la Tombe d'Ignis
Nous ne mîmes que peu de temps avant d’atteindre la Tombe d'Ignis, dernier lieu sacré des Gardiens. Lume marchait vite, il était primordial pour elle que nous arrivions vite, pour qu’elle puisse constater d’elle-même l'étendue des dégâts causés par les Celeanos.
Lorsque nous atteignîmes les portes du foyer de notre amie, un petit groupe d'hommes s'avança vers nous. Visiblement nous étions plus qu’attendus. L’un d’eux s’approcha de Lume sans nous prêter attention, il la prit dans ses bras et sembla lui chuchoter quelque chose à l’oreille. Lorsqu’ils se détachèrent, notre amie prit la parole pour faire les présentations.
- Les amis voici Iorwerth Blethen, le Gardien qui gère la Tombe et mon ancien mentor. Iorwerth voici Seimon, Cilistro et Llion qui sont sous la charge d’EÒghan, Gardiens de Vent. Puis Owein, nouvellement Gardien de Terre. Le père et la fille Hlapen et pour finir Achlys, Princesse héritière d’Efeilliad. Et maintenant que les présentations sont faîtes je vais vous laisser avec lui pour aller me rendre à la chasse aux Celeanos. Nous allons vérifier le périmètre pour être sûrs qu’ils nous laissent un peu de répit avant leur prochaine attaque. Je fais au plus vite pour vous rejoindre mais la sécurité prime.
Avant même que l’un d'entre nous puisse protester, Lume était déjà loin. Un soupir s’échappa de mes lèvres tandis que Iorwerth commençait à nous parler de la Tombe et de son histoire. J’écoutais d’une oreille distraite, mes pensées étaient tournées vers Lume et son envie constante de protéger les siens. Elle faisait preuve d’un courage sans nom, et j’espérais un jour pouvoir atteindre un tel niveau de confiance et de réussite. Je l’admirais pour ce qu’elle était. Son honnêteté était impressionnante, elle avait assez de cran pour dire les choses mais savait surtout la manière dont il fallait les dire pour que ce soit compréhensible et le moins blessant possible.
Je revins à la réalité lorsque l’ancien mentor de Lume nous fit entrer dans ce lieu sacré. Cependant, au moment où mon pied se posa à l’intérieur, Iorwerth me regarda d’une drôle de manière. Je ne saurais dire si c’était dû à qui j’étais ou si simplement c’était un regard que j’interprétais mal. Je pris donc la décision de ne rien faire et de ne rien dire. J’allais tout simplement attendre le retour de mon amie pour lui en parler et avoir son avis dessus.
La visite se continua sans encombres, nous ne rencontrions que peu de Gardiens étant donné la perte énorme qu’ils venaient de subir. Ainsi les Gardiens présents à la Tombe étaient ceux trop blessés pour pouvoir vérifier le périmètre ou assurer la sécurité du bâtiment. Je n’osais pas les regarder, de peur qu’ils pensent que je les juge ou quelque chose du genre. A la place je découvrais ce lieu plein d’histoires et de vies, du moins autrefois.
Owein était à mes côtés, sa main serrant la mienne en continu. EÒghan était devant avec les autres et j’étais bien heureuse d’être loin de cet homme qui n’était qu’une façade, une illusion depuis le premier jour. Je lui en voulais plus qu’à ma mère. Les personnes qui auraient dû être les plus aimantes, étaient en fin de compte celles qui me mentaient depuis bien longtemps et qui espéraient un pardon éclair de ma part.
Je secouai la tête pour chasser ces pensées qui me déchiraient le cœur et me concentrai sur la visite. Jusqu’à la fin, je fus des plus attentives pour occuper mon cerveau, je ne voulais pas, je ne pouvais pas me laisser aller à des pensées aussi déchirantes. Mais au fond de moi je n’attendais qu’une chose : le retour de Lume au plus vite, j’avais besoin de sa présence.
*****
Mon souhait ne fut pas exaucé puisque ce ne fut qu’au moment du dîner que mon amie refit enfin surface. Une fois assise avec nous, elle nous raconta avec agitation sa journée. Lume nous expliqua tout ce qu’elle avait fait, en partant de la chasse aux Celeanos jusqu’à la chasse aux gibiers qu’elle avait effectuée pour le lendemain midi. Une nouvelle fois, je n’étais pas très attentive et tout le monde le remarqua lorsque Lume sembla m’avoir posé une question que je n’avais pas entendu et écouté. Je leur répondis par un sourire gêné avant de demander timidement à Lume de répéter sa question. Mon amie me fit un sourire qui se voulait réconfortant, elle ne m’en voulait donc pas de ne pas avoir écouté un traître mot de ce qu’elle venait de dire.
- Je te demandais si tu n’avais rien trouvé d’étrange durant la journée. Ça peut être n’importe quoi. Un lieu, une personne, un comportement ou même un simple regard.
- Je dois dire que ta question me perturbe dans la mesure où je n’aurais jamais cru que tu puisses nous poser, me poser une telle question sur les personnes avec qui tu as décidé de passer ta vie… Néanmoins, je vais te répondre avec toute l’honnêteté dont je peux faire preuve. Il y a bien eu un moment où je me suis sentie mal à l’aise. C’était au moment de passer les portes qui donnaient sur le hall d’entrée de la Tombe. Ton ancien mentor, Iorwerth, a eu un regard sur moi qui m’a semblé étrange. Je comptais t’en parler en privé mais puisque tu as posé la question… Je ne sais pas si c’est à cause de mon passé qu’il m’a regardé ainsi, ou si je me suis fait des idées. Cependant, ce ne serait pas la première fois qu’un Gardien me regarde de travers, après tout, c’est comme si je profanais ce lieu pour eux. Mais, Lume, est-ce que je peux au moins te demander pourquoi tu nous poses cette question, à moins que tu ne l’aies déjà expliqué lorsque j’étais dans mes pensées…
- Merci pour ta réponse, et non je n’ai encore rien dit ne t’en fais pas. Je posais cette question car toute la journée j’ai trouvé le comportement de mes amis très étrange. Comme s’ils agissaient de manière robotique, vous voyez? C’est pour ça, qu’à mon avis, ton problème avec Iorwerth n’était pas qu’une illusion, cependant, je peux te garantir que s’il avait agi de manière habituelle, jamais il ne t’aurait mal regardé. Ici, à la Tombe d’Ignis, nous oublions le passé des autres s’il était obscurcis par des moments de mal. Je pense que quelque chose se trame ici, mais nous en parlerons plus en détails cette nuit. A minuit rejoignez moi tous dans la chambre que je partagerai avec Achlys et Loraevere. D’accord?
Tout le groupe acquiesça sans se poser de question. Nous étions décidés à découvrir s’il y avait un problème qui expliquerait l’étrange comportement des Gardiens de Feu. Le repas se finit donc plus ou moins en silence et une fois fini, nous prétextâmes la fatigue du voyage pour que les Gardiens nous mènent tous dans nos chambres au plus vite.
Le temps passait avec lenteur, mais enfin vint minuit. Nous avions dû attendre encore une quinzaine de minutes avant que tout le monde soit rassemblé dans notre chambre. EÒghan était le dernier que nous avions dû attendre. Il nous expliqua qu’Iorwerth et lui avaient eu une longue discussion et que le gardien ne semblait pas vouloir le laisser partir, ce qui avait donc provoqué son retard à notre rendez-vous tardif. Les autres l’excusèrent sans perdre de temps, tandis que de mon côté je ne voulais même pas le regarder et l’entendre. La nuit allait être longue…
Notre conversation ne mit pas longtemps à commencer, suivie par les conflits… Je ne me positionnais pas dans la discussion, cependant j’écoutais les arguments des uns et des autres, j’y réfléchissais pour essayer de trouver la meilleure solution à notre problème. Pourtant j’avais l’impression que ne pas donner mon avis semblait agacer certains et perturber d’autres. Je ne savais pas quoi dire. Je ne connaissais personne qui vivait ici, je ne savais pas comment ils se comportaient habituellement. A vrai dire personne ne savait, hormis Lume… Seimon et Cilistro pensaient que Lume divaguait. Amaël, Llion et Loraevere pensaient que Lume avait très probablement raison puisqu’elle les connaissait mieux que nous. Et enfin, Owein et EÒghan n’avaient, pour le moment, pas donné leur avis. C’est pourquoi tous les regards finirent par se diriger vers moi. Sans délicatesse Lume me demanda si moi aussi je la croyais folle. Je les regardai tous, tour à tour, désarçonnée par ce qu’ils attendaient de moi alors qu’il y avait de ça quelques jours ils étaient tous d’accord avec Amaël lorsqu’il disait de moi que je n’avais aucun droit sur eux, que je n’avais pas à prendre de décision aussi importante. J’étais perdue mais le regard de Lume me ramena à la raison, je devais leur donner une réponse.
- Ecoutez, je ne crois pas que Lume soit folle, cependant vous avez tous à un moment donné soulevé le point qu’elle seule pouvait savoir. Jusqu’ici, j’ai toujours eu raison de faire confiance à l’instinct de Lume et je compte bien continuer à la croire. Néanmoins, cela ne nous dit pas quoi faire par rapport aux Gardiens. Je vous stoppe là, je ne veux pas entendre vos opinions car encore une fois cela va aller trop loin et vous allez vous disputer, or nous n’avons pas le temps pour ça. Je sais aussi que, la plupart d’entre vous, pensent que je n’ai aucun droit de commander car je ne suis pas encore assise sur un stupide trône. Pourtant depuis que je vous connais vous m’attribuez tous le titre de Princesse héritière ou de Reine alors soyez cohérents! Pour ce soir c’est moi qui vais décider ce que nous allons faire alors écoutez moi bien parce que je n’ai qu’une envie : aller dormir au plus vite. Nous attendons de voir comment se passe la journée de demain avant de prendre la décision finale, à savoir partir d’ici sans un regard en arrière, ou alors, si au moment de partir ils nous en empêchent, nous devrons malheureusement nous battre… Je suis désolée Lume mais, si le deuxième scénario devait avoir lieu, je dois m’assurer du côté dans lequel tu seras. Alors, dis-moi, seras-tu du côté de ta famille ou du côté de tes amis? Je sais que dit comme ça le choix paraît horrible mais comprends-moi, je ne peux pas rester dans le flou…
- Achlys, je serais de ton côté, quoi qu’il advienne et ce jusqu’à ma mort. Tu ne le sais peut-être pas, mais il est vrai que les Gardiens jurent allégeance à Efeilliad et pas à celle qui dirige notre pays. Cependant, je t’ai juré allégeance, tout comme Llion, Owein et...Et EÒghan. Nous savions qu’à tout moment nous pourrions nous battre contre nos semblables, alors si par malheur cela devait arriver je serais devant toi pour te protéger, toujours.
- Merci à vous quatre. Vraiment, je vous dois beaucoup depuis le début de ce voyage, vous m’avez apporté bien plus en quelques semaines que ce que j’ai pu avoir en dix-sept ans. Maintenant, allons tous nous coucher car nous avons besoin d’une bonne et longue nuit de sommeil pour pouvoir faire face à une nouvelle journée qui s’annonce riche en action et émotion.
*****
Des cris, des hurlements déchirants, empreints de douleur me réveillèrent. Je me redressai brusquement et pus voir Lume et Loraevere en faire de-même. Nous nous regardâmes pendant un instant seulement, avant de sauter sur nos pieds. Nous enfilâmes nos tenues les plus pratiques pour combattre tandis que Loraevere, elle, s’habillait de sorte qu’elle puisse fuir aussi vite que possible.
J’attrapai mon épée avant de me rendre dans le couloir, où je pus voir le reste de nos amis, tous prêts à se battre contre notre ennemi. J’ordonnai à Lume de passer devant, en allant vers les cris car elle seule savait comment se diriger dans ce lieu. Nous courûmes comme si notre vie en dépendait pour au final nous retrouver dehors. Je regardai tout autour de moi, comme le faisaient les autres. Nous découvrîmes avec peine le spectacle qu’offrait la Tombe d’Ignis. Celle-ci était en feu, mais nous pouvions sentir que c’était le feu que pouvait provoquer un Gardien et pas un simple feu de camp. Quelqu’un tentait de réduire en cendre ce lieu et cela ne pouvait être qu’un Gardien de Feu, or ce n’était pas Lume, alors qui? Je continuais de regarder autour de moi pour essayer de trouver un indice. Mais rien, je pouvais seulement voir les Gardiens qui fuyaient leur foyer, d’autres continuaient de hurler leur peine. Pourtant, quelqu’un avait fait ça, et ils devaient l’avoir compris également, mais le choc était trop fort. Ils n’arrivaient plus à penser normalement. Leur cœur venait de prendre le dessus sur leur raison.
C’est alors que je le vis au loin. Le visage victorieux face au spectacle qu’il avait provoqué. Les hurlements s’intensifiaient encore et encore, le visage des Gardiens déformés par la douleur qui s’insinuait au plus profond de leur âme. L’édifice continuait de brûler sous nos yeux, nous étions impuissants face à cette catastrophe. Et de voir cet homme répugnant n’arrangeait rien à mes émotions et à mes envies de meurtre.
La colère faisait partie de moi, elle était constamment présente, comme la petite voix dans notre tête. Sauf qu’à certains moments, elle ne demandait qu’à sortir. C’était dans un moment comme celui-ci, qu’elle prenait de plus en plus de place en moi, elle faisait tout pour que je la laisse gagner pour qu’elle puisse enfin sortir. A certains moments je me contenais de toutes mes forces pour qu’elle reste en moi, mais là, après avoir vu la sale face victorieuse que Connor affichait je ne pouvais pas réprimer ma colère. Alors je fis la seule chose qui me parut être la bonne décision. Je laissai ma colère sortir et détruire tout sur son passage.
J’exprimai ma rage par un long hurlement qui déchira mes cordes vocales. Mes poumons souffraient de cette colère en moi, tout comme mon corps qui subissait ce sentiment qui sortait de toute part pour se diriger aussi bien vers la Tombe d’Ignis, que vers mes amis, ou encore vers cet homme qui me dégoûtait. Je la laissai faire, je ne fis rien pour retenir ma colère. Je voulais montrer à Connor ma force, même si une part de moi se rendrait compte après cet épisode de rage que cela lui avait seulement montré que ma faiblesse passait par le bien-être de ceux qui m’étaient proches, mais plus simplement, ma faiblesse résidait dans mon peuple que je voulais aider et sauver.
La tombe d’Ignis s’effondra sous ma rage, mes amis et les Gardiens furent expulsés au loin. Je dirigeai toute ma rage vers Connor et je pus l’atteindre en modelant ma magie. Je le sentis au fond de moi. Ce n’était qu’une entaille à la joue, aussi nette que si cela avait été fait avec une dague tout juste aiguisée. Connor aurait désormais une marque provenant de moi. Un sourire satisfait vint enfin se dessiner sur mon visage quand je réussis à contrôler cette rage pour qu’elle entaille plus profondément la peau de mon ennemi. Je relâchai ensuite mes muscles pour me laisser tomber au sol, le souffle court causé par l’effort monumental que je venais de fournir.
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