Sauver à tout prix

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« Eléonore, je suis dans la merde. Sauve moi, je me cache dans notre ancien chez nous, en Martinique »

— Fait chier !

— Un problème ma chérie ?

Je lui tend la mot écrit à la hâte sur un bout de carton. Thad est partit à sa majorité pour une année sabbatique, qui dure depuis presque neuf ans. Son tour du monde devait s’achever en Autriche, ces jours-ci avant de prendre l’avion.

— Tu vas partir le sauver ?

— Je reste sa sœur et il va m’entendre ! Et, on a vendu la baraque, comment se fait-il qu’il soit allé là-bas ? Oh non !

— Quoi ? Chérie attend !

Je ne l’écoute pas, concentrée sur l’horrible vision des journaux manquant. Depuis, son départ, je ne suis pas allé à la cave. La malle verte est vide et seul un mot de sa main « K est certes mort, mais ses proches cherchent à éliminer toute trace de nous. Ne cherche pas à savoir comment, je le sais, il me faut reprendre le combat, pour nos parents, pour Quentin, pour notre sang. Je t’aime ma sœur, bisous à ta famille. »

— Il a toujours été réservé ! Il n’est pas armé pour ça ! Si des gens nous ont menacés, ils vont se faire un plaisir d’aller jusqu’au bout !

— La police est la solution ma chérie. Ils vont le tirer de là, si tu commences à vouloir te venger, ça sera un cercle infernal !

— Garde nos enfants, je te dirais quand je rentre. Explique leur dès qu’ils rentrent.

— Leur dire quoi ? Que leur mère va se mettre à tuer pour sauver leur oncle ?! Tu délires là ! Ils ne connaissent même pas toute l’histoire !

— Je m’en excuse ! Comme en plus, ils ne posent aucune question….

— Les secrets rongent les familles, tu le sais bien.

— Hélas oui. Je reviens au plus vite et te donnerais tes nouvelles.

Sans un mot de plus mais en larme, on s’enlace avec vigueur. Préparer ma valise, ne fût pas simple tout comme trouver un vol. Le stress m’envahit, m’imaginant l’état déplorable de mon petit frère.

Mes parents m’en voudront, si j’ai failli à mes devoirs. Il restait introvertie, rêveur chez nous. Parlant juste de ses envies de suivre les traces de Nathan. Jouant avec Mathis et Vanessa…En fait, je me rends compte, que je n’ai jamais demandé, s’il se souvient de ce terrible jour, caché dans sa chambre…

Avec maman, on s’est juré de rien dévoilé et il a grandit sans se poser de questions. Même père, n’était pas évoqué. Il a toujours eu plaisir à admettre devant ses copains à l’école, qu’avoir une maman est aussi bien que deux parents. Et cette histoire de menace ? Aucun signe ne m’est parvenu…K est mort, Quentin aussi. Alors qui peut nous en vouloir ?

J’aurais rapidement la réponse quand mon frère m’accueille en silence, presque froid et méfiant. Il vérifie que les volets soient fermés, avant de m’inviter à m’assoir dans la cuisine. Sur la table, une myriade de documents, éclairés par le plafond.

Sa chemise est froissée, ses cheveux longs bouclés sont sales, ses yeux fatiguées et ses mains tremblent quand il se prépare une cigarette tout en me fixant. Six mois sans nouvelles et il me fait venir ici exprès pour le voir :

— Tu te fiches de moi là non ?!

Il ne bronche et ma colère commence à exploser. Pour la canaliser, je consulte les papiers.

— Tu te sembles ne pas être dans la merde Thad ! Tu as parfaitement connaissance de ton plan ! Je suis partie en vitesse pour te sauver d’un gang et je te retrouve avec les archives de famille à l’autre bout du monde ! Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi hein ?!

— Il fallait que je libère ce mal qui dort en moi, en nous Eléonore. Tout te dire là-bas, ça aurait impossible. Depuis petit, je n’ai rien demandé sur la mort de père et pourtant, je t’ai vu ranger ces archives. Ayant peur de déranger et attendant le bon moment, je me suis donc renseigner sur nos origines. Les secrets nous rongent, me détruit et c’est ici, dans cette maison que j’ai racheté, qu’on va tout mettre à plat.

Je n’arrive pas à le cerner et je retiens mes larmes sentant qu’il n’est pas prêt à les accepter.

— Pardonne moi par avance Thad. Si on t’a caché tout ça, c’est qu’on voulait laissé le passé dernière nous. Sans oublier papa.

Il s’assoit lentement tout en prenant l’un des journaux de père. Ma main sur la sienne permet de dénouer les tensions. Il se retient aussi de pas pleurer.

— Dis-moi… tu penses qu’on peut vraiment échapper à ce qu’on est ?

Ça dépend de ce que tu veux dire.

De nous. De lui. De ce sang qui coule dans nos veines.

On n’est pas notre père, Thad. On est nous.

Une évidence qui ne l’est pas. Il a terminé mort comme une merde alors qu’il en avait terminé avec les démons. Au fond, il a jamais caché son attirance pour le sexe, la mort et maman.

J’ai connu papa plus que toi. Il a toujours lutté contre sa propre nature et pourtant, il était un amour. Il est mort à cause d’une vieille guerre de gang. C’est finit tout ça petit frère. Personne ne nous ne menace, d’accord ?

— La seule menace provient de nous.

— Comment ça de nous ? On a toujours le luxe de choisir sa propre voie !

Et si ce n’était pas un choix ? Si c’était inévitable ? Si, quoi qu’on fasse, on finissait par devenir ce qu’ils étaient ?

Ce que tu fais maintenant, c’est ce que tu cherches à prouver…Il n’y aucune malédiction.

— Voyage au bout de l’Enfer. Tu sais ce que signifie le titre sur le carnet de maman ?

— Bien évidemment ! Ecoute, ils ont connus des traumatismes et pourtant, on en a pas, nous ! Ils nous ont partagés l’amour avant tout, la magie d’une famille unis et…

Tu as peur, Thad. Pas de moi. Pas de notre père. Mais de toi-même. Regarde-moi.

Il sert ma main en retour si fort que je grimace. J’approche ma chaise pour l’enlacer, il accepte un peu avant de me repousser en douceur, reprenant sa cigarette. Mon téléphone vibre, je préfère ne pas en tenir compte.

— Tu as peur de toi ?

— Je n’ai jamais su ma place. Ni qui je suis depuis la mort de maman. Restant une larve accrochée chez sa sœur. Je suis parti prendre l’air, découvrir des horizons pour oublier ce que j’ai lu. Et puis…

— Et puis ?

— Tu choisis bien tes mots. Chaque phrase, chaque réponse… c’est comme si tu marchais sur un fil, Éléonore.

— Je cherche à te cerner Thad. C’est tout. On s’est manqué toi et moi, pourtant j’avais tenté de connaitre tes passions, tes rêves. En vain…

— C’est fascinant, vraiment. Tu veux m’ouvrir les yeux, mais en gardant les tiens fermés sur certaines vérités.

— De quoi tu parles ? Avec tout ça, tu es au courant de tout !

Il y a des vérités qui ne servent qu’à blesser. Ou à protéger ? Tu sais, j’ai passé mon temps à aller partout où ils sont passés, me voyant à leur place, jusqu’ici. Et puis, dans le carnet de maman, ces quelques mots. Tu l’as déjà lu ?

Il me nargues, je suis cerner ! Je recule un peu tandis qu’il cherche la bonne page.

— Eléonore est ma précieuse, ma délivrance, la douceur et l’innocence incarnée. Seulement, je l’ai laissé échappée pour se venger de la mort de son père avec Quentin. Elle revenue brisée, lui en prison. J’étais si naïve de le croire lui. Au fond, même s’il avait pris la place de ma princesse, il était resté un déséquilibré, un prédateur, jouant avec nos cœurs. Elle a été violé par ma faute, j’ai joué avec son corps et j’avais mourir par remord. Elle m’a pourtant pardonnée, elle aurait dû me laisser crever. J’ai laissé une chance à son père, je l’ai pervertie à nouveau simplement par envie de goûter les mêmes sensations de sang et de froideur. J’ai ruiné ma famille, menti. Voyage au bout de l’Enfer résume tout. Chaque mâle est finit un jour ou l’autre, chaque femme est réduite en objet, de la même manière. Sauf, si, ce que j’ai pu enfin offrir, loin de tout, arrête enfin l’hémorragie.

Il referme le carnet et je préfère fuir. Mes pas me forcent à prendre l’air sauf qu’il me rattrape en tirant mon bras. Plaquant de sa main la porte et de l’autre, il m’étrangle presque :

— Qu’est-ce que tu me caches d’autres ?! Pourquoi tout ça ?!

— Lâches moi ! Ce n’est plus important ! Et c’est ma vie !

Enfin je respire et ose l’affronter. Sa colère ne descend pas et je revois K voir Quentin.

— Oh, mais ça l’est. Sinon, tu n’aurais pas aussi peur que je le découvre !

Ok! Ok! Tu as connu petit Quentin hors c’est du passé putain ! Il ne faut pas te mettre dans tous ces états !

— Maman était si douce ! J’ai simplement du mal à y croire qu’elle avait pu être malsaine ! Elle aurait jamais dû tomber amoureuse ! Elle aurait encore moins dû vouloir le revoir ! C’est tout ces images d’elle qui se brise dans mon crâne ! Et père ! Père, parlons en tient ! Comment était-il vraiment avec toi ?!

— Calme toi s’il te plait ! Je ne l’ai dis tout à l’heure, il était aimant, un père adorable et c’est moi qui lui ai promis de stopper ses sombres activités ! Même à maman !

— Et toi ? Tout ce que tu as connu, ça te ronge pas ?

Il baisse pas la garde, testant mes limites. Mes yeux se ferment en peu, repassant des souvenirs chez le psy, des nuits courtes et mon autothérapie par la peinture.

— À jamais Thad, à jamais.

Il recule pour me laisser partir. L’air frais me revigore tellement que je m’effondre pour crier un bon coup. Mes poings frappent l’herbe puis mon frère qui tente de me calmer.

— On est pareil toi et moi Eléonore. Désolé d’avoir ravivé les traumatismes, j’ai juste de la peur de perdre pied, de jamais savoir qui-suis. Ma haine, je la voue à moi-même….

— Tu crois que je ne la connais pas ? J’ai passé des années à me demander si le mal était en moi aussi. À guetter le moindre signe, la moindre ombre qui pourrait me trahir.

Et tu l’as vu ?

J’ai appris à le combattre, à la taire.

Et si moi, je n’en étais pas capable ?

— Alors laisse-moi t’aider. Je te lâcherais jamais Thad, jamais. Je sais que tu t’es jamais violent et par pitié, nos parents ont assez souffert, trace ta propre route.

— Je te le promet Elé, je te le promets.

Son baiser sur ma tempe me soulage de ce poids. Puis, il m’aide à me relever pour rentre. Pendant qu’il va nous chercher des bières, je téléphone à Nathan et le rassure lui aussi.

— Merci Thad, au fait, tu as vraiment acheter la maison ?

— Oui.

— Comment tu as su que c’était vraiment celle-là ?

Il fouille dans un autre carnet pour me tendre quelques photos. La nostalgie m’envahit rien qu’en nous voyant tout les quatre, devant. C’était l’été, les roses accueillait les bourdons et Quentin nous avaient arrosés avec le jet d’eau avant de nous prendre, riant. Mon petit frère est dans mes bras, voulant partir et nos parents, eux, sont enlacés tout en faisant des grimacent.

— Maman avait des cicatrices, ça m’a toujours marqué. Surtout son courage de se baigner en acceptant les remarques.

— Thad, ces temps là me manquent. J’aurais aimé que papa soit encore là pour te voir grandir.

Il me masse le dos affectueux et je commence à tout ranger. Ma montre affiche plus de minuit, le sommeil m’appel.

— Je vais me reposer, tu as une chambre de libre ?

— Prend ma place, je n’ai qu’un lit, cette table, cette cuisine et un pauvre canapé.

— Merci Thad.

— Je t’accompagne ?

— Je devrais trouver le chemin. Au fait, tu rentres avec moi au prochain vol ?

— Oui. On en reparle demain, bonne nuit.

— Bonne nuit à toi aussi.

Je lui dépose un doux baiser sur son front tandis qu’il reprend sa cigarette. Avant de prendre ma douche, je visite les pièces, m’imprégnant une dernière fois, des anciennes odeurs, des bruits….

— Je peux dormir avec toi ?

— Bien sûr, vient. J’y n’arrive pas non plus.

Il se colle à moi, en caleçon. Son cœur cherche à se détendre, mes paroles ne l’ont pas convaincu.

— Thad, tu l’as acheté avec quel argent ? Et depuis quand ?

— L’héritage de maman. J’ai négocié assez bas. Enfin, je dirais un mois, c’est dès les premiers jours que j’ai établis mon plan avec cette lettre pourrit. J’espérais bien avant, que tu découvres que j’avais pris les archives…

— C’est du passé, Tchad. Aller, dormons, une nouvelle route nous attend.

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