Chapitre 31

6 minutes de lecture

Date : 15 février 2027

Heure : 07h30

L’hiver s’étendait sur la vallée, enveloppant la communauté d’un épais manteau blanc. Le vent froid sifflait à travers les montagnes, rendant l’atmosphère encore plus glaciale. La maison de pierre de Mariana et Arnold semblait protégée de cet hiver rigoureux, mais à l’intérieur, une tension persistait. Violette, qui venait d’avoir un an et trois mois, était assise près de la fenêtre, fascinée par la danse des flocons de neige à l’extérieur.

Depuis quatre mois, tout avait changé. Le jour de son premier anniversaire, Violette avait prononcé son premier mot – "Lavande" – et depuis, elle semblait se comporter comme une enfant beaucoup plus âgée que son véritable âge. Mariana l’observait silencieusement, son cœur battant légèrement plus vite à chaque geste de sa fille. Matheo, son frère de sept ans, regardait aussi, partagé entre l'émerveillement et une crainte qu’il ne comprenait pas encore pleinement.

« Maman, regarde encore, » murmura Matheo, ne quittant pas des yeux sa petite sœur.

Mariana tourna la tête vers Violette et, comme à chaque fois, son souffle se coupa. Violette faisait léviter de petites pierres près de la cheminée, son visage innocent exprimant une maîtrise qu’un enfant de son âge n’aurait pas dû posséder. Les pierres flottaient doucement, tournoyant autour de sa main tendue, répondant à ses gestes avec une précision déconcertante.

Heure : 08h45

Dans la cuisine, l’odeur du thé chaud flottait dans l’air, mais Mariana ne parvenait pas à se détendre. Arnold, adossé contre le plan de travail, observait sa femme. Le silence entre eux était lourd. Ils savaient tous les deux que quelque chose d’étrange se passait avec Violette, mais aucun d'eux n'osait l’admettre pleinement.

« Elle fait ça tout le temps maintenant, » murmura Mariana, les yeux rivés sur sa tasse de thé. « Ce ne sont plus des accidents. Elle contrôle les choses, Arnold. Elle ne devrait pas… elle n’a qu’un an et trois mois. »

Arnold hocha la tête, sa mâchoire serrée.

« Je sais, je l’ai vue aussi. Mais que veux-tu qu’on fasse ? Elle est encore si jeune. Peut-être qu’elle va arrêter… peut-être que ça va s’estomper. »

Mariana secoua la tête, le cœur lourd.

« Non, ça ne s’arrêtera pas. Ce n’est pas juste ça. C’est… autre chose. Elle parle, Arnold. Pas comme une enfant de son âge. Elle formule des phrases, elle exprime des idées. »

Arnold fronça les sourcils.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? »

Mariana inspira profondément, essayant de maîtriser l’angoisse qui montait en elle.

« Hier soir, elle a parlé de la Rivière des Esprits. Elle m’a demandé si nous pouvions y aller. Je n’ai jamais mentionné cet endroit devant elle. Et elle en parle comme si elle savait que c’est réel. »

Arnold resta silencieux un moment, son visage crispé. La Rivière des Esprits était un lieu dont on parlait dans les légendes locales, un endroit perdu depuis longtemps, disparu des cartes. Mais pourquoi Violette, si jeune, connaîtrait-elle ce nom ?

« Ça ne veut rien dire, » répondit-il finalement, sa voix teintée de doute. « Peut-être qu’elle a juste entendu ça quelque part. »

Mariana secoua la tête.

« Non, Arnold. Il se passe quelque chose. Elle… elle se souvient de choses. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais c'est comme si elle… avait des souvenirs qui ne lui appartiennent pas. »

Heure : 12h00

À l’autre bout de la communauté, les villageois se rassemblaient pour discuter de la situation de plus en plus tendue autour de Violette. Depuis son premier mot, les rumeurs circulaient. Certains villageois étaient terrifiés, convaincus que l’enfant représentait une menace, d'autres pensaient qu’elle avait besoin d’aide. Élise, l'amie proche de Mariana et mère de la petite Clara, était de celles qui voulaient protéger Violette.

Le grand hall communautaire était rempli de murmures. Les bancs, disposés en cercle, étaient occupés par des visages inquiets. Maël, le sage de la communauté, se tenait à l’avant, son visage grave. Sélène, fervente opposante à la famille de Mariana, se leva et prit la parole avec une froideur qui fit frémir l'assemblée.

« Vous voyez bien ce qui se passe, » commença-t-elle, ses yeux perçants scrutant chaque personne présente. « Cette enfant n’est pas normale. Depuis qu’elle a dit ‘Lavande’, des choses étranges se produisent. Elle fait bouger des objets, elle parle comme une enfant beaucoup plus âgée. C’est une réincarnation. Elle est Lavande. Si nous ne faisons rien, nous courons tous un grand danger. »

Les murmures s’amplifièrent, et certains villageois se retournèrent vers Élise, cherchant son avis. Élise se leva calmement, ses yeux clairs fixés sur Sélène.

« Vous parlez d’une enfant, Sélène, » dit-elle d’une voix ferme mais douce. « Une enfant de seulement un an et trois mois. Violette ne représente pas une menace. Elle a des dons, oui, mais nous devons la protéger, pas la condamner à cause de vos peurs. Elle est trop jeune pour être jugée. »

L’assemblée était divisée. Certains murmuraient des mots de soutien à Élise, d'autres, influencés par la peur, restaient silencieux. Le conflit couvait dans la communauté, et il ne faudrait qu'une étincelle pour que tout bascule.

Heure : 15h00

Pendant ce temps, Richard, le père d’Arnold, arriva à la maison, son visage marqué par la fatigue et l’inquiétude. Il ôta son manteau couvert de neige, secouant le froid glacial de l’extérieur, et s’approcha du feu pour se réchauffer.

Mariana et Arnold se tournèrent vers lui, pressentant qu’il avait des nouvelles importantes.

« Il y a un problème, » annonça-t-il sans préambule, sa voix grave résonnant dans la pièce.

Arnold fronça les sourcils.

« De quoi s’agit-il ? »

Richard se rapprocha du feu, son visage durci par l'inquiétude.

« J’ai entendu des rumeurs… des rumeurs sur un groupe qui s’intéresse à Violette. Un groupe extérieur, connu sous le nom de "La Confrérie du Silence". Ils traquent les enfants comme Violette. Ceux qui ont des dons. »

Mariana sentit son cœur se serrer, ses mains devenant moites.

« Qu’est-ce que tu veux dire, Richard ? »

Richard baissa les yeux, cherchant ses mots.

« Ce groupe… ils ne viennent pas pour aider ces enfants. Ils les traquent, les capturent parfois. Ils les neutralisent ou… les exploitent. Les rumeurs disent qu'ils ont entendu parler de Violette. Si c’est vrai, ils seront bientôt ici. Nous devons être prêts à partir. »

Le silence qui suivit ses mots fut presque assourdissant. Mariana, toujours près du feu, serra un peu plus Violette contre elle, comme si elle pouvait la protéger du monde extérieur rien qu’en la tenant ainsi.

Heure : 18h00

Le crépuscule s’installait lorsque Violette et Matheo jouaient près de la cheminée. La lumière du feu dansant sur leurs visages, le contraste entre leur innocence apparente et la tension invisible était saisissant. Mariana les regardait en silence, ses pensées tourbillonnant.

Soudain, Violette arrêta de jouer et leva les yeux vers Matheo, un sourire tranquille sur les lèvres.

« Matheo, veux-tu aller à la Rivière des Esprits avec moi ? » demanda-t-elle, sa voix douce et sereine, comme si elle parlait d’un endroit familier.

Matheo se figea, ses sourcils se fronçant.

« La Rivière des Esprits ? » répéta-t-il, confus. « Il n’y a pas de rivière comme ça ici. »

Violette hocha doucement la tête.

« Elle était là avant. Céleste m’a dit qu’on pouvait y aller. » Sa voix était si calme, si assurée, comme si elle avait toujours su que cet endroit existait.

Mariana, assise non loin, sentit son cœur s’accélérer. Céleste. Ce nom… Elle l’avait déjà lu dans les récits sur Lavande. Mais pourquoi Violette parlait-elle de ce nom ? Et pourquoi semblait-elle en savoir autant sur un lieu qui n’existait plus ?

Le silence retomba dans la pièce, lourd et oppressant. Seul le crépitement du feu osait briser ce moment, mais la réalité de ce qu’elle venait d’entendre glaçait Mariana jusqu’aux os.

Heure : 22h00

La nuit était tombée et une tempête de neige battait la maison, le vent hurlant à travers les volets. Dans la chambre de Violette, Mariana veillait sur sa fille endormie, le visage paisible, entourée par la chaleur de son berceau. Pourtant, Mariana ne pouvait s’empêcher de ressentir une angoisse profonde. Quelque chose n’allait pas. Les mots de Violette résonnaient encore dans son esprit.

Arnold entra discrètement dans la pièce, son visage tendu par les événements de la journée. Il s’approcha de Mariana, se penchant vers elle.

« Il faut qu’on prenne une décision, Mariana, » murmura-t-il. « Si la Confrérie du Silence est vraiment sur notre trace… et si Maël continue à semer la peur dans la communauté… nous devons agir. »

Mariana, les yeux toujours rivés sur Violette, hocha doucement la tête.

« Je sais. Mais partir maintenant… Où irions-nous ? Et s’ils nous retrouvent, même ailleurs ? »

Arnold se rapprocha d’elle, prenant doucement sa main.

« On trouvera un moyen. On doit le faire pour eux, pour Matheo et Violette. »

Mariana ferma les yeux un instant, sentant le poids des décisions à venir peser sur elle. Le vent dehors soufflait plus fort, comme un avertissement du temps qui leur était compté. Ils ne pouvaient plus ignorer le danger. Leur monde tel qu’ils le connaissaient était sur le point de s’effondrer.

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