Chapitre 11

6 minutes de lecture

Date : 14 décembre 2024

Heure : 18h00

Le vent hurlait à travers les fissures des vieilles fenêtres de la maisonnette, faisant frissonner les rideaux de lin blanc qui encadraient les petites ouvertures donnant sur la plage. Chaque souffle glacé faisait grincer les volets en bois, usés par le temps et l'air salin. La mer, autrefois calme et paisible, se soulevait désormais en vagues lourdes, s'écrasant contre le sable mouillé dans un grondement continu, comme une respiration profonde et inquiète.

Dans la petite cuisine, les murs étaient recouverts de bois clair, patiné par les années. Des étagères accrochées de manière précaire au-dessus de l’évier étaient remplies de bocaux de verre contenant des herbes séchées et des épices, que Mariana avait soigneusement placés là pour donner à cet endroit isolé un semblant de confort et de chaleur. Une grande table en bois massif, marquée par des années d’usage, trônait au centre de la pièce, ses coins arrondis et lisses, témoignant du passage de nombreuses mains. Mariana y était assise, fixant la mer à travers une fenêtre partiellement embuée. Dans ses mains, une tasse en terre cuite, usée par les ans, contenant du thé encore fumant qui dégageait une odeur de menthe et de citronnelle.

Le feu dans la cheminée du salon adjacent crépitait doucement, projetant une lumière vacillante et réconfortante sur les murs blancs et nus de la pièce. Sur le manteau de la cheminée, quelques souvenirs de leur ancienne vie reposaient : une petite horloge en cuivre poli, un cadre photo contenant une image d’Arnold, Matheo et Mariana, souriants et insouciants dans un jardin fleuri.

Violette, dans son berceau tressé de rotin à côté de la cheminée, dormait paisiblement, sa peau d’une teinte violette étrange, à peine visible dans la lumière dansante des flammes. Sa couverture en laine, tricotée par Louise, la mère d’Arnold, la couvrait jusqu’au menton. Le berceau, usé par le temps, grinçait légèrement lorsque Mariana se levait pour s’approcher de sa fille. Des jouets simples faits de bois et de tissu étaient éparpillés autour du berceau : un petit ourson aux yeux ternes, une balle douce, et un anneau de dentition qui avait roulé sous la table basse.

Depuis quelques jours, des phénomènes inquiétants s'étaient multipliés dans cette maison, rendant l'atmosphère plus pesante que jamais. Mariana le sentait dans l'air, dans ces légères vibrations lorsqu'elle approchait de Violette. Les objets ne restaient plus immobiles. Tout semblait vouloir bouger sous une influence invisible, légère mais constante. Ce matin-là, un livre posé sur la table s’était déplacé d’à peine un centimètre, mais elle l’avait vu. Un petit vase de fleurs séchées avait tremblé alors que Violette pleurait. Tout cela devenait impossible à ignorer.

Elle serra la tasse entre ses mains, cherchant le réconfort de la chaleur, mais ses doigts tremblaient légèrement. Elle était seule, confrontée à quelque chose qu’elle ne comprenait pas. Le bois de la table était lisse sous ses doigts, marqué de petites entailles et de griffures, comme si cette table avait vécu bien plus que ce qu'elle laissait paraître. Mariana passa un instant sa main sur le bord usé, essayant de calmer ses pensées.

La sonnerie de son téléphone brisa le silence, résonnant durement dans la maison vide. Mariana sursauta, laissant échapper un soupir nerveux. Elle regarda l'écran du téléphone : un message d'Arnold.

« On doit parler. Appelle-moi. »

Le cœur de Mariana se serra. Elle n'avait pas entendu la voix d'Arnold depuis des semaines, pas depuis qu'il avait quitté la maisonnette pour "réfléchir", laissant Mariana seule avec Matheo et Violette, face à des décisions impossibles. Elle regarda le téléphone quelques instants, le silence soudain devenu oppressant autour d’elle.

Elle prit une grande inspiration, ses doigts se crispant sur le téléphone avant de composer le numéro d'Arnold. La sonnerie sembla durer une éternité, chaque tonalité amplifiant la tension qui montait dans son estomac. Enfin, la voix d'Arnold se fit entendre, grave et distante.

« Mariana, » dit-il, sa voix résonnant comme une ombre du passé.

Elle déglutit avant de répondre.

« Arnold. Qu’est-ce qui se passe ? »

Sa voix tremblait légèrement, mais elle essayait de maintenir son calme. Elle sentit le silence lourd de l’autre côté de la ligne avant qu’Arnold ne reprenne.

« J’ai réfléchi… à tout ça. À Violette, à ce qui se passe. Je pense qu’on doit faire quelque chose, » dit-il d’un ton mesuré, presque froid. « J’ai parlé à un collègue médecin. Il pourrait nous aider à comprendre ce qui se passe. »

Mariana sentit une vague de chaleur monter en elle, une colère mêlée de frustration.

« Un médecin ? » répéta-t-elle, incrédule. « Arnold, c’est ta fille. Elle n’a pas besoin d’être diagnostiquée comme une anomalie. »

Elle serra les poings, ses ongles s’enfonçant légèrement dans la paume de sa main. La lumière du jour s’estompait derrière les volets, plongeant la pièce dans une lueur dorée mélancolique. Elle pouvait voir le reflet des flammes vaciller sur le sol en bois usé, ajoutant une aura étrange et oppressante à la conversation.

Arnold soupira de l’autre côté.

« Mariana, elle n’est pas… normale. Ces choses, ces phénomènes que tu as remarqués… ils ne sont pas naturels. Je veux juste qu’on soit sûrs que tout va bien, qu’on est en sécurité. »

Mariana sentit ses mains trembler à nouveau. Elle se leva brusquement, ses pieds nus touchant le sol froid. « Arnold, c’est une petite fille. Notre fille. Elle est spéciale, oui, mais elle n’est pas un danger. » Elle fit les cent pas dans la petite cuisine, ses pieds glissant sur le sol en bois poli. Le feu continuait de crépiter derrière elle, mais elle ne sentait plus la chaleur. « Ce que tu me demandes, c’est de la traiter comme un sujet d’étude. Et je refuse de faire ça. »

Arnold resta silencieux un moment, sa voix finalement plus douce, mais toujours distante.

« Mariana, je veux seulement comprendre ce qui se passe. Je ne pense pas que tu réalises à quel point cela pourrait devenir dangereux. Je ne dis pas qu’elle est une menace, mais je crois qu’on a besoin d’aide. »

Mariana ferma les yeux, cherchant à retrouver son calme. Le murmure des vagues au loin semblait se fondre dans la tension qui s’accumulait autour d’elle. Elle regarda Violette, qui dormait toujours paisiblement, ignorant les tourments de ses parents. Comment Arnold pouvait-il envisager une telle chose ? Mariana ouvrit les yeux, ses poings toujours serrés.

« Je vais réfléchir, » dit-elle finalement, la voix plus calme mais tendue. Elle raccrocha sans attendre de réponse.

Date : 16 décembre 2024

Heure : 14h00

Le ciel était gris, épais, lourd de neige ou de pluie à venir. Matheo jouait près de la plage, ses petits pieds traînant dans le sable froid, lançant des pierres dans les vagues, les éclats d’eau créant des arcs minuscules sous la lumière voilée du jour. Mariana, assise dans un fauteuil près de la cheminée, regardait distraitement son fils par la fenêtre tout en tenant Violette dans ses bras. Le feu crépitait doucement, projetant une lueur chaleureuse sur les murs en bois. La petite chambre était remplie d'une lumière tamisée, presque surnaturelle, amplifiée par les reflets du feu dans les carreaux.

Le salon, bien que modeste, était décoré de souvenirs familiaux simples : des photos d'eux en vacances accrochées au mur avec de petits clous rouillés, un vieux fauteuil en cuir fatigué mais confortable, des livres anciens sur des étagères poussiéreuses, et un tapis usé, autrefois coloré, maintenant délavé par le temps.

Soudain, un bruit sourd retentit dans la cuisine. Mariana se leva précipitamment, serrant Violette contre elle, et se dirigea vers la source du bruit. Lorsqu’elle arriva, elle vit une pile d’assiettes tombée du comptoir. Mais ce n’était pas le pire. Alors qu’elle regardait, les éclats au sol tremblaient légèrement, comme animés par une force invisible. Mariana recula instinctivement, le souffle court.

Elle tourna lentement la tête vers Violette, toujours paisible dans ses bras. Le lien entre sa fille et ces phénomènes devenait de plus en plus évident. Sa gorge

se serra alors qu’elle réalisait l’ampleur de la situation. La lumière des fenêtres devenait plus sombre, presque inquiétante.

Elle savait qu'elle devait trouver des réponses. Avec une détermination nouvelle, elle attrapa le livre qu’elle avait trouvé dans la boutique, celui qui parlait de la jeune fille Lavande. Les pages, légèrement jaunies et épaisses, craquaient sous ses doigts. Elle chercha rapidement les passages qu'elle avait déjà lus.

« La bénédiction ou la malédiction dépend du cœur qui guide l’enfant. Aimée, elle s’épanouira dans ses dons. Rejetée, elle sombrera dans l’obscurité. »

Ces mots résonnaient dans son esprit, et Mariana se promit qu’elle ferait tout pour que Violette soit aimée, protégée, et guidée avec tendresse.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Podqueenly ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0