Chapitre 6

6 minutes de lecture

Date : 1er novembre 2024

Heure : 10h00

Le soleil automnal filtrait à travers les rideaux en lin du salon, diffusant une lumière dorée sur les meubles en bois sombre et les coussins pastel. Mariana, assise dans son fauteuil préféré près de la cheminée, caressait machinalement la couverture en cuir violet du livre posé sur ses genoux. Le silence de la maison n’était brisé que par les craquements légers du feu dans l'âtre et le souffle régulier de Violette, sa fille, qui dormait dans la pièce voisine. Mais ce calme apparent était trompeur. Mariana savait qu’elle devait faire face à une tâche qu’elle avait redoutée : mentir à Louise, sa belle-mère.

Elle soupira, fermant doucement le livre et le posant sur la table basse. Ses mains tremblaient légèrement lorsqu’elle attrapa son téléphone. Ses doigts restèrent suspendus un instant au-dessus de l’écran avant qu’elle ne compose finalement le numéro. La sonnerie retentit, et à chaque nouvelle sonnerie, Mariana sentait son estomac se nouer un peu plus. Puis, la voix familière et chaleureuse de Louise résonna dans l’appareil.

« Mariana ! Bonjour, ma chérie, » dit Louise avec enthousiasme, la voix légèrement pressée. « Comment va ma petite-fille ? Puis-je venir la voir aujourd'hui ? Je meurs d’envie de la tenir dans mes bras. »

Mariana serra les lèvres, son regard dérivant un instant vers la porte de la chambre où Violette dormait paisiblement. Elle prit une grande inspiration, mais lorsqu’elle parla, sa voix était plus douce, presque étouffée.

« Louise… Je suis vraiment désolée, mais Violette est à l’hôpital. »

Elle fit une pause, espérant que ces quelques mots suffiraient. Il y eut un bref silence à l’autre bout du fil avant que la voix de Louise ne se fasse plus pressante, teintée d'une inquiétude contenue.

« À l'hôpital ? Pourquoi ? Que se passe-t-il ? Est-ce grave ? » Les questions jaillirent rapidement, sans laisser le temps à Mariana de répondre.

Elle déglutit, ses doigts crispés autour du téléphone, sa mâchoire tendue alors qu’elle cherchait à maîtriser sa voix. « Non, non, ce n’est pas grave. Les médecins veulent juste… s’assurer que tout va bien. C’est… une simple précaution. »

Louise ne semblait pas convaincue. Son silence s'étira juste assez longtemps pour que Mariana se sente encore plus mal à l’aise. Puis la voix de la belle-mère reprit, cette fois avec une note plus grave, plus insistante.

« Une précaution pour quoi exactement ? Elle semblait en parfaite santé quand je l'ai vue. Pourquoi est-elle hospitalisée ? Elle a de la fièvre ? Des problèmes respiratoires ? Pourquoi ne m'as-tu pas appelée tout de suite, Mariana ? »

Mariana sentit son cœur battre plus vite. Elle mordilla inconsciemment l'intérieur de sa joue, son regard rivé à la fenêtre, là où les feuilles d'automne virevoltaient sous la brise. Son esprit cherchait désespérément une réponse qui apaiserait Louise sans éveiller plus de soupçons.

« C’est… c’est mineur, je te promets. Ils veulent juste s’assurer qu’elle va bien. Il n’y a rien de sérieux. »

Elle entendit Louise prendre une profonde inspiration de l'autre côté, mais loin d'être rassurée, la belle-mère semblait redoubler d'inquiétude.

« Mariana, tu ne me dis pas tout. Je le sens. Je connais ce ton. Est-ce que je devrais appeler Arnold ? Peut-être qu’il pourra m'expliquer ce qui se passe vraiment. »

Mariana se redressa brusquement, serrant le téléphone un peu plus fort contre son oreille.

« Non ! » Sa voix avait été trop rapide, trop brusque, et elle se hâta de reprendre un ton plus apaisant. « Non… je veux dire, Arnold est déjà au courant. Il gère tout ça. Il n'y a pas besoin de s’inquiéter. Je te promets de t’appeler dès qu’elle ira mieux. »

Louise, sceptique, laissa échapper un petit soupir.

« Très bien, mais je veux être informée dès qu’il y a du nouveau. Tu me tiendras au courant, d’accord ? »

Mariana ferma les yeux un instant, soulagée, même si elle savait que cet appel ne ferait que repousser l’inévitable.

« Bien sûr, Louise, je te tiendrai au courant. »

Elle écourta la conversation aussi rapidement qu'elle le put, ses mains tremblant légèrement alors qu'elle posait enfin le téléphone sur la table. Ses épaules, jusque-là crispées, s’affaissèrent tandis qu’elle prenait une profonde respiration. Elle se tourna vers la chambre de Violette, où le silence régnait encore.

La petite fille bougeait maintenant dans son berceau, ses bras minuscules agitant doucement l'air. Mariana se leva, attrapa un manteau pour elle-même et une couverture pour sa fille, puis s'approcha du berceau. Violette ouvrit lentement les yeux, clignant doucement sous la lumière du matin. Ses grands yeux violets semblaient capturer chaque rayon de soleil, les rendant presque hypnotiques.

Mariana sourit faiblement et souleva sa fille dans ses bras, ses gestes tendres et précautionneux.

« Viens, ma chérie. On va prendre l'air. »

Elle sortit dans le jardin, le vent frais caressant doucement son visage tandis qu'elle avançait lentement sur le sentier de gravier qui serpentait entre les arbres. Les feuilles orange et rouges virevoltaient autour d’elles, créant une scène paisible, presque irréelle. Elle installa Violette dans ses bras, bien emmitouflée dans sa couverture, et marcha lentement parmi les arbres.

« Tu es si belle, » murmura-t-elle en regardant sa fille, dont la peau violette brillait légèrement sous la lumière naturelle. « Même si tu représentes Lavande, ton destin sera bien plus radieux que ce que dit ce conte. » Ses lèvres s'étirèrent en un sourire doux, mais ses yeux étaient voilés d'une inquiétude qu'elle ne pouvait chasser.

Mariana baissa les yeux vers sa fille, ses doigts glissant doucement sur son front.

« Je sais qu’il y aura des obstacles… des gens qui ne comprendront pas. Mais je suis là, je te protégerai. »

Ses pensées dérivèrent soudain vers l’avenir. L’idée de scolariser Violette dans une école normale lui semblait soudain impossible. Comment réagirait le monde extérieur face à une enfant si différente ? Elle savait que la cruauté des autres pourrait briser quelque chose de précieux en sa fille.

Elle s’arrêta sous un arbre imposant, regardant le ciel à travers les branches nues. Peut-être qu’elle devrait abandonner sa carrière. Peut-être qu’elle devrait garder Violette à la maison, lui faire l’école elle-même. La protéger du monde extérieur jusqu’à ce qu’elle soit prête… si jamais elle le serait.

Le bruit d'une porte qui s'ouvre derrière elle interrompit ses pensées. Arnold apparut sur le seuil, un froncement de sourcils marquant son visage, les bras croisés devant lui.

Il descendit les quelques marches du perron avec une lenteur mesurée, ses yeux se fixant brièvement sur Violette avant de se détourner. Mariana vit la tension dans ses épaules, la rigidité de ses mâchoires.

« Je t’ai vue parler à ma mère. Qu’est-ce que tu lui as dit ? »

Mariana, toujours assise avec Violette contre elle, leva les yeux vers lui.

« Je lui ai dit que Violette est hospitalisée. C’était la seule excuse que j’ai trouvée pour éviter qu’elle vienne la voir. »

Arnold ne répondit pas tout de suite. Il resta immobile, ses poings se serrant et se desserrant à ses côtés. Finalement, il tourna la tête pour fixer sa femme, son regard froid, distant.

« Tu crois vraiment qu’on pourra la cacher longtemps comme ça ? »

Mariana sentit une boule se former dans sa gorge, mais elle se redressa, la mâchoire serrée.

« Je ne sais pas, Arnold. Mais je ferai tout ce qu’il faut pour la protéger. Elle est notre fille. »

Arnold détourna de nouveau les yeux, son corps tendu comme un arc. Il marmonna quelque chose à peine audible avant de faire demi-tour et de rentrer dans la maison, ses pas lourds résonnant dans le silence.

Mariana resta là, son cœur serré, observant Violette qui somnolait de nouveau dans ses bras. Ses yeux brillants, sa peau douce et inhabituelle… tout en elle était à la fois extraordinaire et effrayant pour le monde extérieur.

Le soir venu, alors qu’elle berçait sa fille dans la chambre doucement éclairée par la lumière du crépuscule, Mariana murmura doucement, ses lèvres effleurant la tête de Violette.

« Personne ne te verra comme une malédiction, ma chérie. Je vais te cacher du monde, quoi qu'il en coûte. »

Elle savait que la décision qu’elle venait de prendre allait bouleverser leur vie, mais elle n’avait plus le choix. Elle protégerait Violette du monde extérieur, quitte à l’éloigner de tous.

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