Chapitre 39

5 minutes de lecture

Date : 3 mars 2027

Heure : 15h00

Les jours étaient devenus une longue suite d’épisodes étranges pour Mariana. Depuis la disparition de Matheo, il semblait parfois revenir à lui, comme si une brève lueur de normalité traversait son esprit. Lorsqu’il riait ou parlait normalement, son cœur de mère se remplissait d’espoir, mais ce soulagement était de courte durée. À chaque fois que Violette s’approchait de lui, une transformation se produisait. Matheo redevenait cet être distant, comme une marionnette dont les fils étaient tirés par une main invisible. Son regard devenait vide, ses gestes mécaniques, et il n’exprimait plus aucune émotion.

Cet étrange phénomène rendait la vie à la maison insupportable. Mariana ne savait plus comment réagir face à ses enfants. L’emprise de Céleste se faisait de plus en plus lourde, et malgré toutes ses tentatives pour comprendre, la présence silencieuse mais palpable de cette entité étrangère continuait de dominer leur quotidien.

Arnold, épuisé et perturbé par la situation, passait de moins en moins de temps à la maison, submergé par son travail et ses inquiétudes. Mariana se retrouvait souvent seule à gérer cette réalité déconcertante, à tenter de trouver une solution, une sortie, à ce cauchemar qui semblait sans fin.

Heure : 16h30

Le silence était oppressant dans la maison. Mariana observait Matheo du coin de l'œil, qui semblait absorbé par un puzzle sur la table du salon. Pour l’instant, il avait l’air normal. Presque. Il se concentrait, fronçant les sourcils comme avant, comme le petit garçon qu’elle connaissait si bien. Mais elle savait que cette illusion pouvait se dissiper à tout moment. Violette, elle, jouait tranquillement à quelques mètres de lui. Chaque mouvement qu’elle faisait la mettait sur ses gardes.

Soudain, trois coups secs résonnèrent à la porte d’entrée.

Mariana sursauta, son cœur battant plus vite. Elle n’attendait personne, et une vague d’anxiété s’empara d’elle. Se dirigeant vers la porte, elle jeta un coup d'œil rapide à travers la petite fenêtre latérale. Là, debout dans le froid mordant, se tenait un homme d’une trentaine d’années. Il était grand, avec un manteau sombre et une écharpe enroulée autour du cou. Son visage était calme, mais quelque chose dans son regard suggérait une détermination froide.

Elle hésita une seconde, puis ouvrit la porte.

« Bonjour, » dit l’homme, sa voix basse et posée. « Je m’appelle Lucas. Je viens au nom de la Confrérie. »

Le sang de Mariana se glaça à la mention de ce nom. Depuis des semaines, ils étaient devenus une présence inquiétante dans leur vie. Des lettres, des camions noirs, et maintenant, cet homme devant sa porte. Elle déglutit, serrant la poignée de la porte un peu plus fort. « Que voulez-vous ? »

Lucas esquissa un léger sourire, un sourire qui se voulait rassurant mais qui ne parvenait pas à dissiper la tension.

« Je vous assure que nous ne vous voulons aucun mal. Nous savons que tout cela est déroutant pour vous, mais la Confrérie cherche simplement à comprendre, tout comme vous. Ce que vous vivez avec vos enfants… ce n’est pas quelque chose d’ordinaire. Nous avons des connaissances sur ce qui vous arrive, mais nous avons aussi besoin de comprendre leur situation. »

Mariana fronça les sourcils, se méfiant de chaque mot. « Comprendre quoi ? »

L’homme soupira doucement, comme s’il comprenait son hésitation. « Céleste, » dit-il, prononçant ce nom avec un calme glaçant.

« Nous la connaissons. Nous savons qu’elle est avec eux. Mais nous devons entrer en contact avec Matheo et Violette. Seulement quelques minutes. Je vous promets que nous ne leur ferons aucun mal. »

Mariana serra les dents, son esprit envahi par un tourbillon de pensées. Devait-elle lui faire confiance ? Ce Lucas semblait sincère, mais la Confrérie avait toujours représenté une menace silencieuse. Pourtant, une part d’elle se disait que peut-être, juste peut-être, ils avaient les réponses qu’elle cherchait désespérément.

Elle regarda derrière elle, vers Matheo et Violette. Matheo était toujours absorbé par son puzzle, mais son cœur se serra en pensant à ce qu’il avait traversé. Pouvait-elle risquer de les exposer davantage ?

Après un long moment de silence, elle finit par céder.

« D’accord. Mais seulement cinq minutes. »

Lucas hocha la tête avec gratitude, puis entra dans la maison. L’air froid de l’extérieur s’engouffra un instant, faisant frissonner Mariana. Elle referma la porte et observa Lucas qui s’avançait vers le salon, où Matheo et Violette étaient toujours occupés.

Il s’agenouilla doucement devant Matheo, comme pour ne pas l’effrayer, et lui parla d’une voix calme et posée.

« Matheo, tu me comprends ? »

Matheo leva les yeux vers lui, ses traits neutres.

« Oui. » Sa réponse était simple, mais sa voix manquait de l’intonation naturelle d’un enfant.

Lucas fronça légèrement les sourcils, mais ne se laissa pas perturber.

« Peux-tu me dire ce que tu vois en ce moment ? Qui es-tu, Matheo ? »

Mariana observait la scène de loin, le cœur battant. Elle ne savait pas où Lucas voulait en venir, mais il semblait chercher à entrer dans l’esprit de son fils.

Matheo resta silencieux pendant un instant, ses yeux se détournant légèrement vers Violette. C’est alors que tout changea. Comme une marionnette tirée par ses fils, son visage se figea, ses épaules se raidirent, et son regard devint vide. Exactement ce que Mariana craignait.

Lucas s’en rendit immédiatement compte.

« Non, Matheo, reste avec moi, » dit-il d’une voix plus ferme. « Ne la laisse pas te contrôler. »

Violette s’était arrêtée de jouer et observait la scène avec un sourire à peine perceptible sur les lèvres, comme si elle trouvait tout cela amusant. Ses yeux violets étaient fixés sur Matheo, et l’atmosphère dans la pièce sembla devenir plus lourde, plus oppressante.

« Matheo ? » répéta Lucas, mais son regard se porta sur Violette. Il se releva lentement et s’approcha d’elle, un mélange de curiosité et de prudence dans ses yeux. « Violette… tu sais qui je suis, n’est-ce pas ? »

Violette leva la tête vers lui, ses yeux violets brillant d’une étrange intensité. « Oui, » répondit-elle simplement.

« Et tu sais pourquoi je suis ici, » continua Lucas, un peu plus grave.

Violette hocha la tête lentement.

« Céleste m’a dit que tu viendrais. Mais tu ne peux rien changer. Nous sommes ensemble maintenant. »

Les mots glacèrent le sang de Mariana. Lucas resta silencieux pendant un moment, semblant peser les implications des paroles de Violette. Puis, il se tourna de nouveau vers Mariana, le visage fermé.

« Ils ne sont plus entièrement eux-mêmes, » dit-il doucement. « Céleste est bien plus présente que vous ne le pensez. Et elle les garde sous son emprise. Si nous n’intervenons pas, ils pourraient être perdus pour de bon. »

Mariana sentit une vague de panique la submerger.

« Que voulez-vous dire ? Vous… vous pouvez les sauver ? »

Lucas hocha lentement la tête, mais son regard trahissait une certaine inquiétude.

« Peut-être. Mais cela nécessitera un effort de votre part. Vous devrez choisir… soit vous gardez espoir et nous laissons la situation s’aggraver… soit vous acceptez notre aide, et nous tenterons de les libérer de l’influence de Céleste. »

Un long silence s’installa dans la pièce, uniquement brisé par le léger crépitement du feu dans la cheminée. Mariana regarda ses enfants, ses mains tremblantes. La décision qu’elle devait prendre lui semblait insurmontable.

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