Chapitre 7

6 minutes de lecture

Date : 3 novembre 2024

Heure : 16h30

Le crépuscule commençait à s'étendre sur la maison, teintant les murs d'une lumière dorée, presque irréelle. Le soleil se couchait lentement, laissant une lueur chaude filtrer à travers les rideaux de lin qui pendaient devant les fenêtres. Le feu dans la cheminée crépitait doucement, diffusant une chaleur rassurante, mais Mariana, assise dans le salon, se sentait gelée de l'intérieur. Le silence oppressant de la maison lui pesait tandis qu’elle tenait son téléphone, ses mains moites glissant légèrement sur l'appareil. Elle savait que cet appel serait un point de non-retour, et pourtant, elle n’avait pas d’autre choix.

Elle respira profondément, les yeux fixés sur le sol comme si elle pouvait y trouver une issue à cette situation impossible. Ses doigts tremblants composèrent le numéro de Louise, la mère d’Arnold. La sonnerie retentit une fois, puis une deuxième fois, chaque son résonnant dans sa poitrine comme un battement de tambour. Finalement, la voix de Louise se fit entendre à l’autre bout du fil, familière et chaleureuse, mais avec une note d’inquiétude retenue.

« Mariana ! Comment vas-tu ? Comment va Violette ? Je pensais passer aujourd'hui pour la voir. Cela fait un moment, et… je m'inquiète. »

Mariana sentit son cœur se serrer douloureusement, comme si une main invisible l’écrasait dans sa poitrine. Elle avala difficilement, les mots se formant péniblement dans sa gorge. Elle serra les lèvres, fixant un point imaginaire sur le sol, comme pour s'accrocher à quelque chose.

« Louise… » Sa voix était à peine un murmure, et elle dut se racler la gorge pour continuer. « Je… je suis tellement désolée de devoir te dire ça, mais… Violette… » Elle sentit ses jambes faiblir, l’obligeant à s’asseoir sur le bord du canapé. « Violette a attrapé un virus. C'était soudain. Les médecins ont tout essayé, mais… elle n'a pas survécu. »

Le silence qui suivit fut étouffant, si profond que Mariana crut un instant que l'appel avait été coupé. Elle ferma les yeux, sa main tremblant contre le téléphone, attendant l'inévitable explosion. Puis, elle entendit un sanglot étouffé, suivi d’un cri de désespoir. Louise éclata en sanglots, sa respiration saccadée, irrégulière, comme si elle peinait à reprendre son souffle.

« Non… non, ce n'est pas possible… » murmura Louise, la voix brisée par la douleur. « Ma petite-fille… Pourquoi ? Pourquoi ne m’as-tu rien dit plus tôt ? J’aurais dû être là ! Pourquoi, Mariana ?! » Chaque mot de Louise résonnait avec une telle intensité que Mariana eut l’impression que la pièce elle-même vibrait sous l’émotion.

Mariana serra les dents, luttant contre les larmes qui menaçaient de déborder. Sa main libre serra convulsivement le tissu de son pantalon, cherchant une ancre, un point fixe dans cette mer d’émotions.

« Louise… je… c’était si rapide. Je ne savais pas comment te le dire. Je suis désolée… tellement désolée… » Mais ses paroles semblaient creuses, vides, incapables d’apaiser la douleur qu’elle venait d’infliger.

Louise continuait de pleurer, ses sanglots résonnant à travers le téléphone, chaque souffle plus déchirant que le précédent. Mariana ferma les yeux, ses paupières brûlantes, et resta là, immobile, incapable de bouger, de parler, ou de trouver quoi que ce soit à ajouter. Elle était submergée par la culpabilité, chaque respiration lui coûtait un effort immense.

Après de longues minutes où Louise ne parvint qu’à pleurer sans fin, Mariana sentit que la douleur de sa belle-mère était insupportable. Elle devait mettre un terme à cette conversation.

« Louise, je… je te rappellerai plus tard. Je dois… je dois y aller. »

Elle raccrocha rapidement, avant que Louise ne puisse répondre. Le silence retomba lourdement dans la maison, un silence froid, oppressant, qui lui glaça les os. Mariana laissa tomber son téléphone sur la table basse, ses mains encore tremblantes. Elle fixait le vide devant elle, sentant son cœur battre à un rythme désordonné dans sa poitrine.

Le bruit de la porte d’entrée qui s’ouvrait la tira brusquement de ses pensées. Arnold, un sac de voyage à la main, entrait dans le salon. Il s’arrêta à quelques mètres de Mariana, ses épaules tendues, son regard fuyant. Il n’avait visiblement aucune intention de rester.

« Je vais passer quelques jours chez Jeremy, » dit-il d’une voix calme, presque trop détachée. « J’ai besoin de… prendre du recul. » Son ton était neutre, mais Mariana sentit la distance émotionnelle dans chaque mot. Il ne chercha même pas à croiser son regard.

Elle se redressa légèrement, son estomac se tordant sous l’effet de l’inquiétude.

« Arnold… tu pars maintenant ? » Sa voix était plus faible qu’elle ne l’aurait voulu. Elle ne savait même pas pourquoi elle posait cette question, pourquoi elle espérait une réponse différente.

Arnold hocha la tête, sans la regarder.

« Oui. Je… j’ai besoin de réfléchir. » Il tourna les talons avant que Mariana ne puisse répondre et quitta la maison sans un mot de plus, laissant la porte se refermer doucement derrière lui. Le bruit du loquet se fit entendre dans toute la pièce, un écho qui sembla durer une éternité.

Mariana resta figée, fixant la porte par laquelle Arnold venait de sortir, comme si elle espérait qu’il revienne, qu’il dise quelque chose, qu’il lui parle, qu'il l’aide à porter ce fardeau. Mais il était parti, et elle se retrouvait seule avec ce mensonge, avec cette culpabilité qui pesait de plus en plus lourd sur ses épaules.

Elle inspira profondément, cherchant à reprendre son calme. Après un instant, elle se leva, presque mécaniquement, et se mit à chercher Matheo pour le dîner. Elle traversa les couloirs silencieux de la maison, ses pas légers sur le parquet poli. En passant devant la chambre de Violette, elle s’arrêta net.

La porte était entrouverte, et à l’intérieur, elle aperçut Matheo, assis à côté du berceau de sa petite sœur. Ses petits bras étaient posés sur le bord du lit, et il regardait Violette avec une intensité calme, presque contemplative. Il ne bougeait pas, son regard se perdant dans les traits fins de la petite fille, ses lèvres pincées dans une expression sérieuse.

Mariana entra doucement dans la chambre, s’accroupissant à côté de lui.

« Matheo, viens manger, c’est l’heure du dîner, » dit-elle doucement, mais il ne détourna pas tout de suite les yeux de Violette.

« Maman… » Sa voix était douce, presque un murmure. « Est-ce que Violette est comme Lavande ? »

Mariana sentit son cœur se serrer à nouveau. Elle posa une main légère sur l’épaule de son fils, son regard se perdant dans les yeux brillants de Violette qui la fixaient depuis son berceau.

« Oui, Matheo… elle est un peu comme Lavande. »

Matheo tourna enfin la tête vers elle, ses grands yeux pleins de curiosité, mais aussi d’une sorte de sagesse enfantine.

« Est-ce qu’elle va devenir comme dans les contes ? Est-ce qu’elle va avoir des pouvoirs ? Est-ce que ça veut dire qu’elle est spéciale ? »

Mariana se força à sourire, même si chaque mot de son fils faisait écho à ses propres angoisses. Elle caressa doucement ses cheveux bruns, cherchant les mots justes.

« Je ne sais pas, mon chéri. Mais je ferai tout pour que ça aille bien. »

Matheo hocha la tête, acceptant la réponse avec une simplicité désarmante, puis il se leva, prêt à suivre sa mère pour le dîner. Mariana, elle, resta encore un instant à côté du berceau, regardant Violette, sa petite Lavande, si belle, si fragile, et pourtant si différente. Elle savait qu’elle ferait tout pour la protéger, mais à quel prix ?

Le repas fut silencieux. Matheo mangeait en jetant de temps à autre des regards curieux à sa mère, tandis que Mariana picorait son assiette sans vraiment avoir faim. Ses pensées étaient ailleurs, tournées vers l’avenir incertain de sa fille, vers les mensonges qu’elle avait dû inventer, et vers le départ soudain d’Arnold.

Plus tard dans la soirée, lorsque Matheo fut couché et que la maison fut plongée dans un silence écrasant, Mariana se servit un verre de vin dans la cuisine. Le liquide rouge glissa dans le verre avec un éclat hypnotique. Elle but une première gorgée, sentant la chaleur de l’alcool lui envahir la gorge, mais rien ne parvint à chasser le froid qui s’était installé en elle.

Elle se servit un deuxième verre, puis un troisième, ses mains devenant de plus en plus lourdes. Les larmes qu’elle avait contenues tout au long de la journée commencèrent enfin à couler, silencieuses, le long de ses joues. Assise seule dans le salon faiblement éclairé, elle laissa sa douleur éclater, ses épaules tremblant sous l’effort des sanglots retenus trop longtemps.

Elle avait menti. Elle avait perdu Arnold. Et maintenant, elle devait protéger Violette… seule.

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