Chapitre 34

6 minutes de lecture

Date : 26 février 2027

Heure : 15h30

Le vent soufflait avec une violence croissante, faisant grincer les volets de la maison et secouant les branches nues des arbres à l'extérieur. De lourds flocons de neige venaient frapper les fenêtres, se mêlant à la pluie fine qui rendait l’atmosphère plus sombre encore. Dans la maison, le feu crépitait doucement dans l’âtre, mais même sa lueur réconfortante ne parvenait pas à chasser le froid qui semblait s’installer dans l’air, lourd et oppressant.

Mariana fixait Violette, assise près de la fenêtre du salon. Le ciel, en dehors, était plombé, un rideau épais de nuages gris s’étendant à perte de vue. Violette regardait sans vraiment voir, son regard distant, perdu dans quelque chose que Mariana et Arnold ne pouvaient comprendre. Depuis plusieurs jours, Violette était devenue plus distante, comme si elle n’était plus tout à fait présente. Sa petite main caressait mécaniquement une peluche sans y prêter attention.

« C’est aujourd'hui qu'on doit lui parler, » murmura Arnold, appuyé contre le chambranle de la porte, son visage marqué par l’inquiétude et la fatigue accumulée. Sa voix, grave, résonna à peine dans le salon. « On ne peut plus attendre. »

Mariana hocha la tête, ses mains tremblantes alors qu’elle tenait son châle serré contre elle. Une froideur bien plus insidieuse que celle de l’hiver s’était infiltrée dans son cœur. Elle savait que l’heure était venue d’affronter la réalité qu’ils redoutaient tous deux : Céleste.

Elle s’avança lentement vers Violette, chaque pas sur le vieux parquet faisant grincer les planches, comme si la maison elle-même rechignait à ce moment. La pièce semblait se resserrer autour d’eux, les murs de pierre plus imposants, presque étouffants. Mariana s’agenouilla devant sa fille, cherchant son regard.

« Violette, ma chérie, » murmura-t-elle doucement, sa voix brisée par l’émotion. « Tu sais, Céleste… elle n’est pas réelle. »

Les mots résonnèrent un instant, comme un coup porté dans l’air, mais l'effet fut instantané. Violette, jusqu’alors si calme, sembla se raidir tout entière. Ses petits yeux, habituellement rêveurs, s’écarquillèrent d’effroi, et elle porta brusquement une main à sa bouche, comme si elle tentait d’empêcher quelque chose d’en sortir. Sa respiration s’accéléra, sifflante, et ses petites mains se crispèrent sur ses genoux, ses jointures blanchissant sous la pression.

« Non ! Céleste est là… elle est avec moi ! » hurla soudain Violette, sa voix montant en flèche, perçant le calme de la maison. Son cri résonna contre les murs, faisant trembler l’atmosphère déjà tendue.

Mariana tendit la main pour attraper celle de sa fille, mais Violette se dégagea brusquement, envoyant valser la peluche sur le sol avec rage. Sa respiration s'accéléra encore plus, son visage rouge de colère et de panique. Ses hurlements devinrent de plus en plus intenses, presque inhumains, résonnant dans toute la maison, se heurtant aux fenêtres et aux murs comme un écho infini.

Arnold, qui avait observé la scène avec inquiétude depuis l’embrasure de la porte, se précipita pour rejoindre Mariana.

« Violette, calme-toi ! » cria-t-il, mais sa voix se perdit dans le flot de cris déchirants de leur fille. Elle se tenait là, secouant la tête frénétiquement, ses poings serrés et ses jambes tendues, comme si tout son corps luttait contre quelque chose d’invisible. L'air lui-même semblait vibrer autour d'elle, devenu électrique sous la puissance de ses cris.

Mariana, les larmes aux yeux, tendit une main tremblante vers sa fille. Son cœur se serrait à l’idée de la voir dans cet état, comme si elle était perdue entre deux mondes. Elle murmura enfin, d'une voix douce mais ferme, presque suppliante :

« D'accord... Céleste existe, ma chérie. Calme-toi, tout va bien… Céleste est là. »

Le cri s’arrêta net. Violette se figea, comme si le courant électrique qui l’animait venait d’être coupé. Ses petits poings retombèrent mollement sur ses genoux, et ses épaules se détendirent. Un silence lourd s’abattit sur la maison, plus oppressant encore que le bruit des hurlements.

Mariana, le souffle court, se pencha doucement vers Violette et la prit dans ses bras. Le corps de sa fille était chaud, tremblant, mais apaisé. Elle ferma les yeux un instant, profitant de ce calme précaire.

Mais lorsqu’elle releva la tête, son regard fut attiré par la fenêtre. Ses yeux se plissèrent pour percer la tempête de neige qui se déchaînait dehors. Et là, au loin, à la lisière de la forêt enneigée, elle vit quelque chose. Une ombre floue, indistincte, flottant au-dessus de la neige, immobile, presque invisible à travers le rideau de flocons tourbillonnants. Son souffle se coupa, glacé par la vision.

Heure : 17h00

Le calme apparent qui avait suivi les cris de Violette ne suffisait pas à apaiser l'atmosphère de la maison. Chaque recoin de la pièce semblait imprégné d'une tension sourde. Arnold, visiblement encore agité, ouvrit la fenêtre pour faire entrer l’air frais de l’extérieur, mais il se figea aussitôt. Sa main restait suspendue sur la poignée, ses yeux fixés sur quelque chose à l’extérieur. « Mariana… viens voir ça. »

Mariana, encore sous le choc de ce qu’elle avait vu un peu plus tôt, s’approcha de la fenêtre avec prudence, son cœur battant plus fort à chaque pas. Elle s’attendait à revoir l’ombre qu’elle avait aperçue, mais ce qu’elle vit fit monter une autre forme de terreur en elle.

Au loin, juste à l’orée de la forêt, un camion noir était garé, immobile. Ses vitres étaient teintées, insondables, reflétant seulement la neige qui tombait autour de lui. Son apparence seule était sinistre, comme un prédateur tapi dans l'ombre. Mais ce qui glaça Mariana jusqu’à l’os, c’était le sentiment d’être observée, d’être sous surveillance. Un silence pesant émanait du véhicule, comme si le monde autour de lui avait cessé de bouger.

Le vent soufflait fort à travers les branches des arbres, créant une mélodie sinistre, mais rien ne bougeait autour du camion. Mariana sentit son estomac se nouer.

« Ils savent déjà, Arnold, » murmura-t-elle, les mots lourds de sous-entendus. « Ils nous surveillent. »

Arnold serra les poings, son visage crispé.

« Oui. Et ils ne vont pas partir. »

Heure : 17h30

L’obscurité tombait rapidement sur la maison. Le vent continuait de hurler, mais c'était l'immobilité oppressante du camion noir, à l'orée de la forêt, qui glaçait l'air autour de Mariana. Elle n’arrivait pas à détacher son regard de ce véhicule, sentant que chaque seconde qui passait le rendait plus menaçant.

Un bruit sourd à la porte d'entrée brisa soudain ce moment de paralysie. Mariana sursauta, se tournant vers Arnold, qui était tout aussi tendu. Il s’approcha prudemment de la porte, ses pas résonnant dans le silence lourd de la maison. Mariana resta figée derrière lui, son cœur battant à tout rompre.

Arnold ouvrit lentement la porte, et à travers la tempête de neige, une silhouette humaine s’éloignait déjà dans la pénombre. Mais ce n’était pas ce départ précipité qui attira son attention. Ce qu’il remarqua tout de suite, c’était l’avant-bras de l’individu. Sous le manteau lourd et sombre, un poignet était exposé, et gravé sur la peau, un tatouage en forme de traits et de points. Du code morse.

Arnold resta figé un instant, puis referma brusquement la porte avant de ramasser l’enveloppe qui était déposée sur le seuil.

« Qu'est-ce que c'était ? » demanda Mariana, la voix tremblante.

Arnold fronça les sourcils.

« Le tatouage... C’était du code morse. Comme sur les lettres. »

Mariana sentit une vague de froid l’envahir, différente de celle du vent glacial à l’extérieur. Elle prit l’enveloppe des mains d’Arnold, hésitant un moment avant de l’ouvrir. Le papier à l'intérieur était fin, presque translucide. Les mots

qui y étaient inscrits n’étaient ni menaçants, ni rassurants. Ils étaient simplement glaçants dans leur simplicité.

« Vous n'êtes pas seuls. Nous veillons. Vous servirez la Confrérie jusqu'à votre dernier souffle. »

Mariana sentit ses mains trembler légèrement en lisant les mots. Arnold, debout à ses côtés, posa une main sur son épaule, mais lui aussi semblait secoué par la froide vérité qui émanait de ce message. Il n'y avait aucune menace directe, aucune demande. Seulement une vérité implacable : ils étaient surveillés, et la Confrérie ne les lâcherait pas.

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