L'inspecteur

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D'abord les bottes d'officier.

De longues bottes noires, bien cirées.

Elles l'agrandissent, elles lui donnent de la prestance et sont le symbole de son autorité.

Frapper le sol, le marteler.

Qui ne connaît pas le bruit de son pas sur les pavés de Paris ?

Ensuite le pantalon et la veste. Bleu nuit, bleu royal.

La veste est fermée par neuf gros boutons dorés frappés de la fleur de lys. Le col porte aussi deux belles broderies de fleur de lys.

La fleur de lys.

Le symbole de sa loyauté.

Les pans de la redingote sont aussi marqués. Mais du blason de Paris.

Le bateau des nautes parisiens.

La police a deux maîtres : le roi et la capitale.

Parfois...il faut faire un choix.

Aujourd'hui...

Aujourd'hui, il le faudra.

L'inspecteur se contemple dans le miroir de sa chambre.

Aujourd'hui, il le fera.

Le pantalon est tenu par un ceinturon sur lequel est passé le fourreau de l'épée d'officier.

Un inspecteur de police est encore si proche des gens d'arme du passé.

L'Ancien Régime a disparu, n'est-ce-pas ?

Et pourtant, la police porte des épées.

Lentement, il termine de se préparer.

Il s'est rasé, coiffé avec soin, ses favoris sont bien entretenus.

Ses yeux clairs brillent de détermination.

Il ferme la boucle de son col de cuir. Ce collier de cuir épais de dix centimètres que les policiers portent autour de leur cou pour se protéger des étranglements et des égorgements.

Propice aujourd'hui, n'est-ce-pas ?

Les policiers portent un collier digne d'un chien.

Ils n'en sont que plus dangereux.

Surtout lui.

Dans la poche de son uniforme, il glisse ses deux pistolets coups de poing.

Deux pistolets à silex, capables de tirer deux balles.

Tuer ou blesser deux fois et sauver sa vie.

Tuer plutôt que blesser !

Surtout aujourd'hui.

Par habitude, il prend aussi ses poucettes et ses cabriolets.

Des fois qu'il arrête un de ces révoltés.

Cela le fait sourire.

Il se voit dans le miroir et se trouve laid.

Le sourire disparait.

La seule chose qu'il abandonne bien en vue.

C'est son sifflet.

A quoi bon appeler des collègues aujourd'hui ?

Tous seront en danger et auront autre chose à faire qu'à venir le sauver.

Aujourd'hui.

Il est solitaire.

Enfin, il prend ses gants et les enfile.

Ses mains sont protégées de gants épais en cuir noir. Il peut frapper avec cela et saisir des cols.

Ce soir, il devra les laver, sans nul doute.

Le chapeau est le dernier accessoire.

Un dernier regard sur son image.

Le bicorne marqué d'une cocarde blanche l'agrandit encore.

Il regarde et se demande s'il se voit pour la dernière fois.

Ne pas penser ainsi !

Il part d'un pas nerveux et quitte son meublé de la rue des Vertus, saisissant sa canne à lourd pommeau plombé et rejoint la rue.

Il y a des cris, il y a des chants.

Il y a des combats.

On se bat devant l'hôtel de ville.

C'est la Révolution !

Juillet 1830.

Peut-être ce si bel uniforme d'inspecteur de police lui vaudra la vie, aujourd'hui...

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