Chapitre 14

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Nathan marche rapidement et je dois allonger le pas pour rester à son niveau. J'halète, ma jambe droite tire et je ralentis. Il s'arrête.

  • Tu vas un peu trop vite pour moi, balbutie-je, gênée.
  • Désolé.
  • Ce n'est en rien de ta faute. Tu m'invites déjà chez toi, je te suis reconnaissante.
  • Je ne laisserais pas une jeune fille en détresse.
  • Ce n'est pas mon cas ! rétorqué-je.
  • Si tu insistes, mais tu n'es assurément pas en état de rentrer chez toi.

Je ne souhaite pas même y penser. Je sens que je vais avoir des ennuis. Rien que d'y penser, j'ai les larmes aux yeux. J'ignore si je pleure parce qu'ils m'ont blessée ou parce que je me sens stupide.

  • Hey, ça va aller ? demande Nathan, inquiet des pleurs qui coulent à nouveau sur mes joues et me donnent une air de hamster enrhumé.
  • Oui.

Ma voix s'étrangle. Il passe un bras autour de mes épaules pour me réconforter.

  • Nous sommes arrivés. Bienvenue dans ma modeste maison.

Il insiste avec ironie sur l'adjectif et il a bien raison : j'ai la mâchoire qui se décroche à la vue de sa maison tout sauf humble.

Je suis moi-même gâtée par la Fortune : notre villa est grande et luxueuse. Celle du Casanova du lycée est immense : la grille en fer forgé encercle un jardin de la taille d'un parc ! On peut entendre le glougloutement d'un lac et le vent dans les branches d'une petite forêt privée.

Au-delà du jardin planté de fleurs exotiques, par un chemin de terre bordé de statues de marbre, se trouve l'entrée de la maison. Les murs couleurs crème et les fenêtres dont le cadre semble fait d'or ajoutent à l'air déjà luxueux de la demeure.

  • Impressionnée ?
  • Oui. Vraiment.
  • Mère est la maire de la ville. Père est CEO d'une entreprise de luxe. Ils sont riches.
  • Riches, c'est peu dire. Vous êtes monstrueusement riches !

Nathan a un petit rire. Il est dénué d'arrogance, contrairement à ce que j'entends ordinairement en classe. C'est un rire enfantin, pur et innocent.

  • Il y a des gens plus riches que ma famille.
  • Pas dans cette ville, assuré-je.
  • Si tu le dis.

Il coupe court à la discussion sur la richesse de ses parents, le sujet a l'air de le mettre mal à l'aise.

  • Tu entres ? Tu vas tomber malade.
  • Oui, merci.
  • Avec plaisir.

Nous traversons rapidement le salon jusqu'à sa chambre.Toute la maison brille de nouveauté. Il ouvre la porte d'une grande pièce, éclairée par un lustre. Si on ignore ce détail, c'est une chambre normal de jeune homme : PC gamer haute technologie, posters de divers groupes et animés.

  • Tu aimes lire ? demandé-je en remarquant une immense bibliothèque.
  • Oui, rit-il. Ça se voit je crois. Je suis un grand fan de Rick Riordan. Ma série préférée est Percy Jackson ! s'exclame-t-il, un grand sourire sur le visage.
  • Tu écoutes quoi ? interrogè-je, le regard perdu dans les affiches.
  • Différents artistes : Metallica, Aurora, ACDC, Taylor Swift, Vivaldi, ou encore Sardou.
  • Des styles très différents, c'est intéressant.
  • J'adore ça !
  • Je te comprends.

Je m'assois sur le lit tandis qu'il fouille dans une grande pièce dissimulée par une grande porte que j'avais d'abord prise pour le mur.

  • C'est quoi ça ? demandé-je. La salle de bain ? Un salon ?
  • Non, ma garde-robe.
  • Vrai ? rigolé-je.
  • Hé, je suis sérieux !
  • Non ?
  • Oui, tiens, prends ça.

Il me lance un sweet-shirt deux fois trop grand pour moi, vert sombre, à l'effigie de Måneskin. Je suis bouche bée :

  • Tu écoutes ?
  • Toujours. Depuis leur première chanson.
  • Et tu espères que je te rende ton pull ? plaisanté-je.
  • Non, tu peux le garder.
  • Je rigolais !
  • Vas-y, j'en ai plusieurs.
  • Merci, je l'aime déjà !

Nathan est vraiment bien plus gentil que je ne le pensais.

  • Au fait, je tiens à m'excuser, commencé-je.
  • De quoi ?
  • De t'avoir si mal traité au début de l'année, quand tu as voulu obtenir un rendez-vous avec moi.
  • Non, c'est moi qui ai agi comme un crétin.
  • À ce sujet, l'offre tient-elle toujours ?

Il me regarde à son tour avec des yeux de merlan frit.

  • C'est-à-dire ?
  • Tu veux gagner ton pari, j'ai besoin de me vider la tête. Allons boire un verre à l'occasion.

Il sourit avec un air tant attendri que je suis touchée.

  • Tu es géniale, Adrianna.
  • Je t'en prie, appelle moi Anna.
  • Tu es géniale Anna, répète-t-il.
  • Tu m'as aidé, je peux faire de même. Ainsi, je rembourse ma dette envers toi.
  • Quelle dette ? rit-il. Tu dois rentrer vers quelle heure ? ajoute-t-il aussitôt.
  • Je ne sais pas, avoué-je. Je ne suis pas pressée. Je n'ai pas envie de me faire disputer.
  • Que c'est-il passé ?
  • Rien de grave. La nouvelle colocataire m'a chauffée et quand je me suis énervée, on m'a reproché d'être jalouse de sa relation avec Nash, ce qui est faux !
  • Je vois. C'est compliqué.
  • Oui. Et toi ?
  • Comment ça ?
  • Ton épaule ? Tu n'aimes pas qu'on te touche le bras ? Tu es blessé ?
  • C'est personnel et particulier.
  • Particulier ?

Il garde le silence et je souris doucement :

  • Ne dis rien si tu ne veux pas. Je ne suis personne pour te forcer.
  • Merci, je ne pense pas être prêt.
  • Encore une fois, rien ne presse. À quand ce rendez-vous ?
  • Le week-end prochain ? Je passe te chercher chez toi samedi ?
  • Je suis d'accord.
  • On fait ça alors.

Un ange passe. Ce silence est un peu plus gênant que le premier.

  • Je vais y aller, balbutie-je.
  • Sûre ?
  • Pardon ?
  • Tu à l'air fatiguée et tous le monde doit être à cran. Tu pourrais dormir ici et attendre que la pression retombe.
  • Mais je n'ai rien, ni pyjama, ni brosse à dent, rien !
  • Pas grave, je te prêterai le nécessaire.
  • Je ne suis pas sûre de pouvoir accepter après tout ce que tu as fait pour moi.
  • Aller, ça me fait plaisir.
  • Dans ce cas, pourquoi pas.

Il sourit à nouveau et dénicher une chemise de nuit noire et le pantalon assorti. Il m'indique où se trouve la salle de bain et me laisse me préparer.

Dingue : La salle de bain est toute en marbre. Je retiens une exclamation d'admiration à la vision de chromes brillants et des produits de luxe.

Un fois que je suis réconfortée par une douche chaude, je rejoins la chambre. Il part se laver et reviens, vêtu d'un pantalon de nuit mais torse-nu. Je détourne le regard tandis qu'il enfile son t-shirt.

  • Rien de grave, Anna ! rit-il. Disons que tu n'as rien vu.

Il se moque de moi et je lui tire la langue.

  • Oh, quelqu'un est boudeur.
  • Fatigué aussi.
  • Je te montre le chemin à la chambre d'amis.
  • Bien, merci Nathan.
  • De rien Anna.

Il m'accompagne et me fait faire le tour des lieux.

  • Voici. C'est à toi pour la nuit et pour chaque fois où tu n'auras nulle part à aller.
  • Merci, Nathan.

Epuisée, je me glisse dans les draps frais. Avec une affection toute fraternelle, il me borde gentiment et me souhaite une bonne nuit.

Puis il m'embrasse sur le front, éteint la lumière et va se coucher. Je suis tant fatiguée par les événements que je glisse rapidement dans l'inconscience.

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