Chapitre 9

5 minutes de lecture

Date : 3 décembre 2024

Heure : 09h00

Le ciel d’hiver était bas, chargé de nuages gris qui reflétaient la lumière froide du matin. La mer, d’un bleu presque argenté, ondulait doucement sous la brise légère, et la plage déserte, à quelques pas de la maisonnette, semblait appartenir à un autre monde, loin des soucis et des regards indiscrets.

Mariana regardait la mer par la fenêtre de la petite cuisine, une tasse de thé chaud entre ses mains. Le froid de la pièce contrastait avec la chaleur réconfortante qui émanait de la boisson. Ses doigts, légèrement crispés autour de la tasse, trahissaient la tension qui s'était accumulée en elle depuis leur arrivée ici, il y a une semaine.

La maisonnette en bord de mer, avec ses murs en pierre blanchie et ses poutres en bois usé, avait immédiatement plu à Mariana. L'endroit, isolé au bout d’un sentier de terre bordé de pins, était une bulle de tranquillité. Tout semblait figé dans le temps, comme si la mer elle-même veillait sur eux, les coupant du reste du monde. La cheminée crépitait doucement dans le salon, et le bruit des vagues rythmait leurs journées.

Mais cette paix n’était qu’un fragile équilibre. Violette, dans son berceau, dormait paisiblement, ses petites mains parfois agitées par des mouvements involontaires. La lumière douce de la matinée caressait son visage, faisant ressortir la teinte étrange mais magnifique de sa peau. Mariana, qui avait tenté de s’habituer à ce teint violet depuis la naissance de sa fille, ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe d’inquiétude chaque fois qu'elle la regardait.

Matheo entra dans la pièce en courant, ses petites bottes frappant bruyamment le sol en bois. Il avait passé la matinée à jouer dehors, ramassant des coquillages sur la plage. Son visage était rougi par le froid, et ses yeux brillaient d’excitation.

« Maman, regarde ce que j’ai trouvé ! » s’exclama-t-il en brandissant fièrement un coquillage nacré, ses joues éclatantes de bonheur.

Mariana sourit doucement, posant sa tasse sur la table de bois vieilli avant de se pencher pour examiner le trésor de son fils. Elle tendit la main pour toucher le coquillage, sentant sa surface lisse sous ses doigts.

« Il est magnifique, Matheo, » dit-elle doucement, essayant d’ignorer le poids qui pesait sur son cœur. Elle savait que Matheo s’adaptait bien à ce nouvel environnement, mais elle n’était pas sûre que cette quiétude allait durer.

Matheo hocha la tête, satisfait de l’approbation de sa mère, et courut de nouveau vers la fenêtre pour regarder la mer, ses petites mains appuyées contre la vitre froide.

« C’est comme un rêve ici, maman. On pourra rester ici pour toujours ? »

Mariana se figea un instant, regardant son fils, son cœur serré. Elle fit un effort pour garder son visage détendu, ne voulant pas inquiéter Matheo.

« Peut-être, mon chéri. Nous verrons. »

Elle savait que cette maison, aussi idyllique soit-elle, n’était qu’une solution temporaire. Arnold, qui était resté éloigné depuis qu’il les avait envoyés ici, n’avait donné que peu de nouvelles. Il avait promis de réfléchir, de prendre le temps d’accepter Violette telle qu’elle était, mais Mariana ne pouvait s'empêcher de se demander s'il reviendrait vraiment.

Le téléphone sur la petite table du salon vibra soudain, brisant la tranquillité de la pièce. Mariana sursauta légèrement, puis se dirigea rapidement vers l'appareil. Elle jeta un coup d’œil à l’écran. Arnold.

Elle prit une inspiration profonde avant de décrocher. « Arnold ? »

Il y eut un léger silence à l'autre bout de la ligne, avant que sa voix grave et distante ne se fasse entendre.

« Comment ça va là-bas ? »

Mariana pinça les lèvres, ses yeux fixés sur la mer au loin.

« On s’installe. C’est paisible. Violette dort bien, et Matheo adore la plage. » Sa voix était calme, mais il y avait une tension sous-jacente qu’elle n’arrivait pas à dissimuler.

Arnold toussa légèrement, comme s’il cherchait à retarder ce qu’il voulait dire.

« C’est bien… Je voulais te dire que… je ne suis pas encore prêt à revenir. Jeremy m’a proposé de rester encore un peu chez lui. » Il fit une pause, et Mariana entendit un léger bruit de frottement, comme s'il se passait la main sur le visage.

Mariana ne répondit pas tout de suite, ses doigts se crispant légèrement autour du téléphone. Elle savait qu'il fallait du temps à Arnold, mais à chaque jour qui passait, elle craignait de plus en plus qu'il ne veuille plus revenir.

« Arnold… » commença-t-elle, sa voix un peu plus serrée. « Est-ce que tu comptes vraiment revenir un jour ? »

Il y eut un long silence, pendant lequel le crépitement du feu dans la cheminée et le murmure des vagues au loin semblaient être les seuls bruits du monde. Arnold finit par répondre, sa voix basse, presque lasse.

« Je ne sais pas, Mariana. C’est… compliqué. Violette… Je n’arrive pas à la voir comme toi tu la vois. »

Les mots d’Arnold furent comme une claque pour Mariana. Elle serra les lèvres, refoulant la colère qui montait en elle.

« C’est ta fille, Arnold. Elle est parfaite, même si elle est différente. »

De l'autre côté du téléphone, Mariana l'imaginait, la tête baissée, les épaules affaissées, luttant intérieurement avec lui-même.

« Je sais qu’elle est spéciale… mais je ne peux pas ignorer ce qu’elle est. Ce… ce n’est pas normal, Mariana. Je suis désolé. »

La colère qui bouillonnait en elle se changea en désespoir. Mariana se laissa tomber sur la chaise près de la table, ses mains tremblant légèrement alors qu'elle essuyait nerveusement son visage. Elle savait qu’Arnold avait toujours du mal à accepter la réalité de Violette, mais l'entendre dire cela la blessait profondément.

« Tu penses que je ne le vois pas ? Que je ne comprends pas à quel point tout ça est difficile ? » Elle s'efforça de garder sa voix stable, mais ses doigts serraient fermement le bord de la table. « Elle a besoin de toi. Moi aussi. »

Un silence pesant tomba. Arnold prit une profonde respiration, mais ses mots restaient empreints d’une froideur distante.

« Je… j’ai besoin de temps. C’est tout ce que je peux te dire pour l’instant. »

Mariana ferma les yeux, ses lèvres tremblant légèrement, mais elle savait qu’elle ne pouvait pas le forcer à comprendre.

« Très bien, Arnold. Prends le temps qu’il te faut. Mais sache que nous avons besoin de toi. »

Elle raccrocha avant qu’il ne puisse répondre, laissant le téléphone tomber doucement sur la table. Ses mains étaient légèrement moites, ses jambes lourdes. Elle se laissa aller contre le dossier de la chaise, fermant les yeux pour tenter de calmer le flot d’émotions qui l’envahissait.

Elle entendit des pas légers derrière elle. Matheo, qui avait dû sentir la tension, s’approcha doucement, posant ses petites mains sur le dos de sa mère.

« Ça va, maman ? » demanda-t-il doucement, ses yeux inquiets la scrutant.

Mariana ouvrit les yeux, forçant un sourire. Elle prit Matheo dans ses bras, le serrant contre elle.

« Oui, mon cœur, ça va. »

Matheo se pelotonna contre elle, rassuré par cette étreinte.

« On va rester ici, hein ? Violette est en sécurité ici, non ? »

Mariana caressa doucement les cheveux de son fils, regardant par la fenêtre où la mer continuait de danser lentement sous le ciel gris.

« Oui, mon chéri, on va rester ici. »

Elle savait que la maisonnette en bord de mer était devenue leur refuge, mais aussi une prison invisible. Leur nouvelle vie commençait ici, avec toutes les incertitudes et les défis que cela impliquait. Pour Violette, pour Matheo, pour elle-même, Mariana devait être forte, même si Arnold n’était plus à leurs côtés.

La décision de rester s’imposait, et malgré ses craintes, Mariana prit une profonde inspiration. Il n’y avait pas de retour en arrière possible.

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