Date : 15 octobre 2026

Heure : 08h00

Les vents froids d’octobre soufflaient à travers la vallée, agitant doucement les feuilles dorées des arbres. Le paysage, encore baigné d’une lumière matinale, semblait paisible, mais une lourde tension flottait autour de la maison de Mariana et Arnold. Violette allait fêter son premier anniversaire aujourd’hui, et bien que cela aurait dû être un moment de joie, une inquiétude palpable entourait la famille.

Depuis des mois, les pouvoirs de Violette s’étaient intensifiés. Des objets lévitaient parfois autour d'elle sans prévenir, et l’énergie invisible qu’elle dégageait se faisait de plus en plus forte. La communauté, menée par Maël, le sage, s’éloignait progressivement de la famille, persuadée que Violette était la réincarnation d’une ancienne malédiction, celle de la jeune fille Lavande. Mais malgré les tensions croissantes, Mariana avait décidé de fêter ce jour avec ceux qui lui étaient proches, espérant que cette journée marquerait une pause dans les événements troublants qui s’étaient accumulés.

La petite maison de pierre où vivait la famille, entourée de champs brumeux et de forêts denses, dégageait une chaleur familière en contraste avec le froid extérieur. **Matheo**, âgé de sept ans, aidait à décorer la table avec des guirlandes de fleurs qu’il avait cueillies le matin même, ses gestes rapides trahissant son excitation. Il aimait profondément sa petite sœur, malgré l’aura de mystère qui l’entourait.

« Tu crois qu'elle aimera le gâteau ? » demanda Matheo à sa mère, un sourire timide sur son visage.

Mariana lui sourit doucement, caressant sa joue.

« Bien sûr qu'elle l'aimera. C'est sa première fête d'anniversaire, tout est spécial aujourd'hui. »

Elle essayait de paraître confiante, mais une ombre traversait ses pensées. Elle savait que ce jour était chargé de symbolisme pour la communauté, et chaque regard dirigé vers Violette était imprégné de crainte et de superstition. Ils étaient tous sur le qui-vive.

Heure : 10h00

Les invités étaient peu nombreux. Richard, le grand-père, était présent, ainsi qu’Élise et sa fille Clara, toujours inséparables de Violette. Même dans ces moments de fête, la méfiance persistait, certains membres de la communauté, comme Sélène, ayant refusé l’invitation, préférant garder leurs distances.

Assis autour de la table, la famille et les amis proches échangeaient des sourires tendus, essayant de maintenir une ambiance joyeuse. Mais l’atmosphère était lourde, comme si quelque chose flottait dans l’air, une attente silencieuse d’un événement imminent.

Alors que Mariana aidait Violette à souffler la bougie sur son gâteau, un silence respectueux tomba dans la pièce. La petite, les yeux grands ouverts, semblait fascinée par la flamme dansante devant elle. Puis, dans un babillage joyeux, elle ouvrit la bouche et prononça son premier mot.

« Lavande. »

La pièce entière se figea. Richard, qui souriait quelques secondes auparavant, devint livide. Mariana sentit son cœur s’arrêter, tandis qu’Arnold écarquilla les yeux, son souffle coupé. Élise attrapa la main de Clara instinctivement, un frisson parcourant son échine.

« Qu'est-ce que... ? » murmura Arnold, incapable de comprendre ce qui venait de se passer.

Le mot résonnait encore dans la pièce, comme un écho obsédant. Lavande. Le même nom que celui de la légende qui hantait la communauté. Celle d'une jeune fille dotée de pouvoirs surnaturels, qui avait été rejetée par les siens avant de provoquer leur ruine.

Mariana déglutit, sentant une vague de panique l’envahir. Comment Violette pouvait-elle prononcer ce mot ? Elle n’avait jamais entendu ce nom auparavant, du moins pas dans leur maison. Était-ce une simple coïncidence ? Ou était-ce plus que cela ?

Heure : 12h00

La nouvelle du premier mot de Violette se répandit rapidement dans la communauté. Maël, qui n'était pas présent à la fête, fut informé par Sélène, qui veillait toujours à relayer les rumeurs troublantes. Bientôt, toute la vallée était au courant : l’enfant avait dit "Lavande." Pour beaucoup, cela ne faisait que confirmer leurs craintes. Violette n’était pas une simple enfant, elle était liée à la légende.

Dans la maison, l’ambiance était devenue lourde de tension. Richard, d’ordinaire calme et réfléchi, semblait perturbé, ses mains tremblantes alors qu'il tentait de rassurer Mariana et Arnold.

« Cela pourrait être un simple mot, » commença-t-il, mais sa voix manquait de conviction. « Peut-être qu'elle a juste entendu cela quelque part... »

« Non, » coupa Mariana, la gorge serrée. « Il y a quelque chose de plus. Elle a prononcé ce mot comme si elle le connaissait, comme si c'était naturel pour elle. »

Richard échangea un regard inquiet avec Arnold, qui semblait tout aussi perdu. « Dans notre famille, il existe des histoires, » continua Richard, hésitant. « Des histoires qui parlent d'enfants qui naissent avec des pouvoirs qu’ils ne comprennent pas. Le nom 'Lavande' a toujours été lié à une force ancienne, une puissance naturelle et incontrôlable. Il se pourrait que ce nom soit un signe… un rappel de la légende. »

Arnold se leva brusquement, en colère et confus.

« Nous ne pouvons pas laisser cette légende dicter la vie de notre fille ! Violette est un bébé, pas une réincarnation d’une vieille malédiction. »

Mariana, bouleversée, se leva à son tour.

« Mais comment expliquer ça, Arnold ? Pourquoi ce mot, pourquoi maintenant ? »

Heure : 15h00

Au fur et à mesure que la journée avançait, Mariana s’enfonçait dans une spirale d’angoisse. Elle se souvenait du livre qu’elle avait acheté des mois plus tôt dans cette boutique mystérieuse. La légende de Lavande y était racontée de manière différente, plus sombre, plus détaillée. Le livre mentionnait que la malédiction de Lavande était destinée à revenir à travers les générations, que l’esprit de cette enfant maudite pouvait réapparaître sous des formes inattendues, pour continuer à exercer son pouvoir.

Mariana s’installa dans un coin calme de la maison, feuilletant nerveusement les pages du vieux grimoire. Chaque mot résonnait désormais d'une manière plus sinistre.

« Lavande peut renaître dans les nouveaux-nés porteurs du pouvoir, » lut-elle à voix basse. « Son essence s’éveille avec l’âge, et son influence grandit au fil du temps. »

Elle sentit son estomac se nouer en lisant ces mots. Était-il possible que Violette soit… Lavande, l’esprit maudit de cette légende ancienne ? Cela expliquait-il ses pouvoirs incontrôlables, le mot qu’elle venait de prononcer ? Mariana tenta de chasser ces pensées, mais elles la rongeaient.

Heure : 18h00

Tandis que le crépuscule tombait sur la vallée, une inquiétude palpable grandissait dans la communauté. Sélène, accompagnée de plusieurs villageois, demanda une réunion d'urgence avec Maël pour discuter de ce qu'ils considéraient comme "la menace que représente Violette." Sélène affirma que l’enfant n’était pas ordinaire, et que son premier mot, « Lavande », était un signe qu’elle apporterait la destruction comme dans la légende.

Maël, bien que plus mesuré, écouta attentivement.

« Nous ne pouvons pas ignorer ces signes, » déclara-t-il avec gravité. « Mais nous devons rester prudents. Chasser cette enfant maintenant sans être sûrs de ce qu’elle est pourrait provoquer la colère de forces que nous ne comprenons pas. »

Cependant, la peur dans la communauté grandissait, alimentée par les rumeurs et les superstitions. Les villageois commençaient à murmurer des choses inquiétantes sur la famille de Mariana et sur l’enfant, certains évoquant l’idée de prendre des mesures pour "protéger" la communauté.

Heure : 22h00

Dans la pénombre de leur chambre, Mariana se tenait près du berceau de Violette, veillant sur son sommeil. Les événements de la journée l'avaient épuisée, mais elle ne pouvait se résoudre à fermer les yeux. Arnold, allongé dans le lit, était tout aussi troublé, bien qu’il essayât de masquer ses craintes.

« Que faisons-nous maintenant ? » demanda-t-il finalement, la voix rauque. « Que signifie tout ça pour Violette ? »

Mariana ferma les yeux, laissant couler quelques larmes silencieuses. « Je ne sais pas, Arnold. Mais je crains que ce ne soit que le début. »

Elle posa une main sur la tête de sa fille, murmurant doucement :

« Peu importe ce qui se passe, je te protégerai. Même si tu es Lavande, tu n’es pas une malédiction. Tu es notre fille, et nous trouverons un moyen de surmonter ça. »

Mais au fond d’elle, Mariana savait que leur monde venait de basculer.