Une nouvelle aventure
Une fois que j’eus mis un pied à l’intérieur de la pièce, l’homme qui était au bureau bondit de sa chaise et me regarda avec effroi. Je me sentis toute intimidée par sa grandeur qui rendait sa réaction titanesque. Je ne sus que faire. Devais-je m’incliner en signe de respect mais aussi pour montrer que je ne lui voulais aucun mal ? Ou devais-je rester stoïque? Je tournai la tête vers Owein pour lui demander un conseil silencieux mais lui ne me regardait pas. Il était en train de s’avancer noblement vers l’homme qu’il désirait voir et une fois devant ce dernier, il lui tendit la main pour le saluer. L’homme en face de nous accepta ce geste en y répondant, mais pendant qu’il s’exécutait c’était moi qu’il fixait. De quoi nous mettre, Owein et moi, mal à l’aise.
Les deux hommes finirent par s’observer en silence. Peut-être que le Gardien essayait de communiquer avec mon ami par la pensée ? Je ne savais pas trop ce qu’il se passait mais je crus me rappeler d’un passage dans mon livre : Création Originelle dans lequel nous trouvons un chapitre entier dédié aux Gardiens des Eléments d’Efeilliad. Je me souviens y avoir lu que certains grands Gardiens avaient la capacité de communiquer par la pensée. Était-ce ce qui se passait sous mes yeux ? Je ne saurais le dire tant leur expression faciale restait la même, comme figée. J’avançai donc d’un pas pour vérifier ma théorie. Aucun d’eux ne cilla. Alors j’avançai encore d’un pas. Toujours rien. Encore un, et encore, encore, encore. Je n'eus d’autre choix que de me stopper car je me retrouvais désormais à frôler le bureau de mes cuisses. Mais là encore, les deux hommes n’avaient même pas sourcillé. Que devais-je faire ? Attendre qu’ils aient fini de se parler, ou je ne sais quoi? Ou bien agir en leur donnant une bonne claque à chacun ? J’optai donc pour la deuxième option en commençant avec Owein. Je décidai tout de même de ne pas y mettre toute ma force, je voulais le « réveiller » pas l’assommer. Je dosai donc ma force et le giflai sans aucun scrupule.
Je n’eus même pas le temps d’en faire de même avec notre hôte car les deux hommes se retournèrent comme un pour me regarder avec un regard plus ou moins choqué. Ou bien outré ? Qu’est-ce que j’en savais moi ? Au moins, cela avait eu l’effet escompté. Cependant, EÒghan me regardait sans avoir un réel jugement dans les yeux, je croyais même y discerner de la curiosité. Non je devais me tromper, seul un fou me regarderait avec curiosité, ici j'effrayais tout le monde. Sauf peut-être Owein, quoique ce n’était là qu’une nouvelle supposition. Je ne pouvais pas être dans sa tête ! Du moins je n’en avais aucune envie. Je voyais Owein fulminer à côté de moi, mais il se retenait de me faire une quelconque remarque suite à mon geste audacieux. Peut-être déplacé.
Soudain notre contact visuel fut rompu lorsqu’EÒghan sauta en arrière en murmurant des phrases incompréhensibles tout en me pointant du doigt. Mais je pus entendre un mot, qui me donna de suite la chair de poule. Il répétait sans cesse la même phrase, qui se terminait par le mot « Haera » : Diablesse en efeilliade. L’air autour de moi commençait à diminuer fortement et avec une rapidité déconcertante. Je sentais l’air quitter mes poumons et je ne pouvais rien changer à cela, le Gardien en face de moi tentait de me tuer. Je commençais à dangereusement suffoquer lorsqu’enfin je sentis l’air frais de nouveau arriver dans mon corps. J’inspirai donc une grande bouffée d’air avant de pouvoir respirer plus au moins normalement, comme si rien ne s’était produit.
Je reculai jusqu’à la porte, terrifiée à l’idée que cela puisse être un piège orchestré par Selwyn, Owein et la Cour pour attenter à ma vie. Je ne me sentais pas en sécurité, il fallait que je sorte de cet endroit le plus vite possible, je ne pouvais pas rester avec des gens qui n’attendaient que le moment où je rendrai mon dernier souffle. Tout en espérant au fond d’eux que cela soit dû à un meurtre et non une mort naturelle. Ils ne voulaient que ma mort et rien de plus. Mais une mort douloureuse, car d’après eux, c’était la seule mort que je méritais. J’aurais dû me méfier d’eux et ne pas suivre bêtement Owein ! Quelle idiote j’étais ! Je pris donc mes jambes à mon cou, traversant le peu de distance entre moi et le couloir. Je n’eus pas à ouvrir la porte, puisqu’elle n’avait pas été fermée. J’étais persuadée d'avoir entendu une porte qui se fermait pourtant, mais qu’importe, l’important était de fuir cet endroit qui m’oppressait. Je courus à en perdre haleine mais cette bâtisse était un vrai labyrinthe, je ne me souvenais absolument pas du chemin que nous avions emprunté pour arriver jusqu’au bureau de mon bourreau.
Dès que je voyais un nouvel escalier pour descendre je l’utilisais, le peu de personnes que je croisais étaient surprises de voir quelqu’un courir mais ne prêtaient pas plus attention à ce que je pouvais bien fuir comme cela. Mais après cette réflexion je me dis que moi-même je ne faisais pas attention à ce que ces personnes faisaient.
Trêve de bavardage, je devais trouver cette maudite sortie ! J’aperçus un nouvel escalier et l’empruntai. Et une fois arrivée en bas, je me sentis soulagée de reconnaître l’escalier principal qui menait au hall d’entrée. Je me hâtais donc pour éviter qu’une quelconque personne puisse m’empêcher de m’enfuir de cet endroit infernal.
Une fois devant cette porte j’essayai de l’ouvrir mais sans succès. Je réessayai donc mais le résultat resta le même… J’allais essayer une troisième fois lorsque j’entendis les voix d’Owein et EÒghan se rapprocher dans mon dos, je devais faire vite si je tenais un minimum à ma vie. Mais rien n’avait changé, la porte restait fermée et moi bloquée ici, face à des personnes qui semblaient vouloir ma mort… Je réfléchissais désespérément à une solution mais rien ne me venait à l’esprit. Je paniquais de plus en plus, ce qui n’était pas du tout bon signe. Je devais me calmer, les personnes dans ce sanctuaire étaient innocentes pour la plupart et voulaient simplement vivre tout en maintenant en vie et en paix Efeilliad. Je devais calmer ma respiration et mes émotions avant qu’un malheur ne se produise, mais comment faire ? Je n’avais jamais réussi auparavant alors pourquoi les choses seraient-elles différentes aujourd’hui ? Plusieurs fois la Reine avait essayé de trouver une solution à ce problème mais n’était parvenue à aucune. Des émotions négatives continuaient de submerger mon esprit et moi je me retrouvais désormais à genoux tentant désespérément de calmer ce feu qui me brûlait violemment les entrailles. Mais cela ne changeait rien et je continuais de respirer à une vitesse affolante lorsque je sentis deux bras autour de moi et une voix que j’entendais à peine comme si ce n’était qu’un murmure venu du lointain. Puis le trou noir.
*****
Ce fut une douleur lancinante qui me tira de ce lourd sommeil. J’eus beaucoup de mal à ouvrir les yeux tant la lumière était importante dans l’endroit où je me trouvais. J’émergeai avec tranquillité et lenteur de mon sommeil lorsque les derniers évènements qui s’étaient produits me revinrent en tête comme un boomerang. Comment étais-je arrivée ici ? Et pourquoi avais-je cette douleur à l’arrière du crâne ? D’où venait-elle ? Que de questions sans réponses. J’essayai difficilement de me lever et de regarder autour de moi pour observer l’endroit où j’étais mais ne parvins pas à reconnaître les lieux.
J’étais allongée dans un grand lit dont les draps étaient d’une matière très douce. C’était un lit à baldaquins réellement somptueux avec des éléments de décorations très subtils et d’une extrême beauté. Je me positionnai de sorte que je puisse me lever lorsque mes vertiges causés par la douleur au crâne auraient cessé. Une fois cela possible je m’exécutai et me dirigeai vers le seul point de lumière de cette pièce qui s’avérait être une belle fenêtre d’une assez grande dimension. Je pus y voir la cour du sanctuaire. Ainsi, j’étais encore présente dans ce lieu mais pas dans une cellule ou quelque chose qui aurait pu y ressembler.
Quelqu’un entra dans cette chambre, qui était mienne à cet instant, sans y toquer. Je découvris qu’il s’agissait d’une jeune fille qui semblait à peine plus âgée que moi. Elle portait la tenue d’une guerrière digne de ce nom. Était-ce une chasseuse de prime envoyée par la Cour pour m’y ramener? Non, sinon elle l’aurait fait pendant mon sommeil ou du moins ce que je considérais comme tel. Elle s’approchait doucement, comme si elle prenait ses précautions. Une fois à quelques mètres de moi à peine, elle me tendit sa main que je serrai avec une certaine méfiance, mais elle ne broncha pas, pas même l’ombre d’un sourire satisfait. Elle me regardait comme si je n’étais pas réellement là ; comme un fantôme. Je ne sus si je devais me présenter ou si elle savait qui j’étais. Alors j’attendis qu’elle m’annonce la raison de sa présence. Cependant, elle aussi avait l’air décidé à attendre que ce soit l’autre qui commence à parler ; en l’occurrence : moi.
Nous restâmes dans le silence le plus pur très longtemps, si longtemps, que je ne sus combien de temps s’était écoulé mais le soleil avait depuis un bon moment dépassé son zénith. Je me sentais étrangement bien, comme si la présence de cette personne m’était bénéfique, alors je restais là, à profiter de cet instant de sérénité qui était des plus rares pour moi. Je décidai tout de même de bouger. Je m’avançai vers la bibliothèque que j’avais remarquée, sûrement, quelques heures plus tôt. Je saisis un livre au hasard et l’ouvris à une page sans réelle précision. Je commençai à lire ce qui était écrit sur cette page, c’était un poème :
Lorsque Esprits et Corps aiment en oxymore, Que la Pensée haïe mais que les Peaux s’agitent,
Cette alchimie excentrique, Imposture de nos vies, Empoisonne nos cœurs fébriles, De mouvements lents et rapides.
La Tendresse alliée à la Haine, Notre vision confuse de l’absolu, Celui qui vous qui nous attire Aux plaisirs défendus d’un amour interdit.
Face à ses mots, je restais estomaquée. L’auteur, qui était en réalité une de mes auteures préférées, avait réussi une nouvelle fois à me laisser sans voix et à créer un sentiment indéfinissable dans mon esprit. Mais ce que je pouvais affirmer c’est que ses mots m’avaient marquée. Je revins à moi lorsque la jeune fille qui était venue me voir me signala qu’elle était toujours présente par un raclement de gorge. Elle était enfin prête à parler.
Je me retournai donc et l’observais en silence, prête à entendre ce qu’elle était venue faire dans ma chambre. Elle prit une grande inspiration mais fut de suite coupée par quelqu’un qui toqua à la porte de « mes appartements », ce qui nous agaça toutes deux.
On ne me laissa pas le temps de répondre que la personne qui avait interrompu ce qui aurait pu être notre futur dialogue entra. Cette personne ne dit pas un mot mais fit à la place un signe à ma « camarade » auquel elle répondit par un signe négatif de la tête. Pourtant, son collègue ou je ne sais quel nom encore, dû sûrement lui faire comprendre qu’il n’avait que faire de son avis car elle finit par le suivre dans le corridor en me laissant seule sans savoir qui ils étaient.
Aurais-je un jour des réponses à mes innombrables questions ou resterais-je dans l’ignorance toute ma vie ?! Je me décidai donc à aller chercher moi-même ces réponses. Je me dirigeai de ce pas vers la sortie de cette pièce et dévisageai la jeune fille et son camarade. Je ne m’arrêtai cependant pas près d’eux, non. Je vis au loin un escalier, que j’empruntai avec l’espoir de trouver Owein ou même EÒghan pour les confronter. Je tournai et tournai encore pour trouver une quelconque personne qui puisse m’indiquer où trouver l’un d’eux mais les lieux semblaient désert… Comme si toutes les personnes vivantes ici fuyaient quelque chose. Serait-ce moi, la cause ? Je ne me souvenais pas vraiment si ma crise était allée jusqu’au bout ou non… Je ne pouvais pas y prêter plus attention, il fallait absolument que je retrouve Owein. Je continuai ma route lorsque j’entendis des bruits de pas dans mon dos. Je me retournai pour voir de qui il s’agissait. C’était la jeune fille de tout à l’heure et toujours accompagnée de son camarade. J’hésitai un instant puis décidai de m’arrêter pour leur demander directement à eux s’ils savaient où je pouvais trouver mon « ami ». Je me stoppai et les attendis. Une fois ces derniers devant moi, je n'attendis pas une seule seconde de plus et leur demandai où je pouvais trouver le Gardien EÒghan. Ils me regardèrent tous d’eux sans répondre à ma question. Le temps passa mais rien ne se produisit. Je les regardai, sidérée par leur inaction. Je me retournai donc et m'éloignai d’eux d’un pas rapide.
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