Chapitre 2
Je jette un coup d'œil rapide à ma montre. 16 h 34. Aujourd'hui, se termine ma première semaine de cours au lycée Damiano. Mon après-midi a été gâchée par un connard du nom d'Ethan, qui a cru naïvement que je tomberai dans ses bras. Quel con ! Bref, j'espère que ma soirée va bien se passer.
Devant l'école, Mélody et Andrew me font signe pour que je les rejoigne. Je crois que je vais les surnommer " Les inséparables ". Ils ne supportent pas, mais quand on aperçoit les couettes de l'une, le second n'est pas loin, l'air maussade et les mains dans les poches. L'exemple type de l'amitié extraverti-introverti. Sans elle, il est renfermé, sans lui, elle est intenable.
J'ai beau ne les connaître que de puis peu, ce sont des amis en or. Dès mon arrivée, ils m'ont accueillie comme une des leurs, sans question ni curiosité déplacée. Ils sont sympathiques et de bonne compagnie, et nous partageons les mêmes valeurs. S'ils ne remplaceront jamais ma meilleure amie Tania, ils ont leur place d'amis dans ma vie.
- Hey, les gars, ça va ?
- Salut Adrianna, l'après-midi s'est bien passée ? m'interroge Andrew.
- Si on omet les regards des filles dans les couloirs, parce que j'ai osé répondre à leur chéri, ça va comme sur des roulettes.
- Elle est marrante ton expression, s'exclaffe-t-il. Tu l'as apprise en Italie ?
- Moi ? Non, c'est la phrase favorite de grand-père.
Je me tourne vers Mélody et enchaîne :
- Ca va ? Tu es bien silencieuse, dis-moi.
Butée, elle s'enferme dans le silence. Je ne comprends pas. Son meilleur ami intervient.
- Elle t'en veut pour ce midi. Elle peut être une vraie tête de mule quand on s'en prend à L'Ange du lycée.
- Je ne souhaitais pas te blesser, Mel, tu le sais bien. C'est lui qui m'a abordée, je n'ai rien fait. Si tu l'aimes, c'est ta vie sentimentale, je ne vais pas m'en mêler. Seulement je ne l'apprécie pas et je n'ai pas l'intention de faire semblant pour te faire plaisir. Je trouve essentiel d'être honnête en amitié. Et je veux sérieusement être amie avec toi. Quoiqu'il arrive, je serai toujours là pour toi, d'accord ?
Elle détourne encore une fois le regard. Je la taquine, elle essaie de m'éviter, n'y parvient pas et me sourit.
- Voilà, tu es beaucoup plus belle ainsi ! Câlin ?
Elle me sert dans ses bras et rit franchement.
- Tu me pardonnes ?
- Bien sûr, Mel, aujourd'hui et toutes les autres fois si tu veux.
- Bon, vous avez fini vos papouilles, les filles ? maugrée le garçon.
On éclate de rire toutes les deux, de nouveau complices. L'arc-en-ciel après l'orage. Joyeusement, je les entraîne sur le chemin du retour.
- Alors, Andrew, on aime pas la tendresse ? C'est quoi ce grand garçon tout timide ?
Il me lance une bourrade.
- Arrête.
- Oui, oui, M. Ours, j'arrête.
Mélody éclate franchement de rire. Mon but est atteint. Elle a retrouvé toute sa joie de vivre. Je les laisse devant chez eux, rassurée. La fâcherie n'a pas duré longtemps. Aussi peu qu'une pluie d'été. En parlant d'eau, voilà que le ciel se couvre. J'ai intérêt à courir si je ne veux pas être trempée.
Les vannes célestes s'ouvrent brusquement et de grosses gouttes s'écrasent sur le sol. Je m'abrite sous le toit précaire de mon sac à dos et prends mes jambes à mon cou pour éviter le déluge qui commence. Heureusement que la villa n'est pas trop éloignée.
À bout de souffle, je m'assois sur les escaliers de l'entrée pour reprendre ma respiration après une course effrénée. Je remarque la moto de Nash, le meilleur ami de Matteo, mon cousin avec qui je vis. Ce n'est pas étonnant, il m'a prévenue ce matin qu'il rentrerait plus tôt, aujourd'hui. Ses études de médecine le tiennent très occupé, mais il parvient à s'organiser pour faire sa part des travaux ménagers.
Et puis ce soir, c'est enfin le moment. Nous avons mis en place une règle. Nous, c'est-à-dire moi, Matteo, sa sœur Julia et Nash. Chaque semaine, on doit se réunir pour dîner tous ensemble, à la maison ou au restaurant, mais tous ensemble, pour discuter du fonctionnement de la villa et pour passer du temps ensemble. En tant que "petite dernière", je compte bien me faire offrir une pizza par les étudiants.
Je pousse la porte et rentre : je vais finir par attraper un rhume avec mes cheveux mouillés.
- Je suis rentrée Chambers !
- Enlève tes chaussures avant d'entrer !
- Oui maman !
- Respecte un peu ton aîné !
- Aîné mon oeil, combien de fois devrais-je te répéter que nous avons seulement quatre ans d'écart ? Hein ? Combien ?
Je place mes rangers dans le placard et lui balance ma veste à la figure, histoire d'appuyer mes dires. Nullement touché par ce geste de défi à son autorité, il se contente de me la renvoyer en riant.
- Ne fais donc pas semblant d'être plus mature que moi, petite.
- Nash !
- Quoi ?
Il est hilare : il se moque de moi et il en est fier en plus. Faussement fâchée, je l'abandonne pour rejoindre ma chambre et me sécher les cheveux, feignant un air de reine offensée.
- Ne te perds pas ! lance-t-il encore avant que je ne claque la porte.
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