Chapitre 35

6 minutes de lecture

Date : 28 février 2027

Heure : 09h00

La neige recouvrait le village d’un épais manteau blanc, mais malgré cette apparente sérénité, une tension palpable flottait dans l'air. La maison de Mariana et Arnold, habituellement un havre de paix, semblait désormais être une prison invisible, assiégée par une menace silencieuse. Depuis que les camions noirs s’étaient installés à l’orée des bois, une angoisse croissante pesait sur eux, chaque jour un peu plus insupportable. À l’intérieur, même la chaleur du feu ne parvenait plus à chasser le froid qui semblait s’infiltrer jusque dans leurs os.

Mariana se tenait près de la fenêtre du salon, son regard fixé sur le paysage immobile. Les flocons de neige tombaient lentement, recouvrant la terre d’une couche épaisse et immaculée. Pourtant, ce calme apparent ne parvenait pas à la rassurer. Son cœur battait toujours à toute vitesse, en proie à une peur constante, celle de l’inconnu, de l’attente. Depuis plusieurs jours, les camions noirs s’étaient postés non loin de chez eux, leurs vitres teintées dégageant une aura de menace silencieuse. Chaque mouvement à l'extérieur, même un simple bruissement de branches, la rendait nerveuse.

Arnold, assis à la table de la cuisine, tenait une tasse de café entre ses mains, ses doigts crispés sur la porcelaine. Le regard vide, il semblait ailleurs, ses pensées tourmentées par l’idée qu’ils ne pouvaient rien faire pour changer la situation. Ses yeux étaient fatigués, marqués par des nuits d’insomnie. Le silence entre eux était devenu pesant, lourd de non-dits et d’inquiétudes partagées.

« On ne peut pas continuer comme ça, » murmura-t-il finalement, brisant la tension palpable. Sa voix était faible, mais emplie d’une frustration contenue.

Mariana, le dos encore tourné vers lui, hocha légèrement la tête, ses mains pressant le rebord de la fenêtre.

« Je sais… » répondit-elle d’une voix basse, presque inaudible. Elle déglutit difficilement, cherchant ses mots. « Mais que veux-tu qu’on fasse, Arnold ? Partir ? Et aller où ? Ils nous trouveront, quoi qu’il arrive. »

Elle se retourna pour lui faire face, ses yeux trahissant l’épuisement et la peur qu’elle tentait de contenir depuis des semaines. Elle se sentait piégée, comme si chaque jour qui passait les rapprochait inévitablement d’une issue qu’ils ne maîtrisaient pas.

Arnold posa la tasse sur la table dans un geste brusque, le bruit de la porcelaine résonnant dans la pièce.

« Je ne peux plus supporter ça, » grogna-t-il. « Ces camions, ces lettres, ce silence… Ils nous observent comme des proies et on reste là, à attendre qu’ils fassent un faux pas. On doit faire quelque chose ! »

Mariana serra les bras autour de son corps, comme pour se protéger de la froideur de la situation. Elle le savait, il avait raison. Cette attente, cette surveillance constante, les détruisait à petit feu. Mais que pouvaient-ils vraiment faire contre cette force invisible qui semblait les entourer, à la fois proche et insaisissable ?

« Et Violette, » murmura-t-elle après un long silence, son regard se tournant vers la chambre de leur fille. « Que deviendra-t-elle ? Céleste la possède déjà, Arnold… Elle s’éloigne chaque jour un peu plus. »

Arnold ferma les yeux, sa mâchoire se crispant sous l’effet de l’impuissance.

« Je ne veux pas la perdre, » murmura-t-il, à peine audible. « Mais si on reste ici, elle nous perdra tous. »

Soudain, un bruit sec résonna à l'extérieur. Mariana et Arnold échangèrent un regard inquiet, leurs corps se tendant sous la surprise. Mariana, le cœur battant, se dirigea lentement vers la porte d’entrée, suivie de près par Arnold. En ouvrant la porte, ils découvrirent une enveloppe noire, posée sur le seuil, balayée par les flocons de neige.

Arnold la ramassa rapidement et referma la porte d’un coup sec.

« Encore une de leurs lettres… » murmura-t-il, les yeux rivés sur l’enveloppe qu'il retournait entre ses mains. « Ils ne nous laissent aucun répit. »

Mariana restait figée, observant la scène avec appréhension.

« Qu’est-ce qu’elle dit ? » demanda-t-elle, sa voix à peine audible.

Arnold déchira le bord de l’enveloppe et en sortit un papier noirci par des lettres blanches gravées. Pas de menace explicite, ni d’insulte. Mais ce qu'il lut fit naître un frisson glacé le long de sa colonne vertébrale.

« Vous êtes proches de la vérité. Nous vous attendons. »

Arnold posa la lettre sur la table, son visage durci par la tension.

« Ils ne veulent pas nous faire du mal. Pas encore. Ils veulent que nous cédions. Que nous les servions. »

Mariana détourna le regard, secouée par le message glaçant. « Ils nous surveillent. Et ils ne partiront pas tant qu’ils n’auront pas obtenu ce qu’ils veulent. » Sa voix se brisa, un sanglot à peine retenu.

Heure : 12h00

La journée s’était déroulée dans un silence oppressant. La neige continuait de tomber, effaçant peu à peu le chemin tracé jusqu'à leur maison. Les arbres, chargés de leur fardeau hivernal, semblaient plier sous la pression, tout comme les membres de la famille, isolés dans leur propre peur.

Alors qu’ils se demandaient encore comment réagir face à la Confrérie, un coup retentit à la porte, aussi soudain qu’inattendu. Mariana sursauta, son cœur battant à toute allure. Lorsqu’elle ouvrit, elle découvrit Sélène, une voisine qui vivait non loin de là, son visage pâle et crispé par l’inquiétude.

« Mariana, je dois te parler, » dit-elle en entrant précipitamment dans la maison. Elle jeta un regard nerveux derrière elle avant de fermer la porte. « Il se passe quelque chose au village. Les gens… ils sont terrifiés. Il y a des rumeurs qui courent à propos de votre famille. Les camions noirs, la Confrérie… Les gens pensent que c’est à cause de vous. »

Mariana fronça les sourcils, se sentant soudain trahie par son propre village.

« Comment ça, à cause de nous ? Qu'est-ce qu'ils disent exactement ? »

Sélène baissa les yeux, visiblement gênée.

« Ils parlent de vous expulser du village. Un vote est en cours. Certains pensent que si vous partez, la Confrérie vous suivra et que tout redeviendra normal. »

Mariana sentit son cœur se serrer. La colère et la peur se mêlaient dans sa poitrine.

« Ils ne peuvent pas faire ça ! Ils nous condamnent. »

Arnold, qui s’était approché en silence, ajouta d’une voix grave :

« Et vous, Sélène, qu’en pensez-vous ? »

Sélène hésita un instant, avant de répondre, la voix tremblante.

« Je pense que vous ne devriez pas rester. Ils sont nombreux, et ils sont prêts à tout pour se protéger. Et moi aussi»

Heure : 14h00

Après le départ de Sélène, l’ambiance dans la maison était devenue encore plus oppressante. Arnold, fou de rage, arpentait le salon. « Ce village n’est plus sûr. Ils nous chassent, comme si nous étions responsables de tout ça. »

Mariana, assise près du feu, tentait de contenir ses larmes.

« Où irions-nous ? Où pouvons-nous fuir ? »

Arnold se tourna vers elle, ses yeux brûlants d’inquiétude.

« Il ne nous reste qu’une seule option. Nous devons aller voir Maël. Lui seul sait peut-être ce qu’il faut faire avec Céleste. »

Heure : 17h00

Maël avait enfin accepté de les rencontrer après plusieurs jours de supplications. Le vieil homme les reçut dans sa petite maison au bout du village, un endroit aussi modeste que sombre, où des herbes séchées et des objets antiques tapissaient les murs. Maël, assis près d’un vieux poêle, écouta longuement leur histoire, son visage fermé et impassible.

« Céleste est une entité ancienne, » dit-il finalement d'une voix rauque. « Elle est bien plus qu’une simple guide. Elle est liée aux éléments et aux âmes. Si elle devient possessive de Violette, il n’y a qu’une solution. Vous devrez choisir. La protéger… ou l’éloigner. »

Mariana, bouleversée, lui lança un regard incrédule. « Comment pourrions-nous choisir entre notre fille et la force qui la possède ? »

Heure : 19h00

De retour chez eux, Mariana et Arnold restaient silencieux, submergés par le poids des paroles de Maël. Le feu crépitait doucement dans l’âtre, mais il n’y avait rien de réconfortant dans cette chaleur. Mariana tenait dans ses mains la dernière lettre de la Confrérie, ses doigts tremblant légèrement. Violette dormait dans la pièce voisine, et l’angoisse de devoir prendre une décision bientôt semblait de plus en plus lourde à porter.

« Nous n’avons plus beaucoup de temps, » murmura Mariana en brisant le silence. « Ils savent. Et nous, on doit comprendre. »

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