contretemps

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Je restais silencieuse suite à cette information révélée, attendant je ne sais quoi. Peut-être une quelconque réaction de la part de Lume, seulement rien ne venait. Je me sentais un peu honteuse des paroles que je venais de prononcer, non seulement j’avais admis à voix haute le jour de mon accident mais aussi que j’appréciais énormément Lume, alors que cela ne faisait que deux jours que nous nous connaissions, comme si c’était une évidence. Je me sentais tout de même encore un peu outrée de son omission par rapport à son nom, mais je ne pouvais pas lui en vouloir vraiment si elle n’y avait réellement pas pensé. Du moins si elle avait été honnête. Mais si je commençais d’ores et déjà à douter, je n’aurais plus aucune personne sur qui compter. Or j’avais besoin de personnes auprès de moi pour survivre, je devais donc prendre sur moi et attendre pour avoir confirmation de sa gentillesse et de son honnêteté.

- Si je décidais de partir et que je te demandais de me suivre, le ferais-tu ? Je sais que cela ne fait que deux jours que nous nous connaissons mais je pense que tu pourrais m’aider à me cacher des personnes qui ne supporteraient pas d’apprendre que je suis encore vivante et dangereuse pour leur survie…

- Pourquoi voudrais-tu te cacher ? Tu dois monter sur le trône ! C’est là que tu dois aller et nul part ailleurs. Tu dois te montrer aux Efeilliades. Je ne peux pas comprendre car je ne suis pas à ta place mais tu dois vraiment reprendre ce qui t’appartient par le sang.

- Non, je ne peux pas et je ne veux pas. Lume, je ne suis plus la même, je- mon comportement est instable. Je suis un danger pour tout le monde et tu le sais. Tu m’as vue hier à la fête.

- Alors, apprends à te contrôler. Je ne pense pas que cela soit simple bien entendu mais si tu n'essaies pas alors tu n’arriveras à rien.

Par ces mots elle venait de me piquer au vif. Son ton froid et cinglant me surprit également. Je ne l’avais encore jamais vu me parler comme cela… J’étais sidérée, je voulus répondre mais les mots moururent au fond de ma gorge. Je ne pouvais la lâcher du regard.

- Ne me regarde pas comme ça Achlys ! Tu dois apprendre à vivre avec ton passé, accepter ce que tu es. Sinon comment veux-tu que les autres te fassent confiance ? Si les autres te rejettent c’est parce que tu leur en donnes les raisons et les moyens d’y parvenir. Je suis désolée si mes mots te heurtent mais c’est le seul moyen pour te réveiller, tu dois agir. Tu es le maître de ta propre vie et pourtant on dirait bien que tu laisses les autres te dicter tes choix, tes actions ou encore tes émotions. Ne le prends pas mal, j’essaie juste de te montrer que tu subis ta vie au lieu de la vivre.

- Comment faire ? Hein, dis moi dans ce cas ! Cela fait des années que je vis comme ça Lume, alors ne me reproche pas d’être telle que je suis car je n’ai pas demandé cette vie.

- Je te le répète, tu ne vis pas, tu ne fais qu’exister. Si tu vivais réellement alors tu saurais au moins comment éviter une crise, mais ce n'est pas le cas. Tu les sens à peine arriver.

- C'est ce que je te dis ! Je suis instable, je ne peux pas me contrôler car il n'y a pas de routine ou quelque chose qui y ressemble.

- Je ne répondrai pas à cela.

- Pourquoi?! M'insurgeai-je

- Parce que c'est un dialogue de sourd ! Ne te rends-tu pas compte ? Tu veux de l'honnêteté ? Peut-être bien, oui, que tu es un cas désespéré, que tu ne peux pas te contrôler, que tu n'y arriveras jamais. Ça ferait de toi, en effet, une cause perdue. Mais tu ne le sauras que si tu fais l'effort d'essayer. Essayer c'est facile, persévérer ça l'est moins. Alors reprends toi, fais quelque chose, je ne sais pas quoi mais ne reste pas là à ne rien faire, ça en devient ridicule.

Je restai plantée là, la bouche béante. Je ne savais pas quoi penser de tout cela… Et si elle avait raison ? Peut-être avais-je abandonné l'idée de pouvoir contrôler ma vie. Seulement comment aurait-il pu en être autrement ? Je préférai ne pas répondre et réfléchir à tout cela. Je soupirai puis je me tournai vers Lume pour lui demander s’il n’était pas temps de faire demi-tour en direction du Sanctuaire. Celle-ci me répondit par l’affirmative. C’est ainsi que le voyage du retour commença, dans le plus grand des silences. Mes pensées se bousculaient à une vitesse fulgurante, ce qui me causa un sévère mal de crâne. Je tentais désespérément de ne pas y penser en cherchant des yeux le loup que j’avais eu la chance de croiser à deux reprises déjà. Seulement, je ne le revis pas… Je ne saurais expliquer pourquoi cela m’importait tant, mais je savais que je voulais le revoir et que cela me suffisait amplement pour le moment.

Le chemin fut long mais enfin j’aperçus l’édifice du Sanctuaire se dessiner à l’horizon. Le soulagement qui me submergea était comme un poids que l’on venait de me retirer des épaules. Je ne me précipitai pas pour arriver plus vite, mais parce que la conversation que j’avais eue avec Lume, juste avant de revenir sur nos pas, me restait coincée en travers de la gorge. Je voulais retrouver le calme de mes appartements, comme lorsque j’étais encore au palais. J’espérais qu’une fois arrivée je pourrais me poser dans ma chambre actuelle, et pourquoi pas commencer à réfléchir aux paroles de Lume.

Une fois arrivée à l’écurie je ne m’y attardai pas très longtemps, je desselai mon étalon puis je fonçai vers le Sanctuaire une fois cette tâche terminée. Devant les portes je trouvai Owein qui discutait tranquillement avec Enfys. Moi qui voulais éviter toute rencontre éventuelle et bien c’était raté… Je n’avais aucun moyen de les contourner, je devais donc passer devant eux et prier pour qu’ils ne veuillent pas commencer une discussion avec moi.

Malheureusement, la chance n’était pas de mon côté ce jour-là, à croire que même les dieux en avaient après moi. A peine à quelques mètres d’eux, Owein m’interpella pour me questionner sur ma sortie en compagnie de Lume, ou de son prénom : Isla. Je lui répondis par un simple « bien » en essayant de montrer que je n’avais pas envie de discuter pour le moment. Seulement Owein ne voyait pas les choses sous cet angle, et continua son petit interrogatoire. Il commença par me questionner sur la qualité de cette escapade, puis sur nos sujets de discussions et enfin il osa me demander si Lume m’avait fait du mal. Je m’offusquai de ses soupçons envers la jeune Gardienne et lui fis remarquer que ses doutes ne me concernaient en rien, je lui expliquai que j’avais confiance en elle et que si ce n’était pas son cas ce n’était pas mon problème.

Je m’éloignai d’un pas rapide, agacée par ma petite discussion avec Owein. Je ne comprenais pas sa réticence envers Lume, elle n’avait rien fait de mal, elle était même plus accueillante que toutes les personnes réunies dans ce Sanctuaire. Je ne voulais parler à personne et je pensais que cela devait se voir sur mon visage car tout le monde s’écartait sur mon passage et semblait soucieux de ce qui pourrait arriver si quelqu’un avait le malheur de m’approcher à moins de trois mètres. Mais je n’y prêtais pas attention, mon seul but était de trouver un peu de solitude, et une fois à l’étage de ma chambre je pus commencer à me détendre, et également à ralentir l’allure.

Je m'arrêtai devant ma porte et posai ma main sur la poignée. Et lorsque je m’apprêtai à abaisser la clenche, j’entendis au loin une personne crier mon prénom. Je soufflai de frustration mais je me tournai tout de même vers la personne à contre-cœur. Cette personne était EÒghan, il semblait tendu, cela se voyait à ses traits de visage tirés. Finalement, la solitude et le calme devraient attendre encore quelques minutes, je me devais d’accorder un peu de mon temps à mon hôte. Je lui accordai aussi un petit sourire, pour lui signifier que j’étais disponible pour lui parler. Il semblait pressé mais de ce que je pus voir il cherchait ses mots. Il lui arriva plusieurs fois d’ouvrir la bouche pour commencer à parler, puis finalement se ravisa. Mais enfin il réussit à commencer une phrase.

- Je ne vais pas passer par quatre chemins Achlys. Nous avons reçu une missive de la part du régent. Il nous explique dedans qu’il doit s’absenter durant quelques temps car il doit se rendre à Evenrial pour parler du contrat de paix avec les pays voisins comme chaque année. Il n’a d’autre choix que d’y aller. Par conséquent, il s'inquiète pour votre sécurité. Quelqu’un de la Cour aurait, d’après ses dires, fait fuiter l’information de votre existence et beaucoup semblent vouloir votre peau. Ainsi, le régent nous demande de vous assurer une protection renforcée mais il suggère aussi votre départ du Sanctuaire pour des lieux plus sûrs. Avant que vous ne posiez la question, le lieu en question serait le Marais Sacré.

- Plaît-il ? Le Marais Sacré ? Ce n’est pas un lieu de sûreté ! Je refuse de me rendre là-bas. La dernière fois j’aurais pu succomber et il est hors de question que je revive cela et que je fasse vivre cela aux personnes que vous avez sûrement décidé d’envoyer pour assurer ma protection comme vous dîtes. De plus, je peux moi-même être un danger pour autrui pour le moment.

- Mais vous devez partir…Je ne peux décemment pas désobéir au régent. Je peux réduire le nombre de personnes qui vous accompagneront cependant vous allez devoir accepter que ce n’est pas à vous de décider de l’endroit où vous pouvez et serez en sécurité. Je peux comprendre votre peur de vous rendre dans ces lieux qui vous terrifient depuis l’enfance, mais ce n’est pas une raison suffisante pour rester à la merci des habitants d’Efeilliad qui n'hésiteront pas à vous tuer s’ils en avaient l’occasion. Cessez d’être égoïste ! Non, ne répondez pas. Allez préparer vos affaires, vous partez ce soir, dès que la nuit sera tombée.

Et il partit comme un voleur. Je ne voulais pas partir, pas alors que j’avais accepté de rester. Et en plus partir pour le Marais Sacré ? Sérieusement, je pensais définitivement que Selwyn et EÒghan voulaient eux aussi ma mort. Je ne voulais pas retourner là-bas, pas après mon accident. Et en plus, entraîner Owein là dedans ? Même si j’étais toujours agacée de sa méfiance envers Lume, il était mon ami d’enfance et mon ami le plus cher, je ne pouvais pas le laisser m’accompagner en toute conscience. Ce serait trop dangereux.

- Cesse de réfléchir. Me dit une voix que je reconnus comme celle d’Owein.

- Tiens, je pensais justement à toi. Avouai-je sans gêne.

- Je m’en doutais, tu as l’air soucieuse, et puisque je viens de croiser EÒghan je suppose qu’il t’a parlé de la lettre envoyée par mon père.

- En effet il vient de m’en parler. De ça mais aussi du départ organisé pour ce soir. Owein, je ne veux pas aller dans cet endroit, c’est trop dangereux. Je t’en prie fais quelque chose pour qu’on aille autre part… Le suppliai-je.

- Est-ce parce que ce lieu peut-être dangereux ou parce que tu ne veux pas y retourner que tu dis tout cela ? M’interrogea-il, le sourcil relevé.

- Je-… Commençai-je, hésitante.

- Et bien dis-moi, je t’écoute. M’encouragea-t-il.

- Je ne sais pas, peut-être les deux. Je levai mon regard vers lui, il me toisait du regard. J’émis un petit grognement et repris. D’accord c’est parce que je ne veux pas retourner là-bas…

- Je ne peux pas comprendre ta frayeur, je ne la ressens pas mais je peux concevoir que cela ne t’enchante pas de te rendre au Marais Sacré, mais c’est justement parce que c’est un lieu dangereux pour des personnes normales que c’est un lieu de sûreté pour toi. Tu comprends ?

- Je crois que oui, mais je veux savoir qui nous accompagnera, je veux choisir. S’il-te-plaît…

- Bien, c’est d’accord je vais te dire. Il y aura en plus de moi : Lume, EÒghan lui-même et aussi trois autres Gardiens que je n’ai pas encore rencontrés.

- EÒghan nous accompagne ? Répétai-je incrédule.

- Oui, il l’a décidé avant même que je demande qui serait présent.

- Oh… Il vaudrait mieux que j’aille faire mon sac si nous partons à la nuit tombée. J’aimerais me reposer avant ce voyage.

- Tu as raison, c’est la meilleure chose à faire. Je viendrai te réveiller une heure avant le départ. Tu auras donc le temps de te changer si besoin, pendant ce temps nous préparerons les chevaux. Me rassura-t-il.

Je hochai la tête et entrai enfin dans ma chambre. Le calme m’accueillit, ainsi que mon tendre lit. Je m’y affalai tel un éléphant de mer sur une plage mais cela m'était bien égal, je voulais dormir pour ne plus avoir à penser au futur qui nous attendait.

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