Réussite sans père

8 minutes de lecture

Le matin suivant la réponse d’EÒghan, ce dernier me réveilla alors que le Soleil lui-même dormait encore. Ce brusque réveil eut pour conséquence de me rendre d’une humeur exécrable et cela amusait mon nouveau mentor. Mon humeur ne s’arrangea pas lorsqu’à peine mon petit déjeuner englouti, EÒghan me tira pour m'emmener dans la salle d’entraînement de la Chapelle.

Je le suivais avec une lenteur extrême qui l’agaçait autant que cela le faisait sourire. Visiblement cela ne l’étonnait pas de me voir râler. Comme s’il lisait dans mes pensées, ce dernier m’adressa la parole pour me dire “Je savais que cela serait dur de te sortir de ton lit pour t’entraîner mais pas à ce point tout de même! Tu vas regretter d’avoir voulu mon aide.” Je le regardai, incrédule. Il était, en effet, fort probable qu’à la fin de ce premier entraînement je n’en puisse plus. Une fois sur place, il me fit m’échauffer avec des tours de courses, des sauts sur place, ce qu’il appelle “la chaise” croyez-moi cet exercice là était une horreur. Lorsque j’avais des problèmes avec un exercice, EÒghan était là pour m’aider sans jamais en rire, sans jamais me crier dessus. Je pensais que le plus dur avait déjà été fait mais lorsque l’échauffement fut enfin fini il dit une phrase que j’allais détester par la suite “Nous allons enfin passer aux choses sérieuses, j’espère que tu es prête Achlys.”

Il commença par me refaire faire des tours de courses, à chaque fois que je ralentissais trop il me rajoutais des tours. Je devais en faire 10 et j’ai fini par en faire le double. Il me laissa m’arrêter uniquement parce que je n’arrivais plus du tout à garder le rythme, je n’étais pas exceptionnelle en course, encore moins sur une certaine durée.

Je pensais qu’il me laisserait deux minutes pour souffler mais non, il me fit enchaîner avec des séries d’abdos, puis de pompes. Je devais faire 10 abdos, puis 10 pompes, trente secondes de récupération puis je recommençais. Et ceci durant 5 longues séries. Mes poumons me brûlaient et ma gorge était en feu. Mon cœur s’emballait au moindre mouvement et je transpirais à grosse goûte. Jamais je n’avais eu un entraînement aussi intense mais cela me faisait du bien malgré la douleur que cela me faisait ressentir dans chaque muscle.

La suite fut plus plaisante mais toujours pas reposante. Une fois mes séries finies, EÒghan me tendit une épée, lorsque je la pris, je sentis de suite le poids qui pesait sur mes bras endoloris. Je lâchai une plainte, faisant tomber au passage l’arme et provoquant un regard noir de la part de mon entraîneur. Je ravalai ma douleur et me penchai pour récupérer l’épée au sol. Je me relevai et me mis en position défensive comme Llion me l’avait appris et attendis patiemment. L’homme en face de moi avait fait de même, nous regardions l’autre, nous nous observions droit dans les yeux tout en se tournant autour. Il avança d’un pas, je restai à la même place, je ne reculerai pas aussi facilement. Il avança une nouvelle fois, et sans que je ne puisse le voir venir, fit un autre pas et sauta avant de me frapper à l’épaule, de son épée. Le coup me fit tomber à la renverse, du sang s'écoulait le long de l’entaille. Je ne perdis pas plus de temps au sol et me remis sur mes pieds pour affronter ce Gardien que je n’avais jamais vu combattre à l’épée. Je m’avançai vers lui d’une démarche légère mais rapide comme Llion me l’avait apprise, levai mon arme et frappai mon adversaire. Ce dernier réussit à parer mon coup, ce qui déclencha un vrai combat entre nous. Nous étions déchaînés et cela donnait tout son intérêt à l’exercice. Je n’étais pas la seule à avoir du mal à toucher l’autre, EÒghan aussi n’arrivait à m’atteindre que très peu de fois. Cependant, lorsque nous arrivions à toucher l’autre, nous lui infligions une forte douleur et de longues entailles.

Lorsque nous eûmes tous les deux assez de blessures, EÒghan récupéra l’épée que je tenais avant de me tendre un arc. Il me fit signe d’approcher des cibles qui longeaient le mur. Je me plaçai devant l’une d’entre elles, puis attendis qu’EÒghan vienne se placer à côté, lui aussi avec un arc. Il me regarda, me fit un sourire encourageant et prit une flèche. Je fis de-même et bandai mon arc, ajustai mon tir, soufflai pour me détendre et laissai partir la flèche qui alla se planter proche du centre.

Pendant une trentaine de minutes, EÒghan et moi firent exactement le même geste. Il ne ratait jamais sa cible tandis que pour moi il était déjà un peu plus compliqué de rester dans le centre. J’étais tout de même heureuse de constater que j’avais plus de succès à l’arc qu’au combat à l’épée. EÒghan me le fit remarquer avec un petit sourire, ce qui augmenta ma fierté. Nous continuâmes encore un peu à tirer avant de nous arrêter.

Je pensais que nous allions nous arrêter là pour la journée mais EÒghan en décida autrement. Il m'emmena au centre de la pièce et me fit asseoir. Je me mis en tailleur et attendis de savoir ce que je devais faire. Il commença à fredonner une berceuse Efeilliade que les parents chantent aux enfants pour les endormir :

“Brise veloutée de l’air marin

rapproche les coeurs simples des enfants,

L’océan, encore une fois, berce nos défendants.

Dans ses larges bras, Mer entoure nos destins.

Même dépourvu de sainteté.

Nos péchés s’en retrouveront expédiés

Oh Mer, ici nous sommes tous tes enfants,

Réprimande nous si nécessaire,

toi notre parent.”

Je me détendais, je méditais, je me laissais emporter par mes souvenirs d’enfances lointains. Je sentis EÒghan s’approcher de moi, se poster devant moi avant de me prendre les mains. Il me les ouvrit et laissa mes paumes vers le ciel. Plus il chantonnait, plus je me sentais détendue. Lorsqu’il reprit une nouvelle fois le refrain je sentis une douce chaleur m’envahir jusqu’aux paumes. J’ouvris lentement les yeux pour voir une boule incandescente d’une couleur rouge et orange. Cette magie venait de moi et continuait de grandir à mesure que la musique avançait. Lorsqu’il reprit une dernière fois le chant, cette magie me fit léviter au-dessus du sol, la forme s’était dissipée pour m’entourer. Cette chaleur me procurait un bien-être non-négligeable, je me sentais bien, je me sentais moi, je n’avais pas besoin de craindre de blesser quelqu’un, je contrôlais cette lueur.

“Brise veloutée de l’air marin

rapproche les coeurs simples des enfants,

L’océan, encore une fois, berce nos défendants.

Dans ses larges bras, Mer entoure nos destins.

Même dépourvu de sainteté.

Nos péchés s’en retrouveront expédiés

Oh Mer, ici nous sommes tous tes enfants,

Réprimande nous si nécessaire,

toi notre parent.”

La chanson se termina, et la magie en fit de même. Une nouvelle fois au sol, un sourire apaisé s’était formé sur mon visage.

*****

Le soir, quand je fus de nouveau auprès d’Owein, je lui racontai mon entraînement éreintant mais surtout comment la berceuse de notre enfance m’avait rendue sereine tout en invoquant inconsciemment ma magie. Je continuais à lui expliquer comment je m’étais enfin sentie libre d’être moi-même sans crainte, et tout en lui racontant ceci je me délectais de l’entendre fredonner cette berceuse. Je lui fis un sourire et joignit ma voix à la sienne, ensemble rien ne nous arrêterait.

On se regardait avec affection et fierté, oui, définitivement rien ne pourrait nous arrêter, ensemble nous étions plus forts. La berceuse s’acheva et notre discussion se dirigea vers notre passé au château. Nous parlions de nos parents, comment son père et sa mère s’aimaient avec une force déconcertante. Nous riions beaucoup mais très vite le sourire d’Owein s’effaça. Je lui demandai alors s’il avait des nouvelles de son père Selwyn, il me répondit par la négative. Je lui posai alors une autre question : “As-tu écrit à ton père pour lui annoncer que tu es dorénavant un Gardien en plus d’être Colonel?”. Il me répondit une nouvelle fois par la négative. Lorsque je lui demandai pourquoi, sa réponse m’attrista. “Je veux partager cette réussite avec mon père. Il est tout ce qu’il me reste de ces souvenirs de famille. Je ne peux pas lui annoncer ceci dans une lettre, pourtant je n’ai aucune idée de quand je le reverrais, ou si je le reverrais tout simplement.”. Je n’avais pas de mots pour le réconforter alors je le pris dans mes bras et lui déposai un tendre baiser sur ses lèvres, ce qui le fit doucement sourire.

Je levai mon regard vers lui puis le baissai de nouveau. Le rouge aux joues, je lui posai une question qui me taraudait depuis quelques temps maintenant. “Owein, ton père sait-il qui est le mien, mon père?”. J’attendais sa réponse sans savoir quoi faire si jamais sa réponse était positive. Il prit tendrement mon menton entre ses doigts et me releva la tête pour que je puisse le regarder dans les yeux. Sa réponse arriva enfin : “Je ne suis pas sûr, mon père est toujours resté très muet à ton propos. Cependant, il était déjà là quand tu es née, je pense donc que oui il sait mais il ne m’en a jamais fait part. Je suis navré p’tite guerrière.”. J’étais triste et soulagée à la fois. Triste car je ne savais toujours pas l’identité de mon père mais soulagée qu’Owein ne le sache pas et donc ne me l’ai pas caché. Je lui fis un sourire résigné, il me prit à son tour dans ses bras et me chuchota trois petits mots que tout le monde rêvait d’entendre. Peut-être était-ce justement un rêve car les bras de Morphée m'avaient enveloppée.

*****

PdV ?

Je passai devant la chambre qu’occupaient Owein et Achlys et m’approchai de la porte qui était entrouverte. Je les vis tous deux, collés l’un à l’autre. Soudain Achlys demanda à Owein quelque chose que jamais je n’aurais cru entendre. “Owein, ton père sait-il qui est le mien, de père?”. Ce dernier répondit positivement et négativement. Un soulagement m’envahit avant qu’un sentiment de honte prenne place en moi. Je déglutis péniblement avant de m’éloigner de cette discussion que je n’aurais jamais dû et jamais voulu entendre. Je me sentais mal pour cette jeune fille qui n’avait pas eu une vie aussi simple qu’elle aurait dû l’être mais je ne pouvais rien y faire. Tout ceci faisait partie de mon passé, jamais elle ne saurait.

Je m’éloignai donc à pas rapide avant de rentrer dans ma chambre. Je me dirigeai vers mon balcon , ouvrit la porte qui me séparait de l’air frais du soir, l’hiver serait bientôt là. Je pris une longue inspiration avant de m’adonner aux souvenirs que j’avais tenté vainement d’enterrer au fond de mon âme. Je revis l’amour de ma vie, souriante de m’apprendre sa grossesse, mon propre sourire face à cette nouvelle qui éclairait notre vie et notre amour. Ces souvenirs-là, je voulais les oublier, c’était trop douloureux. Je n’étais pas aussi courageux qu’un Gardien aurait dû l’être. Comment avais-je même réussi à atteindre le sommet de la pyramide en devenant le Grand Gardien du Sanctuaire de Khyal? Je soupirais avant de me diriger vers mon lit et de m’y écrouler de chagrin et de honte.

Annotations

Vous aimez lire Maily Lmr ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0