Chapitre 17

5 minutes de lecture

Date : 20 février 2025

Heure : 17h00

Arnold se trouvait assis à une table en bois massif, ses mains entourant une tasse de café tiède. Le café où il avait donné rendez-vous à Jeremy était l’un de leurs endroits préférés depuis des années. C’était un lieu chaleureux, avec ses murs en briques apparentes et des plantes suspendues au plafond, diffusant une atmosphère intime et familière. Mais malgré cet environnement réconfortant, Arnold ne se sentait pas à l’aise. Sa jambe tremblait sous la table, trahissant son anxiété.

Jeremy, son ami d’enfance, était assis en face de lui, l’air attentif mais calme. Jeremy avait toujours eu ce don de faire preuve d’une patience inébranlable, de créer un espace où Arnold pouvait se confier sans jugement. Aujourd’hui, Arnold avait besoin de cet espace. Il en avait assez de ruminer ses pensées seul, de laisser la peur et l’incertitude le ronger. Il devait parler, extérioriser ce poids qu’il portait.

Arnold soupira profondément, le regard fuyant, avant de prendre la parole.

« Je… je ne sais pas par où commencer, » dit-il d’une voix grave, presque résignée.

Jeremy posa son café, ses sourcils froncés légèrement par la préoccupation.

« Arnold, tu peux tout me dire. Tu le sais. Ça fait des jours que je te sens ailleurs. Qu’est-ce qui se passe ? »

Arnold serra sa tasse un peu plus fort. Les pensées se bousculaient dans sa tête, mais les mots peinaient à sortir. Il se sentait ridicule, faible, mais il ne pouvait plus supporter le silence. Finalement, il se lança.

« Je suis médecin, Jeremy. Mon boulot, c’est de comprendre les choses, d’expliquer ce qui ne va pas chez les gens, et de les soigner. Mais là, avec Violette… » Il marqua une pause, cherchant ses mots. « Je ne comprends plus rien. »

Jeremy hocha la tête lentement, laissant Arnold continuer.

« J’ai essayé tous les tests possibles, toutes les analyses. Rien n’explique ce qu’elle fait, ce qu’elle est capable de faire. Des objets qui bougent, des phénomènes qui ne peuvent pas être expliqués par la science. J’ai tout fait pour comprendre, mais rien ne colle. » Arnold laissa échapper un rire nerveux, presque amer. « Moi, l’homme de science, incapable de soigner ma propre fille. »

Il sentait le poids de cette vérité s’écraser sur lui à chaque mot. C’était un aveu difficile. Il avait toujours été fier de sa capacité à diagnostiquer, à guérir. Mais là, face à Violette, il se sentait inutile, impuissant.

Jeremy resta silencieux pendant un instant, absorbant ce que son ami venait de dire. Il connaissait Arnold depuis toujours, et il savait que cet aveu d’impuissance devait être un coup terrible pour lui. Finalement, il parla, d'une voix douce et compréhensive.

« Arnold, c’est normal de ne pas tout comprendre. Ce que traverse Violette… c’est au-delà de tout ce que tu as connu. Peut-être que tout ne peut pas être expliqué par la science. »

Arnold se crispa légèrement, ses doigts blanchissant autour de la tasse. Il secoua la tête, son regard fixé sur le liquide noir devant lui.

« Je ne peux pas accepter ça, Jeremy. Toute ma vie, j’ai cru qu’il y avait une explication à tout. C’est ce qui me donne du contrôle. Mais là… là, je perds pied. Plus je cherche, plus je me rends compte que je ne sais rien. Et ça me terrifie. » Ses yeux, fatigués par les nuits d’insomnie, rencontrèrent ceux de Jeremy. « Comment je peux vivre dans un monde où je ne comprends plus rien ? »

Jeremy resta silencieux, sachant que son ami n’en avait pas fini.

« Parfois, je regarde Violette et… je ne la reconnais plus. Je l’aime, c’est ma fille, mais… Elle est différente, Jeremy. Elle fait des choses que je ne peux pas expliquer, et ça me fait peur. » Il avala difficilement sa salive, comme s’il avait du mal à accepter cette pensée. « J’ai peur de ce qu’elle pourrait devenir. »

Arnold passa une main dans ses cheveux, épuisé. Il avait l’impression que chaque mot sortait avec difficulté, comme s’il admettait des vérités qu’il avait cachées pendant trop longtemps.

« Et puis, Mariana… » Il prit une grande inspiration. « Elle croit en toutes ces histoires mystiques, ces légendes sur Lavande. Elle pense que ça explique tout. Mais moi, je ne peux pas y croire. Je veux une explication logique, rationnelle. Sauf que je n’en trouve pas. Et plus ça va, plus je sens que je m’éloigne d’elle. Je crains que si je ne comprends pas ce qui se passe, je vais perdre ma famille. »

Jeremy croisa les bras, se penchant légèrement en avant, l’air plus concerné que jamais.

« Perdre ta famille ? »

Arnold hocha la tête, son regard se perdant dans le vide.

« Oui… Elles ont un lien, Mariana et Violette. Elles comprennent quelque chose que moi, je ne comprends pas. C’est comme si elles vivaient dans un monde auquel je n’ai plus accès. Et Matheo… il commence à poser des questions, il sent que quelque chose ne va pas. Qu’est-ce qui va se passer si je ne trouve pas de réponses ? Est-ce qu’ils vont continuer à me suivre ? »

Un silence lourd s'installa. La crainte de perdre sa famille se mêlait à la frustration de ne pas pouvoir protéger ce qu'il aimait le plus. Le silence de Jeremy l’encouragea à aller plus loin.

« Je fais toujours ce rêve, » murmura Arnold. Jeremy plissa les yeux, intrigué.

« Quel rêve ? »

Arnold prit une profonde inspiration, son regard se durcissant légèrement, comme s’il luttait contre le malaise que ce souvenir éveillait en lui.

« Je me retrouve sur une plage, seul. Il fait nuit, et il y a toujours cette brume étrange qui monte de l’océan. Et puis je le vois… Un homme. Il est là, debout, face à la mer. Et quand il se tourne vers moi… » Arnold marqua une pause, ses doigts serrant la tasse plus fort, son souffle devenant plus court. « Il me ressemble. Mais il est plus vieux, plus fatigué. Et à chaque fois, il me dit la même chose : ‘Je suis ce que tu deviendras si tu continues comme ça’. »

Jeremy ne dit rien, mais son regard s’assombrit. Il savait où Arnold voulait en venir.

« Il dit qu’il est le père de Lavande. »

Ces mots résonnèrent dans l’air comme une sentence. Arnold baissa la tête, la voix tremblante.

« Dans ce rêve, il me raconte comment il a tout perdu en cherchant à comprendre sa fille. Il voulait la sauver, mais il s’est perdu dans cette quête de contrôle. Et à la fin, il n’avait plus rien. Plus de famille, plus de réponses. Juste du vide. »

Jeremy restait silencieux, l'air grave. Ce rêve était plus qu’un simple cauchemar. C’était un avertissement que l’esprit d’Arnold tentait de lui faire comprendre, une projection de ses propres peurs et de ses propres doutes.

« Et tu crois que c’est ce qui t’attend, Arnold ? »

Arnold releva la tête, les yeux cernés et fatigués, mais une lueur de désespoir brûlant dans son regard.

« Je ne sais pas. Mais j’ai l’impression d’être déjà sur ce chemin. Je cherche des réponses que je n’arrive pas à trouver, et pendant ce temps, j’ai l’impression que tout m’échappe. Violette, Mariana, ma propre vie… »

Il soupira profondément, sentant ses épaules s'affaisser sous le poids de son propre aveu. Il avait tant de choses à dire, mais les mots semblaient s'effilocher avant même de franchir ses lèvres. « Et si je devenais cet homme ? Si je perdais tout en essayant de comprendre ? »

Jeremy se redressa, le regard ferme mais plein de compassion. « Arnold, tu n'es pas ce père de Lavande. Mais tu dois te demander ce qui est le plus important pour toi. Chercher à tout comprendre, ou être là pour ta fille, même si tu ne comprends pas tout ? »

Arnold resta silencieux, fixant la table devant lui. La réponse, il le savait, n'était pas aussi simple qu'il l'aurait voulu.

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