lieux son père aux soins des dieux.
Mais une fois accomplis ses devoirs religieux,
De ce pieu entretien sa piété contente,
Il négligeait sans soin celui de son amante.
Vous ne m'avez point vue au chevet du tombeau,
Tant je fus occupée à endiguer les flots
De ma petite gousse dont l'appétit extrême
Rêvait en tout lieu de cette queue qu'elle aime,
Et qui devra bientôt ramoner son conduit.
Dans cette maison si vide, le temps de cette nuit,
Je n'ai trouvé nulle âme pour étouffer cette flamme
Témoin devant les dieux des troubles de mon âme
Partout en ce palais je me branlais furieuse
Et promenant ce con dans ces vides dortoirs
M'enfilant par cette voie tous les cierges des bougeoirs
Qui consumaient les pleurs pour la mort de ce père,
Adressant à son âme de pieuse prière.
Je m'agite, je cours, languissante, abattue,
L'espoir m'abandonne et le repos me tue.
Mais bientôt ces alarmes cesseront pour de bon
Je laisserai loin de moi ces douloureuses questions ;
Ma fortune s'apprête après tant de promesses
Et Titus, le maître, régnera sur mes fesses.
Bientôt nos épousailles uniront pour toujours
Nos deux âmes sereines pétries de tant d'amour.
Je pourrai espérer de cette union légale,
Pour me faire de son foutre un délicieux régal
Antiochus
Est-il donc vrai, madame, et selon ce discours,
L'hymen va succéder à vos longues amours
Bérénice
Seigneur, je veux bien vous confier mes alarmes
Ces jours ont vu mes yeux baignés de quelques larmes :
Ce long deuil que Titus imposait à sa cour
Avait même en secret suspendu son amour.
Mais l'empereur s'apprête, sa gloire est annoncée
A ce deuil un mariage heureux va succéder,
Il m'en viendra lui-même assurer en ce lieu
Antiochus
Et je viens donc vous dire un éternel adieu
Bérénice
Que dites-vous ? Ah ciel ! Quel adieu ! Quel langage,
Prince, vous vous troublez et changez de visage.
Antiochus
Madame, il faut partir.
Bérénice
Quoi ? Ne puis-je savoir ?
Quel sujet ?
Antiochus
Il fallait partir sans la revoir …
Bérénice
Que craignez-vous ? Parlez ; c'est trop longtemps vous taire,
Seigneur, de ce départ quel est donc le mystère ?
Antiochus
Au moins, souvenez-vous que je cède à vos lois
Et que vous m'écoutez pour la dernière fois.
Je suis nu devant vous pour vous parler sans fard ;
Plus d’une lune déjà sait que je veillais tard
Les yeux dans les étoiles luttant contre sommeil
Les jambes écartées, la tête pleine d’abeilles.
De tant d’effort tendus et remuant à peine
Mon âme perdit patience errant sur cette scène
Où les rêves dessinent dans des cercles d’argent
Les plaisirs que distille dans nos veines notre sang.
Que de hontes nous cachons aux regards du public;
Reflux de la mémoire aux pensées impudiques.
Les battements bruyants de mon cœur faisaient mal
Et tremblant, en sueur dans cette lutte infernale
Je vois ma bite en feu et mes couilles impatientes
De se vider sans gêne dans une étroite fente
Quand la lune monte au ciel le monde nous appartient
Mais les étoiles ingrates, d’un éclat incertain
Ne brillent plus pour ma petite ombre; viennent les rêves
J’ai lutté, j’ai pleuré, mais trop tard : nulle trêve...
Le vent doux et léger, le chant vert des oiseaux,
La lune aux yeux de pierre, l’eau criante du ruisseau,
Hélas, m’ont retenu, imprudent que je suis...
Passent les songes et je me réveille en hurlant;
Que pouvaient bien mes mains face au trouble rampant
De l’espoir fatigué d’un cœur noble épuisé...
J’aime. Je brûle et me consume pour une vierge esseulée
Qui de ses yeux lointains fuit la flamme des miens,
Planent vagues ondoyants comme les dieux éoliens.
Dans l'alcool de ce verre veux ma peine noyer
J’en bois tant et pourtant ne me sens enivré !
À mon réveil traire ses tétons élargis
Et sucer ce doux lait des tétines assouplies
Faire de ces mamelles un coussin pour ma tête
Pour chaque jour de ma vie je désire de telles fêtes.
Ber :
Et qui donc est l'élue qui fait battre ce cœur
Trouble le doux sommeil d'un guerrier de valeur ?
Sur les champs de bataille il n'existe nulle trouille
Pour faire trembler ces mains et faire frémir ces couilles.
Je sais plus d'une fille désireuse de bercer
Contre leurs seins chauds, entre leurs cuisses desserrées
Ce grand corps de gaillard fort et noble comme un roc
Dur et fier comme une bite se dressant dans un froc.
Antiochus
Je sanglote car hélas le doux fruit de mes nuits
N’est pas plus accessible qu'une étoile qui luit
Parmi les vastes cieux de l'univers riant
Des malheureux émois de ce corps vacillant
Bérénice
Qui donc ! Dites
Antiochus
Je ne peux !... mais quel est cet enfer !
Où je cuis en silence
ber :
Vous ne pouvez vous taire !...
Antiochus
Hélas ! Ouvrez vos yeux !...
Bérénice
Mais ils sont grands ouverts…
Je ne vous écoute point en baissant les paupières
Antiochus
Il faudra les baisser car il faut confesser
Que c'est votre cul que je désire tant baiser
Antiochus
Vos soupirs sont les miens... //
Bérénice
Hélas...
Antiochus
Madame !
Bérénice
Quoi !
Antiochus
Oui !
Bérénice
Quoi ?
Antiochus
Hélas...
Bérénice
Oui...
Antiochus
Quoi//
Bérénice
Ciel mon ami !
Antiochus
Quoi ?
Bérénice
Mais seigneur...
Antiochus
Oh madame...
Bérénice
Quoi//
Antiochus
Mais,
Bérénice
Quoi ?
Antiochus
Oh !
Bérénice
Quoi ?
Antiochus
Hélas...
Bérénice
Huoi...
Antiochus
Quoi ?
Bérénice
Mais...
Antiochus
Ah...
Bérénice
Hélas//
Antiochus
Madame...
Bérénice
Quoi !
Antiochus
Oh dieu !
Bérénice
Quoi ?
Antiochus
Que dis-je...
Bérénice
Mais quoi ?
Antiochus
Hélas//
Bérénice
Hélas...
Antiochus
Madame !...
Bérénice
Seigneur, à quel amour cruel
Votre cœur s’enchaîne et votre âme s’écartèle...
Antiochus
Mais
Bérénice
Sur l'heure taisez-vous !
Antiochus
Je me suis tu cinq ans
Et je vais me taire encore bien plus longtemps
Car las d'espérer un bonheur qu'à jamais
Je dois toujours cacher : je ne puis oublier
Que je fis tant d'efforts, tentant de libérer
Mon cœur de cette emprise qui me fit tant bander.
Je vous rêve femme ouverte dans mon lit découverte
Sans robe et sans bijoux, seules vos lèvres entrouvertes
Roses et sensuelles, et vos cheveux nacrés
Libres comme des plumes dans le ciel azuré
Comme les branches d'un saule – illusion singulière –
S’emmêlant à mon cou tels des bras de chimères ;
Puis nos mains se rencontrent tels deux enfants joyeux,
Nos jambes bientôt se croisent, tout tremble un petit peu
Nos membres se confondent comme nuages dans les cieux
Et j'entrerai en vous comme un songe délicieux.
Sur un lit de laine blanche paré d'or et de soie
Remplissant l'univers du bruit de vos émois.
Je vous veux telle qu’une mère dans une nuit d'amour
Lointaine vous fit : sans parure et sans atour...
Oh ! Pucelle délicieuse ! Oh !vous voir tant pleurer...
Vos furieuses chaleurs dans ce vaste palais...
Vos offrandes mouillées au temple de vénus,
Vestiges des douleurs des vierges sans phallus
Se branlant tous les soirs de vos mains fort vicieuses
Qui font rougir les chairs de fragiles muqueuses.
Dans cette noble maison je ne veux plus entendre
Les cris rauques étouffés de vos désirs en cendres.
Je veux goûter ce miel dans cette ruche humide
Et chasser des oiseaux dans cette forêt limpide ;
Des ruisseaux aurifères recevront la baignade
De vos pieds de déesse, votre corps de naïade.
J'offrirai une flûte et pour apprendre à jouer
Assise sur mes genoux je pourrais vous guider.
De sons à peine audibles nous bercerons nos nuits
Et pour mieux nous entendre nous étoufferons nos cris
Dans des coussins de mousse, dans le bois de nos lits,
Dans de grands champs de fleurs, sous des cieux tout remplis
Des murmures des dieux qui s'ennuient tout le jour
Et attendent les nuits pour couvrir les amours
Souveraines et pures du manteau de leurs yeux
Avides de chair fraîche et d'ébats vicieux.
Bérénice
Seigneur, je n'ai pas cru que, dans une journée
Qui doit avec Titus unir ma destinée,
Il fût quelque mortel qui pût impunément
Se venir à mes yeux déclarer mon amant.
Mais de mon amitié mon silence est un gage :
J'oublie en sa faveur un discours qui m'outrage.
Je n'en ai point troublé le cours injurieux ;
Fuyez donc maintenant au plus loin de mes yeux.
Antiochus
Et c'est ce que je fuis. Je fuis des yeux distraits,
Qui me voyant toujours ne me voyaient jamais.
Adieu. Je vais, le cœur trop plein de votre image,
Attendre, en vous aimant, la mort pour mon partage.
Surtout ne craignez point qu'une aveugle douleur
Remplisse l'univers du bruit de mon malheur,
Madame : le seul bruit d'une mort que j'implore
Vous fera souvenir que je vivais encore
Adieu.
(Il sort)
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