Owein

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PdV Owein

J’avais promis à mon père de toujours prendre soin d’Achlys en étant près d’elle, mais la seule façon de la protéger ici, c’était d’aller me battre pour que le lieu soit sûr. Je n’avais aucune envie de la laisser alors que l’on venait de se retrouver une nouvelle fois, mais avais-je seulement le choix ? Je la regardai une dernière fois avant de suivre ces Gardiens qui m’étaient encore inconnus.

Je ne parlais pas mais je les entendais murmurer des tactiques, des attaques et des positions qu’ils comptaient mettre en place lors de la prochaine attaque qu’ils subiraient. Ils s’arrêtèrent devant une grande double porte avant de me faire promettre de ne rien toucher sans l’accord de l’un d’entre eux. Je leur donnai donc ma parole et enfin ils ouvrirent les portes de ce lieu.

Il s’agissait de leur salle d’entraînement mais aussi de leur armurerie. Elle n’était pas aussi fournie que celle du palais mais c’était déjà bien mieux que ce à quoi je m’étais attendu. Certains Gardiens étaient en train de s’entraîner tandis que d’autres affûtaient leurs armes, personnelles ou non. Je leur fis un signe de tête par respect et politesse, et je me dirigeai instinctivement vers les épées et les arcs. Les épées que je vis étaient sans réel détail, simples et probablement lourdes, rien à voir avec celle qui pendait à ma taille, fine, avec une garde pleine de détails et de joyaux efeilliades, un travail minutieux qui avait été fait par le forgeron de la Cour. Mon arme était aussi légère qu’une plume et avait un équilibre qui me correspondait. Je posai ma main sur celle-ci tout en me dirigeant vers les arcs pour essayer d’en trouver un à ma convenance. Le fait que je ne puisse pas les toucher, les essayer allait me compliquer la tâche mais j’étais persuadé que j’allais réussir à trouver celui qu’il me fallait, en espérant que cela ne prendrait pas une éternité. Si nous étions attaqués, me battre à l’épée ne suffirait pas, c’était certain.

Un homme s’approcha de moi et me tendit un arc sans lâcher un seul mot à mon intention. L’arme avait été sculptée dans du bois solide, et les détails gravés étaient somptueux, l’arme pourrait être comparée à celle du palais, sans aucun doute. Cependant, l’arme semblait n’avoir jamais servi, peut-être était-ce un nouvel arc tout juste fini. La corde était encore assez tendue, peut-être était-ce normal ici, à la Cour les arcs étaient légèrement moins tendus. Je me doutais que je ne pourrais pas toucher à la corde sans que le Gardien qui me l’avait donné soit vexé, ainsi je choisis de laisser la corde telle qu’elle était et de m’y habituer. Je pris le temps nécessaire pour répéter le geste de tirer la corde vers moi pour mesurer la force dont j’aurais besoin. Une fois cela fait je me dirigeai vers les cibles, un carquois rempli de flèches dans le dos. Je visais, tirais, touchais le centre. Je répétais encore et encore ce schéma sans réellement me fatiguer.

Je ne cessai mon entraînement uniquement lorsqu’une sorte d’alarme retentit dans l’édifice avec une telle intensité que mes oreilles en sifflèrent. Je regardai les Gardiens pour savoir ce que cela signifiait mais je n’eus pas besoin d’une réponse orale, je n’avais qu’à les regarder prendre les armes en vitesse avant de se rendre dehors. J’allais pour récupérer des flèches mais lorsque je passai mon carquois au-dessus de ma tête pour l’avoir entre mes mains, je pus remarquer qu’aucune flèche n’avait disparu alors que j’avais dû en utiliser une dizaine lors de ce court entraînement. Je pris donc la décision d’en sortir une pour en voir une autre prendre sa place instantanément, par magie. Je n’avais donc pas besoin d’aller en chercher de nouvelles. Je fonçais vers la sortie, derrière les derniers Gardiens encore présents dans cette salle.

Dehors, le combat faisait rage. Je courus à un rythme soutenu pour prendre de la hauteur, je pus apercevoir déjà bien des corps qui gisaient au sol, autant du côté des Hommes que des animaux. Je ne perdis pas une seconde de plus et décochai une flèche en direction d’un sanglier qui pesait de tout son poids sur un homme d’une quarantaine d’années. Ce dernier eut tout juste le temps de me faire un signe de remerciement avant de s’engager une nouvelle fois dans la bataille pour à son tour aider un de ses camarades.

Tout s’enchaînait vite, je ne cessais de décocher des flèches dans plusieurs directions, toutes finissaient dans le cœur de ces bêtes. Mais tandis que j’allais décocher une nouvelle flèche, j’entendis un cri qui m’était adressé : « attention derrière toi le soldat ! ». En me retournant je ne compris que trop tard qu’un sanglier fonçait sur moi. Lors du choc, je me sentis basculer du haut de ma petite colline, je roulai jusqu’à ce qu’un rocher arrête ma course. Je gémis de douleur en essayant de me relever pour faire face à mon adversaire. Mon arc s’était perdu lors de ma chute, je dégainai donc mon épée et me mis en position défensive juste à temps. Je repoussai mon ennemi avec autant de force qu’il m’était possible d’insuffler mais il prenait tout de même l’avantage. Je décidai de passer à l’offensive sans lui laisser le temps de charger une nouvelle fois sur moi. J’abattis mon épée sur son énorme crâne, enfonçant mon épée profondément dans sa cervelle. Il mourut sur le coup.

Le même scénario se répéta trois, quatre fois avant que mes blessures soient telles que je ne puisse plus me protéger ou attaquer. Je devais me poser un temps pour tenir mais je ne pouvais pas abandonner les Gardiens. Les sangliers affluaient de partout sans arrêt...Lorsque l’on en tuait un, deux autres sortaient de la forêt d’Argent et attaquaient. Nous ne pourrions jamais survivre à ce massacre, ils étaient trop nombreux pour que nous puissions en sortir victorieux.

Soudain, l’image d’Achlys fit irruption dans ma tête, je l’imaginais potentiellement en danger, cela me sortit de ma torpeur. Nous devions trouver la faille qui nous donnerait l’ascendant sur nos ennemis, et même, la victoire. Je devais observer ces bêtes comme je le faisais lors de batailles pour la Reine Qhetheia, mais pour cela il fallait que quelqu’un assure mes arrières. Mais à qui pouvais-je demander une telle chose ? Mettre leur vie en danger non pas pour leur survie, mais la mienne, en étant seuls face aux sangliers qui arrivaient de toute part, juste pour me laisser le temps de les analyser ; pour mettre fin à ce calvaire. J’hésitai un instant de trop, je fus propulsé sur le côté, atterrissant sur la défense d’un cadavre ennemi. Je grognais de douleur, tout en sentant mon sang se déverser sur le sol poisseux, avant de sombrer dans l’inconscience.

*****

Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, je régurgitai avant même de pouvoir regarder où je me trouvais. Une fois que mon estomac eut fini de rendre l’âme, je me reposai et sentis un oreiller tendre sous ma tête. J’étais donc dans une chambre mais une fois les yeux grands ouverts, je ne voyais que la pièce qui tanguait. Des remontées acides continuaient de me rendre nauséeux et en apportant ma main à mon front je pus sentir que ce dernier était bouillant et trempé par la sueur, ou la fièvre ? Je ne savais pas ce qui me causait autant de suée mais je ne me posais pas plus de questions. Je pris ensuite le temps nécessaire pour que ma vue s’améliore, puis observai ce qu’il se passait autour de moi. C’est ainsi que j'aperçus deux personnes au regard inquiet. Une autre personne entra, il s’agissait d’EÒghan. Ce dernier aussi semblait inquiet, mais aussi mal à l’aise. Notre chef de groupe se tourna vers moi pour m’expliquer ce qu’il s’était produit lors de la bataille suite à ma perte de conscience.

- Tu as fait preuve d’un grand courage en allant te battre contre les Celeanos. Cependant, tu n’es pas un Gardien et tes blessures sont bien trop graves. Même après que les médecins, qui sont aussi Gardiens de Terre, aient essayé de les refermer. Tes blessures sont toujours présentes et elles s’infectent…

- Avant de continuer, je voudrais savoir, est-ce qu’ils ont réussi à repousser ces bêtes ? Questionnai-je, à bout de souffle.

- Oui, me répondit-il. Oui ils ont réussi, ils ont gagné cette bataille, en partie parce que Lume est intervenue, me confia-t-il. Mais nous ne sommes pas là pour te parler du dénouement du combat. Owein, tes blessures sont mortelles. Je suis navré, vraiment, de te le dire mais il ne te reste que quelques heures avant que tu nous quittes…

Je ne réagissais pas vraiment, mon visage était neutre tandis que mon cerveau tentait d’assimiler ses paroles, sans y parvenir.

- Owein, mon grand, tu dois faire tes adieux à Achlys avant qu’il ne soit trop tard… Nous ne lui avons encore rien dit de ton état, j’ai supposé que tu aimerais le faire toi-même si tu en avais l’occasion.

Et là, tout devint plus clair et la panique s’insinua en moi. Je ne serai plus là pour protéger celle qui faisait battre mon cœur depuis quelques jours. Je ne serai plus là pour son couronnement. Et je ne serai plus là pour construire un avenir avec elle. J’avais failli à ma mission.

- Tu ne l’as peut-être pas remarqué, mais nous sommes en pleine nuit. Je ne peux donc pas aller réveiller la Princesse. Pas alors qu’elle a veillé sur toi jours et nuits depuis que tu es dans ce lit. Les personnes que tu vois là, sont présentes pour te maintenir en vie jusqu’à ce que tu puisses faire tes adieux. Repose-toi bien, me conseilla-t-il en s’approchant de mon lit, pour me serrer la main en guise d’au revoir.

*****

J’avais passé une nuit excellente et je doutais que cela soit dû aux Gardiens qui m’avaient surveillés. Et sans pouvoir me l’expliquer, je me sentais au meilleur de ma forme, même mieux que jamais alors que durant la nuit mon état était critique.

Je n’eus pas le temps d’attendre longtemps avant d’avoir de la compagnie. Achlys venait de débarquer dans ma chambre avec fracas. Elle accourut à mon chevet avant de me prendre dans ses bras. Au bout d’une dizaine de secondes, elle me lâcha et je lui fis une place à mes côtés pour qu’elle puisse s’asseoir. Toujours sans perdre de temps, elle s’empressa de me raconter comment, au petit-déjeuner, elle avait appris que la nuit précédente je m’étais réveillé et que j’avais été assez conscient pour parler. Elle était très heureuse de mon état présent, sans savoir que je n’étais pas tel quel lorsque, de son côté elle dormait. Elle m’expliqua aussi avec sa petite mine boudeuse qu’EÒghan lui avait interdit de venir avant une certaine heure. Elle avait donc dû aller s’entraîner avec Llion sur sa maîtrise de l’épée. Mais qu’une fois la séance terminée, elle s’était précipitée dans sa chambre pour prendre une bonne douche pour ensuite, être là, à mes côtés avec un sourire scotché au visage. Un réel sourire que j’aimais tant enfant, et que j’aimais toujours autant.

Mais me souvenant de ce qui devait m’attendre dans très peu de temps, moi-même je ne perdis pas une seconde de plus et l’embrassai avec tout l’amour que j’éprouvais. Nous nous embrassâmes avec passion et douceur. La tendresse nous étreignit mais le baiser se prolongea pour devenir plus sauvage, plus pressant. Je la voulais, mon corps la réclamait avant qu’il ne soit trop tard. Mais alors que je l’allongeais un peu plus à mes côtés pour me positionner au-dessus d’elle, nous fûmes interrompus par un fort tremblement de Terre. Nous arrêtâmes de nous embrasser pour se regarder et plus notre souffle reprenait un rythme normal, plus le tremblement cessait.

Nous étions dans la confusion la plus totale lorsque la porte de ma chambre s’ouvrit à la volée, dévoilant des Gardiens et notre groupe de camarades. Tous étaient essoufflés, ils avaient visiblement couru pour arriver jusqu’ici. Les Gardiens, eux, avaient d’autres expressions sur le visage : l’air grave et choqué. Une personne parmi ces étrangers me pointa du doigt avant de me dire :

- Tu es drôlement en forme pour quelqu’un qui devrait être aux portes de la Mort.

Achlys se retourna, le regard horrifié par la découverte qu’elle venait de faire, mais avant qu’elle n’ait pu me reprocher quoi que ce soit, le Gardien qui nous avait accueilli, le dirigeant de la Chapelle arriva pour lui aussi me poser une question.

- Que faisais-tu lors du tremblement de terre ?

- Euh...Il est possible qu’Achlys et moi étions en train de nous embrasser, et euh, voilà…Répondis-je avec gêne.

Il prit le temps de réfléchir, tout en hochant la tête suite à ma révélation. Et sans crier gare, lâcha une bombe qui changeait absolument tout.

- C’est toi, Owein, qui vient de provoquer ce tremblement de terre. Le dieu Rekesis semble t’avoir accordé son don, sûrement pour service rendu à la Chapelle Talamh. Cela expliquerait que tu sois à ce point en forme et le tremblement de terre. Tu es dorénavant un Gardien de Terre.

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