Chapitre 33

5 minutes de lecture

Date : 23 février 2027

Heure : 07h00

Le matin était là, mais la lumière du jour semblait ne jamais réussir à pénétrer pleinement la maison de Mariana et Arnold. Les nuages lourds et menaçants s’amassaient au-dessus de la vallée, comme si quelque chose d'invisible planait au-dessus de leur foyer, une force intangible qui oppressait l’air. Le feu dans la cheminée crépitait doucement, mais même sa lueur chaude semblait faiblir face à l'atmosphère glaciale.

Mariana se réveilla avec une sensation de lourdeur dans la poitrine, comme si un souffle étranger se mêlait à sa propre respiration. Les mots de Violette résonnaient encore dans son esprit :

« Parce qu’elle m’attend là-bas. » C’était une phrase simple, mais qui avait laissé une empreinte indélébile dans ses pensées. Elle s’était levée plusieurs fois dans la nuit pour observer sa fille, guettant le moindre signe anormal, mais Violette dormait toujours paisiblement, indifférente à l’angoisse de sa mère.

Pourtant, Mariana savait que Violette n’était plus simplement une enfant. Quelque chose s’était installé en elle, une présence, ou peut-être un savoir ancien. C’était comme si Violette était reliée à quelque chose de bien plus grand, un lien invisible qui la tirait doucement hors de la réalité.

La maison elle-même semblait différente. Le calme était devenu oppressant, comme si l’air se chargeait de l’attente d’un événement imminent. Arnold, debout près de la fenêtre, fixait le ciel couvert de nuages lourds, ses bras croisés, ses pensées semblant aussi lourdes que l’atmosphère. Matheo, assis en silence près de la cheminée, jouait avec des blocs de bois, son visage concentré, mais son silence traduisait une distance nouvelle, presque effrayante.

« Tu as bien dormi ? » murmura Arnold, brisant enfin le silence de la pièce, sa voix calme mais empreinte d’une inquiétude qu’il ne parvenait plus à masquer.

Mariana hocha la tête sans répondre vraiment, son regard se portant immédiatement vers Violette. La petite fille, assise sur le tapis, semblait perdue dans un jeu étrange. Ses doigts faisaient glisser doucement une peluche sur le sol, ses lèvres bougeant dans un murmure à peine audible, comme si elle conversait avec quelqu’un qui n’était pas là.

Le contraste entre l’innocence apparente de Violette et le poids des événements rendait l’atmosphère encore plus oppressante. Mariana ne pouvait détacher ses yeux de sa fille. Il y avait quelque chose chez elle, quelque chose d’invisible mais indéniablement présent, qui rendait chaque seconde passée en sa présence plus lourde, plus menaçante.

Arnold, voyant l’inquiétude de sa femme, s’approcha et posa une main réconfortante sur son épaule.

« On ne peut pas rester comme ça, Mariana, » murmura-t-il doucement. « Cette… Céleste, ses paroles. Ça devient de plus en plus étrange. »

Mariana ferma les yeux un instant, cherchant à calmer le tremblement de ses mains.

« Je sais, Arnold. Mais je ne sais pas quoi faire. C’est comme si Violette était liée à quelque chose qui la dépasse… qui nous dépasse. »

Arnold la regarda longuement, ses mâchoires se contractant sous l’effet de la frustration.

« On doit trouver quelqu’un qui en sait plus. Peut-être que Maël ou Richard peuvent nous aider. Ils connaissent les vieilles légendes. »

Mariana fronça les sourcils, incertaine. Maël, le sage du village, avait montré des signes de méfiance envers leur famille depuis que les rumeurs sur Violette avaient commencé à circuler. Quant à Richard, il avait disparu depuis plusieurs jours, laissant un vide inquiétant derrière lui.

« Maël pourrait voir Violette comme une menace, » murmura-t-elle, la voix basse.

Arnold hocha la tête.

« Peut-être. Mais on ne peut pas rester dans l’ignorance. Si on ne fait rien, cette chose—Céleste—pourrait finir par prendre Violette pour elle. »

Heure : 10h00

Déterminée à en savoir plus, Mariana avait passé la matinée à fouiller les vieux livres poussiéreux qui s’étaient accumulés dans leur maison au fil des ans. Assise à la grande table de la cuisine, elle feuilletait des pages jaunies, les mots anciens dansant devant ses yeux fatigués. Chaque ligne qu’elle lisait semblait plus mystérieuse que la précédente, mais aucun indice ne la menait à une réponse claire.

Violette, de son côté, semblait parfaitement à l’aise, assise près de la cheminée. La petite fille murmurait à ses jouets, ses yeux brillant d’une lumière étrange, comme si elle savait quelque chose que les autres ignoraient. Elle souriait doucement, parlant dans une langue que Mariana ne pouvait pas comprendre, comme si elle s’adressait à une présence invisible.

Le silence de la maison fut soudain brisé lorsque Mariana tomba sur un passage qui glaça son sang. Il était question de Céleste, mais pas comme une simple entité bienveillante. Céleste était liée aux éléments eux-mêmes—du ciel, de la terre, de l’eau et du feu. Elle n’était ni bonne ni mauvaise, mais elle était l’âme de la nature elle-même, une force intemporelle.

Elle faisait partie de la légende de la jeune fille Lavande, une sorte de mère d’apprentissage pour celle qui portait la marque de Lavande. Mais selon les récits, Céleste pouvait devenir possessive, surtout envers les enfants comme Violette. Elle les attirait dans son monde, les isolait du reste de l’humanité, les coupant peu à peu des vivants.

Mariana sentit une boule se former dans sa gorge. Était-ce ce qui se passait avec Violette ? Était-elle en train de perdre sa fille au profit de cette entité ? Elle se leva brusquement, fermant le livre d’un coup sec, le cœur battant.

Heure : 13h30

La neige tombait à nouveau, effaçant le paysage à l’extérieur. Mariana, les mains encore tremblantes, retrouva **Arnold** à l’extérieur, devant la maison. Il était là, immobile, observant la forêt enneigée avec une intensité qui déstabilisait Mariana.

« Arnold, » l’appela-t-elle d’une voix faible, mais il tourna la tête aussitôt, remarquant l’expression troublée sur le visage de sa femme.

« Qu’est-ce que tu as trouvé ? » demanda-t-il.

Mariana hésita, ses mots se heurtant à la réalité inquiétante qu’elle venait de découvrir.

« Céleste… elle n’est pas simplement une guide. Elle est… une âme floue, hors du temps. Elle est liée aux éléments. Elle fait partie de la légende de Lavande, comme une mère, mais pas comme nous l’entendons. Elle peut devenir… possessive. »

Arnold fronça les sourcils.

« Tu veux dire qu’elle essaie de prendre Violette ? »

Mariana hocha la tête, les larmes menaçant de couler. « Je pense qu’elle essaie de l’isoler… de nous, du monde. Si on ne fait rien, elle pourrait la perdre complètement. »

Heure : 16h00

Alors qu’ils discutaient de ce qu’ils pouvaient faire, un mouvement à travers la neige attira l’attention de Mariana. Un homme en manteau noir s’approchait lentement de la maison, sa silhouette floue à travers le voile blanc qui recouvrait la vallée. Il avançait d’un pas mesuré, chaque pas semblant lourd de signification, comme s’il prenait tout son temps pour arriver à sa destination.

« Qui est-ce ? » murmura Arnold, son regard durci en voyant la silhouette approcher.

Mariana se figea, reconnaissant l’homme que Richard avait mentionné il y a quelques jours. Cet homme mystérieux, vêtu de noir, était lié à la Confrérie du Silence.

L’homme s’arrêta à quelques mètres de la porte, son visage à peine visible sous le capuchon de son manteau. Sa présence seule semblait figer l’air autour de lui, rendant chaque souffle plus difficile à prendre.

Arnold, incapable de contenir sa colère, ouvrit brusquement la porte et s’avança dans la neige glaciale.

« Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? » demanda-t-il d’une voix forte, mais l’homme ne réagit pas tout de suite.

Ses yeux, sombres et vides, se posèrent enfin sur Arnold, puis sur Mariana, qui se tenait en retrait.

Après un long silence, il répondit, sa voix froide comme le vent qui les entourait :

« La Confrérie sait. Vous ne pouvez plus vous cacher. »

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