Chapitre 8
- Debout les filles !
L'appel strident de Matteo me tire d'un agréable sommeil sans rêves. Je ne suis pas du matin, et ce genre de réveil n'est pas pour me plaire.
Je me lève en grognant, et remarque seulement à cet instant que je me trouve exactement à l'endroit où je me suis endormie la veille, c'est-à-dire sur le lit de ma cousine. Cette dernière disparaît dans la salle de bain. J'entame un dur périple en direction de ma chambre, manque de trébucher quatre fois sur mes propres pieds et finit par m'écrouler sur mon oreiller. Les événements de la veille me reviennent à l'esprit.
J'éprouve déjà de l'impatience à devoir partager l'espace avec Lorie. Fille unique, je ne suis pas habituée ni vivre avec des étrangers ni à accueillir de nouvelles personnes dans mon entourage. De plus, son intérêt pour Nash me met mal à l'aise.
Une bonne douche achève de m'éveiller. J'enfile un short et un T-shirt et dévale les escaliers en direction de mon petit-déjeuner. J'ai une faim de loup : il est déjà 8 heure et je mange habituellement deux heures plus tôt pour être à l'heure au lycée.
Une délicieuse odeur de pain grillé parfume la cuisine. J'y pénètre et assiste à un spectacle imprévu : Matteo discute passionément de voitures avec Lorie, tandis que l'avocate en herbe observe son frère d'un visage impassible en sirotant son café addossée au plan de travail.
Elle me lance un coup d'oeil complice : il y a anguille sous roche. J'affiche un sourire crispée, je n'apprécie pas plus la jeune fille que la veille.
- Bonjour tout le monde, lancé-je.
- Salut, Anna, bien dormi ?
- Bonjour, Adrianna. Tiens, donne-nous donc ton avis, quelle est ta voiture préférée ?
Je m'en veux mais le seul son de sa voix douce suffit à me hérisser. Je serre les poings et m'efforce de parler avec amabilité.
- Maserati Folgore. Et toi ?
- Mercedes. Matteo m'expliquait pourquoi il préfère les Porsche Cayenne.
- Je vois. Passionnant. Je vous laisse parler alors.
Je me tourne vers ma cousine. Cette dernière a le regard perdu dans le vide et l'air profondément absorbé.
- Tu as quelque chose de prévu aujourd'hui ?
- Moi ? Pourquoi ?
- Je me disais qu'on aurait pu sortir cet après-midi. Tu en penses quoi ?
- Heu, ce ne sera pas possible.
Mon étudiante préférée rougit comme une collégienne amoureuse prise à écrire des mots d'amour la veille de la Saint-Valentin.
- Toi, tu ne m'as pas tout dit. Tu as un date ?
- Oui.
Mat réagit au quart de tour.
- Toi, avec qui ?
- Quelqu'un que tu ne connais pas.
- Et alors, on veut en savoir plus ! ajoute Lorie.
Je la trouve exaspérante de se mêler ainsi de nos affaires. Elle pénètre dans notre intimité et se conduit comme si elle faisait partie de la famille.
- Je vous expliquerai tout ce soir, si mon rendez-vous se passe bien et que les choses avancent.
- Soit.
Je sens bien que mon cousin aimerait bien des informations supplémentaires. Il a beau toujours taquiner sa soeur, il s'inquiète pour elle, et l'inconnu en question n'est pas fait pour le rassurer. Je lui lance une bourrade amicale.
- Non preoccuparti, ragazzo. Julia est adulte, sérieuse et mature. Tout ira bien.
- Mais oui, inutile de s'alarmer, Mat, je suis prudente.
- Vous êtes mignons à vous soutenir tous.
De quoi elle se mêle celle-là ? Je ne devrais pas, mais tout ce qu'elle dit ou fait m'est insupportable. Je ne peux pas la sentir.
- Et toi, Anna, qu'est-ce que tu fais ?
- Ce matin, je révise pour mon contrôle, et je sortirai déjeuner avec mes amis, puis on fera un tour en ville.
Lorie se lève pour débarasser son bol.
- Je pensais à quelque chose. Ce soir, il y a l'ouverture de la fête foraine et je me disais qu'on pourrais il y aller tous ensemble, histoire de partager une activité.
- C'est une bonne idée ! s'exclame Matteo.
Il est enthousiaste pour tout ce qu'elle propose.
- Je suis pour aussi. Et toi Anna ?
- Je ne sais pas trop. Je vais y réfléchir.
J'ai une furieuse envie d'y aller, mais le fait que ce soit elle qui l'ait proposé suffit à me faire hésiter. Je vois aux regards de mes cousins qu'ils apprécieraient que je me joigne à eux. Tant pis pour mon aversion pour la nouvelle colocataire, leur faire plaisir est le plus important.
- C'est d'accord, mais on n'y va pas sans Nash.
- Évidemment !
- Je me charge de le prévenir, susurre Barbie.
- Ne t'inquiète pour ça, je vais m'en occuper.
Je tire ostensiblement mon téléphone pour envoyer un message à l'intéressé. Je ne souhaite pas qu'elle profite de l'occasion pour se rapprocher du jeune homme.
Matteo attrape sa veste au porte manteau.
- J'y vais, les gars.
- Tu travailles aujourd'hui ?
- Seulement ce matin. Le patron m'a demandé de venir pour finir une voiture. J'en profiterai pour vérifier ma moto.
- Bon courage pour ta journée !
Il disparaît avec un geste d'au revoir. Julia s'éclipse à son tour pour finaliser sa tenue. Je suis désormais seule avec Lorie. Cette dernière fait joyeusement la vaisselle, comme si elle n'avait pas les mais manucurées. Cette fille est un mystère.
- Alors, Anna, comment se passe le lycée ?
Qu'est-ce que ça peut lui faire, vraiment ? Je fais un effort supplémentaire sur moi-même et souris avec l'amabilité d'une porte de prison.
- Tout va bien. Merci. Je vais te laisser, j'ai du travail à faire.
J'attrape une bouteille d'eau dans le frigo et regagne ma chambre sans un mot de plus, sous son regard médusé.
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