Chapitre 36

5 minutes de lecture

Date : 1er mars 2027

Heure : 14h30

Le soleil, voilé par un épais tapis de nuages gris, ne parvenait qu’à diffuser une lumière terne et froide à travers les fenêtres de la maison. Les murs semblaient resserrés autour de la famille, leur chaleur remplacée par une sensation d’étouffement. Matheo, assis près de la cheminée, jouait seul. Ses petits doigts s’activaient sur les blocs de bois, construisant une ville imaginaire qu’il explorait du regard, cherchant une distraction dans un univers qu’il était seul à comprendre.

Le craquement du feu et les légers grincements du bois qui chauffait étaient les seuls bruits dans la maison, interrompant à peine le silence lourd qui y régnait. Depuis plusieurs jours, Matheo avait observé ses parents avec attention. Leur attention était ailleurs, absorbée par **Violette**, cette enfant au regard violet si mystérieux, et par la présence invisible de **Céleste**, qui semblait se renforcer à chaque instant. Chaque discussion, chaque murmure échangé entre **Mariana** et Arnold, tournait toujours autour de Violette, laissant Matheo dans l’ombre de cette nouvelle réalité qui l’excluait progressivement.

Ses jouets, autrefois une source de réconfort et d’évasion, lui semblaient soudain bien ternes. Les couleurs vives des blocs de bois semblaient avoir perdu leur éclat. Matheo leva ses yeux marron vers la porte de la cuisine, où il pouvait voir ses parents en train de discuter, leurs visages fermés et marqués par l’inquiétude.

Il se redressa doucement, ses pas silencieux l’amenant jusqu’à l’embrasure de la porte. Il attendit un instant, espérant que ses parents lui accorderaient un regard, un signe de reconnaissance, une attention, même brève. Il ouvrit la bouche, sa petite voix hésitante.

« Papa ? Maman ? »

Le murmure de Matheo s’évanouit dans l’air, sans réponse. Ils étaient trop absorbés par leurs propres préoccupations, échangeant des mots à voix basse, leurs visages tournés l’un vers l’autre sans un regard pour leur fils. Matheo sentit un nœud se former dans son ventre, une vague de tristesse mêlée de frustration s’emparer de lui. Il resta là quelques secondes de plus, attendant un miracle, un regard… Mais rien.

Déçu et invisible à leurs yeux, il se détourna, marchant lentement vers la porte d’entrée. Ses petites mains se posèrent sur la poignée, hésitantes. Il jeta un dernier coup d'œil à ses parents, espérant encore qu’ils le rattraperaient au dernier moment. Mais ils restaient absorbés, captifs de leur monde. Matheo poussa doucement la porte, laissant l’air froid s’engouffrer dans la maison, et sortit sans bruit.

Heure : 18h00

La journée avançait, et la lumière du jour s’était lentement dissipée, laissant place à une pénombre naissante. Le calme dans la maison n’avait pas changé, mais un vide s’était installé. **Mariana**, en ramassant quelques affaires dans le salon, réalisa soudainement qu’elle n’entendait plus le bruit habituel des jouets de Matheo. Un frisson d’inquiétude lui traversa l’échine, comme si un mauvais pressentiment venait de s’emparer d’elle.

« Matheo ? » appela-t-elle d’une voix légèrement tremblante, son regard se posant sur le désordre laissé par les jouets de son fils, mais aucune trace de lui.

Elle parcourut le salon, cherchant du regard le petit garçon. Son cœur battait plus fort, une vague de panique commençant à monter en elle. Les heures avaient passé, et elle ne s'était même pas rendu compte de son absence. Ses appels devinrent plus pressants.

« Matheo ! » cria-t-elle cette fois, d'une voix plus forte, traversant la maison à grandes enjambées. Son souffle s'accélérait à mesure que son esprit cherchait des explications. Arnold surgit de la chambre de Violette, le visage blême, se rendant compte du désordre.

« Qu’est-ce qui se passe ? » demanda-t-il, la voix encore calme, mais teintée de confusion.

« Il n’est pas là ! Matheo a disparu, Arnold ! »

Un frisson de terreur traversa Arnold. Ils fouillèrent frénétiquement la maison, criant son nom à plusieurs reprises, ouvrant chaque porte, chaque placard, comme s’ils espéraient qu’il se cachait simplement, jouant un jeu. Mais le silence de la maison, oppressant et vide, ne faisait qu’amplifier l’absence du garçon.

Leur angoisse monta d’un cran lorsqu’ils se rendirent compte qu’il n'était pas à l'intérieur. Mariana se précipita vers la porte d’entrée, l’ouvrant en grand, son regard scrutant désespérément le paysage enneigé. Le froid mordant la frappa, mais elle n’y prêta pas attention. Tout ce qu’elle voyait, c’était la blancheur immaculée du dehors, vierge de toute trace.

« Arnold, il est dehors ! On doit le retrouver ! »

Mais l’idée de chercher dans la nuit tombante, dans ces bois vastes et glacés, leur paraissait une tâche presque impossible. Mariana, tremblante, sentit une pensée foudroyante la traverser. Violette.

Heure : 18h15

Elle se précipita dans la chambre de Violette, le cœur battant à tout rompre. Violette, assise sagement sur son petit lit, jouait tranquillement avec ses peluches. La lumière douce de la pièce contrastait avec l’urgence et l’angoisse de Mariana. Sa fille, si sereine, semblait détachée du chaos qui régnait dans la maison.

Mariana s’agenouilla brusquement devant elle, son souffle rapide. « Violette… ma chérie, » dit-elle, sa voix chargée de supplication, « peux-tu… peux-tu regarder dans l’avenir ? Où est ton frère ? »

Violette releva doucement la tête, ses yeux violets – aussi profonds que le crépuscule – rencontrant ceux de sa mère. Un silence glacial s’installa entre elles. Violette ne dit rien pendant un moment, se contentant de fixer sa mère d’un regard impassible, comme si la question ne la concernait pas.

Finalement, elle brisa le silence d’une voix calme et presque détachée. « Je n’ai pas de frère. »

Le cœur de Mariana sembla se briser en mille morceaux.

« Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ? Matheo… ton frère, Violette ! Où est Matheo ? »

Violette détourna les yeux, regardant par la fenêtre avec indifférence.

« Il n’est pas mon frère. »

Ces mots résonnèrent comme un coup de tonnerre dans l’esprit de Mariana. Comment pouvait-elle dire cela ? Comment pouvait-elle renier Matheo ? Mais au fond d’elle-même, une petite voix lui rappelait que Violette n’était plus tout à fait une enfant comme les autres. Pas depuis que Céleste était entrée dans sa vie. Pas depuis que ce lien étrange s’était créé.

Tremblante, Mariana se força à rester calme. Elle s’agenouilla devant sa fille, prenant ses petites mains dans les siennes.

« Violette… écoute-moi bien. Matheo est mon fils. Il est ton frère. Peux-tu, s’il te plaît, chercher juste Matheo ? Seulement lui. Mon fils. »

Un silence lourd s'installa dans la pièce, comme si le temps s'était figé. Violette ferma lentement les yeux, sa respiration devenant régulière, presque hypnotique. Le silence se prolongea, une éternité pour Mariana, qui sentait son cœur battre plus fort à chaque seconde.

Après ce qui sembla être des heures, Violette ouvrit doucement les yeux et murmura d'une voix douce, mais lointaine :

« Entre les bois de Gradendo et la rizière de Clanqueya… dans la cabane des martins. Ils s’occupent bien de lui. »

Les mots, précis et glacials, tombèrent comme un verdict. Mariana resta un moment pétrifiée par la clarté de la réponse, incapable de savoir si elle devait se sentir soulagée ou terrifiée. Elle serra légèrement la main de Violette, sa gorge se serrant.

Elle se tourna vers Arnold, qui était resté immobile dans l’encadrement de la porte, le visage blême et figé.

« Arnold… il faut qu’on aille le chercher. Maintenant. »

Arnold hocha la tête, encore sous le choc de ce qu’il venait d’entendre, mais la gravité de la situation les poussa à l’action. Il n’y avait pas de temps à perdre.

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