Chapitre 38

6 minutes de lecture

Date : 2 mars 2027

Heure : 08h00

Le matin était froid, et l’air glacial s’infiltrait à travers les volets mal fermés de la maison. La lumière du jour, terne et morose, peinait à percer la couverture de nuages qui enveloppait le ciel. Mariana se tenait dans la cuisine, les mains crispées autour de sa tasse de thé. Le liquide brûlant dans ses mains ne parvenait pas à réchauffer son esprit engourdi par la peur. Elle essayait de reprendre contenance, de calmer le tumulte qui régnait en elle depuis la veille.

Les mots de Violette résonnaient encore dans sa tête, comme une cloche lointaine mais implacable : « Céleste m’a dit qu’il est à nous maintenant. » Ces quelques mots avaient suffi pour faire s’effondrer toutes les certitudes de Mariana. À nous. Ce « nous » étrange et inconnu ne cessait de la hanter.

Mariana ferma les yeux, prenant une profonde inspiration pour chasser le frisson qui parcourait son corps. Elle devait rester calme, surtout devant les enfants. Matheo et Violette étaient encore là, quelque part dans cette maison, même si elle sentait que quelque chose avait changé en eux, comme une ombre qui les avait envahis. Arnold, lui, était déjà parti travailler, le visage fatigué et le corps tendu par des nuits d’insomnie.

Elle savait qu’elle devait comprendre. Violette savait quelque chose. Il était temps de lui parler.

Heure : 08h30

Violette était assise dans le salon, entourée de ses jouets. Les peluches étaient alignées soigneusement autour d'elle, leurs yeux en plastique reflétant la lumière froide qui entrait par la fenêtre. Mais quelque chose dans cette scène semblait profondément dérangeant à Mariana. Il y avait une rigidité dans les mouvements de Violette, une absence d'innocence enfantine qui la mettait mal à l'aise. Ses yeux, d’un violet profond, étaient fixés sur la cheminée, mais elle ne jouait pas vraiment. Elle semblait… attendre.

Mariana prit une grande inspiration, sentant son cœur battre de plus en plus fort à l’approche de ce qu’elle devait demander. Elle s’avança lentement vers Violette, s’asseyant sur le tapis près d’elle.

« Violette, ma chérie, » commença-t-elle doucement, choisissant ses mots avec soin. « Hier, tu m’as dit quelque chose à propos de Matheo… tu as dit qu’il était à nous. » Elle marqua une pause, espérant capter l’attention de sa fille. « Qui est ce nous ? »

Violette tourna lentement la tête vers sa mère, ses lèvres s'étirant dans un sourire énigmatique. Ses grands yeux violets brillaient d’une lueur troublante.

« Nous sommes ceux qui veillons sur lui, maman, » dit-elle d’une voix douce, presque chantante.

Mariana sentit un frisson glacé parcourir son dos. La réponse de sa fille ne la rassurait pas, bien au contraire.

« Veiller sur lui ? » murmura-t-elle, essayant de maintenir un ton calme. « Qui sont ces nous, Violette ? »

Violette resta silencieuse un instant, ses yeux fixés sur ceux de sa mère, comme si elle pesait chaque mot. Puis, avec une sérénité glaçante, elle répondit :

« Nous, c’est moi… et Céleste. Elle est toujours là. Elle m’aide. Elle aide aussi Matheo maintenant. Il fait partie de nous. »

Le cœur de Mariana se serra douloureusement dans sa poitrine. Ses mains tremblaient légèrement alors qu’elle tentait de comprendre ce que sa fille lui disait. Céleste. Ce nom, ce spectre omniprésent, revenait encore, toujours plus fort, toujours plus menaçant.

« Mais… » Mariana déglutit difficilement. « Que veut Céleste, Violette ? Que te dit-elle ? »

Le sourire de Violette s’élargit, ses yeux pétillants d'une lueur qui faisait froid dans le dos.

« Céleste veut nous protéger, maman. Elle dit que tu n'as pas à t'inquiéter. Elle dit que Matheo est avec nous, et qu'il sera toujours en sécurité. Comme moi. Comme nous tous. »

Les paroles de sa fille, bien qu’énoncées avec une douceur presque innocente, firent naître en Mariana une vague de panique grandissante. Elle essaya de garder son calme, mais le sentiment qu’une force plus puissante et incompréhensible s’immisçait dans la vie de ses enfants l’angoissait au plus haut point.

Mariana tenta de sourire faiblement, mais son visage trahissait son malaise. « Et… Matheo, il sait ce que c’est "nous" ? »

Violette hocha lentement la tête.

« Oui. Il a rencontré Céleste aussi. Elle l’aime bien. Elle a dit qu’il est comme moi, maintenant. »

Les mots de Violette lui glaçaient le sang. Elle ne reconnaissait plus cette petite fille qui se tenait devant elle, cette enfant qu’elle avait portée et aimée. Le visage de Violette semblait avoir pris des traits plus adultes, plus conscients, comme si elle portait le poids d’un savoir qu’elle ne devrait pas avoir à cet âge.

Heure : 10h00

Mariana se leva, incapable de rester assise plus longtemps face à sa fille. Elle s’éloigna lentement, ses pensées tourbillonnant dans sa tête. **Matheo**. Il était clair que quelque chose avait changé en lui depuis la veille. Il semblait distant, absent, comme s’il n'était plus vraiment là. Cette dame en blanc, ce qu'il avait dit... Céleste l'avait-elle déjà pris, comme elle avait pris Violette ?

Elle se dirigea vers la chambre de Matheo, espérant trouver un réconfort dans sa présence. Elle ouvrit doucement la porte, s’attendant à voir son fils endormi ou en train de jouer, mais ce qu’elle trouva la laissa sans voix. Matheo était assis sur son lit, ses jambes repliées contre lui, fixant le mur devant lui, le regard vide.

« Matheo ? » murmura-t-elle en entrant dans la pièce. Sa voix était tremblante, incertaine. Elle s'approcha lentement de lui, s'asseyant à ses côtés. « Mon chéri, ça va ? »

Matheo tourna lentement la tête vers elle, ses yeux semblaient sombres, sans vie.

« Céleste m’a dit que tout ira bien, maman, » dit-il d’une voix monotone.

Mariana sentit son cœur se briser un peu plus. Elle posa une main sur sa joue, essayant de capter son attention, mais son fils ne réagissait pas comme avant.

« Matheo, tu sais que je suis là pour toi, n’est-ce pas ? Je m'inquiète pour toi... »

Il hocha la tête, mais son visage resta impassible.

« La dame en blanc me l’a dit aussi. Elle a dit que je suis comme Violette maintenant. »

Ces mots résonnèrent dans l’esprit de Mariana comme une condamnation. « Comme Violette… » répéta-t-elle, presque pour elle-même. Qu’est-ce que cela signifiait ? Était-il déjà trop tard pour Matheo ?

Heure : 11h30

Après avoir quitté la chambre de Matheo, Mariana se réfugia dans la cuisine. Elle sentait le poids des révélations l’écraser. Ses mains tremblaient tandis qu'elle tentait de préparer le déjeuner, mais tout semblait hors de son contrôle. Arnold devait être de retour d’ici quelques heures, et elle ne savait pas comment lui expliquer ce qui se passait.

Les mots de Violette résonnaient toujours en elle. « Céleste nous protège. Elle veille sur nous.

Mais Mariana savait que ce n’était pas une protection. C’était autre chose, quelque chose de bien plus sombre. Cette influence grandissante de Céleste sur ses enfants lui donnait l’impression de les perdre, lentement mais sûrement.

Soudain, elle entendit un bruit derrière elle. En se retournant, elle aperçut Violette, debout dans l’encadrement de la porte, la regardant fixement.

« Maman, Céleste m’a dit que tu devrais arrêter de t'inquiéter, » dit-elle calmement. « Elle ne veut pas te faire de mal. Mais elle veut que tu comprennes. Nous sommes tous ensemble maintenant. C’est mieux comme ça. »

Mariana sentit une boule de terreur se former dans sa gorge. Elle ne pouvait plus ignorer ce qu'il se passait. Céleste n'était plus une simple présence, une entité lointaine. Elle était là, partout, dans les mots de ses enfants, dans leurs gestes, dans leurs pensées. Elle les contrôlait.

Heure : 14h00

Lorsque Arnold rentra à la maison, Mariana était assise dans le salon, le regard perdu dans le vide. Elle savait qu'il était temps de lui parler, de lui expliquer ce qu'elle avait compris, même si elle ne voulait pas admettre la vérité. Céleste n'allait pas partir. Elle n'allait pas relâcher son emprise sur leur famille.

Et maintenant, elle avait aussi Matheo.

Arnold la rejoignit, son visage fatigué par une longue journée. Il se pencha doucement vers elle.

« Qu’est-ce qui se passe ? Tu as l’air... bouleversée. »

Mariana tourna lentement la tête vers lui, ses yeux brillants de peur et de désespoir.

« Arnold… Céleste est en train de nous prendre Matheo, comme elle a pris Violette. Elle les a tous les deux maintenant… et je ne sais pas comment les sauver. »

Un silence lourd s'installa entre eux, aussi glacial que la neige qui continuait de tomber dehors.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Podqueenly ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0