4 Le véritable message du Seigneur des anneaux
La dernière fois que j’ai vu le Seigneur des Anneaux, j’ai eu une illumination. C’était dans un grec, le sandwich tout compris, tomate-salade-ketchup-oignons-frites était à quatre euros. Je venais de roter mon coca. « Bon sang mais c’est bien sûr ! » me suis-je écrié et j’ai planté mes crocs dans mon sandwich comme un mort de faim. Jamais je n’avais trouvé un grec aussi bon…
A première vue, le Seigneur des Anneaux raconte une longue et périlleuse quête. Il y a un paquet de personnages dont je ne me souviens plus les noms, à part quelques principaux comme Frodon et Sam, les deux chétifs hobbits qui vont au Mordor pour détruire l’anneau. En gros, malgré pas mal de handicaps au départ, les bons battent les mauvais. Le message est limpide : si tu es gentil, même si tu n’es pas fort, c’est bien et tu gagnes… Si tu es méchant, même superpuissant, c’est mal et tu perds, tananananéreu… Pourtant, il n’est pas certain que l’auteur, à travers cette œuvre, ait voulu transmettre cette morale à deux balles. Tolkien était un homme trop complexe pour se contenter de délivrer cet unique et pauvre message. Rappelons qu’il pratiquait la philologie et qu’il présidait l’association « les plus balèzes casse-têtes du monde » dont Freud et Einstein étaient aussi membres (pour la petite histoire, Freud n’arrêtait pas de dire d’Einstein que son intelligence était très surfaite, ce à quoi Einstein rétorquait : « Au moins la mienne n’est pas latente, blaireau »). Il avait d’ailleurs déclaré à son arrière petit fils de 2 mois et demi 30 secondes avant de mourir dans une chaise longue : « Personne ne devinera ce que j’ai voulu dire dans le Seigneur des Anneaux. Tu m’entends, petit con? Personne ! arggggghhhhh…». Terrorisé par la grimace d’agonie de son arrière grand-père, l’arrière petit fils – qui s’appelait Aragorn junior - lui avait vomi dessus.
Ainsi, il aura fallu attendre plusieurs dizaines d’années et un sandwich grec complet au ketchup avec des frites pour découvrir le véritable sens du Seigneur des Anneaux. Quel est-il ? Pour bien le comprendre, il convient de rappeler que ce sont deux êtres extrêmement faibles, les hobbits Sam et Frodon, qui détruisent l’Anneau du Mal en terrain ennemi. En apparence, Frodon est le héros puisqu’il a la terrible charge de porter cet anneau. Pourtant, au fur et à mesure du récit, c’est Sam, le hobbit petit, gros et joufflu, qui prend de plus en plus d’importance. En effet, chaque fois que Frodon est en danger de mort, Sam le sauve. A l’évidence, sans Sam, Frodon ne serait jamais parvenu au bout de sa quête. Manquant cruellement de « bollocks », il aurait lamentablement péri à peine le récit commencé (le Seigneur des Anneaux aurait alors fait au maximum trente pages et se serait peut-être intitulé : le petit naze sans burnes). Au contraire, Sam en a pour dix. Aimant Frodon comme un frère, il n’hésite pas à les exposer dès l’apparition d’un danger. Sa vie lui importe peu comparé à celle de son ami. Il est prêt à en découdre avec quiconque lui cherchera des crosses même si c’est un dragon atomique. Pourtant, malgré son dévouement et sa bravoure, Sam ne cessera d’être repoussé par Frodon... Et pire, après la réussite de leur entreprise, seul Frodon sera applaudi et aimé.
Nous touchons là le cœur du Seigneur des Anneaux. Si, à tort, on avance souvent qu’il faut toujours distinguer l’auteur de son œuvre, pour ce cas précis, il est nécessaire de rapprocher l’un de l’autre, de les mêler. En effet, Tolkien était un petit gros. Tout au long de sa vie, le pauvre homme a beaucoup souffert de cet état. Il fut un nombre incalculable de fois l’objet des moqueries de ses semblables. Même célèbre, on continua à rire de lui en disant par exemple qu’il avait écrit le Seigneur des nabots ou encore que son épais roman était graisseux. Freud le surnommait « amicalement » le gros patapouf tandis qu’Einstein lui répétait souvent qu’il devait être le seul humain sur terre dont le poids et la taille n’étaient pas relatifs. Tolkien avait beau réussir les casse-têtes les plus durs, cela n’empêchait pas ses deux amis de se moquer de lui. Ainsi, d’après ces éléments, le Seigneur des Anneaux apparaît sous un autre jour. Tolkien c’est Sam, le petit gros au grand cœur qui reste dans l’ombre malgré ses exploits. Le message délivré est sombre : il dit en substance qu’un petit gros n’aura jamais ni reconnaissance ni amour. Il pourra accomplir de grandes choses, il restera pour les autres aux « ridicules » dimensions de son enveloppe charnelle. « Grotesque ». En pensant cela, on peut d’ailleurs se demander quelle considération avait Tolkien pour son œuvre. La trouvait-il vaine et prétentieuse ? Ou au contraire nécessaire comme le cri que pourraient pousser tous les petits gros meurtris du monde entier ?
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