Chapitre 15

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  • Anna !
  • Maman !

Je tends une main désespérée vers le fantôme de ma mère qui agite le bras vers moi. Mais je traverse son corps sans consistance, et elle s'évapore dans la brume grise du matin.
Je m'enfonce dans le sol devenu sable mouvant et sens que je suis étouffée par le poids de la terre sur ma poitrine.
Je glisse avec soulagement sur un sol glacé. Quelqu'un est allongé là, à quelques pas de moi, tremblant, les bras autour des genoux. C'est Nash.
Je m'approche pour le réconforter. Je m'apprête à poser la main sur son épaule pour lui indiquer ma présence quand je remarque, avec horreur, le trou béant qui perce sa poitrine.
Je recule, les larmes coulant sur mon visage. En baissant le regard vers la terre, je me rends compte que je tiens dans la main le couteau ensanglanté qui vient de lui ôter la vie. Je hurle et le lance loin de moi, dégoûtée.

Je m'éveille en sueur et le cœur battant de cet affreux cauchemar. Nathan, sans doute éveillé par mon cri, tient ma main avec force.

— Tout va bien, ce n'est qu'un rêve.

Je sanglote, la pression retombe, et je m'accroche à cette main comme à une bouée de sauvetage. Le jeune homme m'attire dans ses bras.

— Chhh, murmure-t-il, respire doucement.

Je prends une grande inspiration et m'efforce de calmer les battements effrénés de mon cœur. Ma respiration saccadée se stabilise peu à peu, et je respire mieux.
Un peu gênée de me présenter sous mon pire jour pour la seconde fois à quelqu'un dont je ne suis pas proche, je m'éloigne un peu de lui.

— Tu vas mieux ?

Il a senti mon recul et s'est écarté de lui-même avant de m'interroger gentiment. Je me sens désolée par l'inquiétude que je lis sur son visage.

— Oui. Merci.
— Tu souhaites en parler ?

Je secoue la tête négativement. Je ne raconterai pas ce songe, il en deviendrait bien trop réel à mon goût.

— Comme tu veux. Je suis disponible si besoin. Tu devrais essayer de te rendormir maintenant. Il est encore tôt.
— Quelle heure ?
— Deux heures trente-sept. Tu as encore le temps de faire un bon somme.

J'acquiesce silencieusement et m'emmitoufle dans la couette si bien qu'on ne doit plus voir que quelques mèches de cheveux. Je devine un sourire sur le visage de Nathan, qui rejoint sa propre chambre sans un mot de plus.
Hantée par le souvenir de ce rêve atroce, je peine à me rendormir. Dès que je ferme les yeux, le visage de ma mère se superpose à celui ensanglanté de Nash. Je me recroqueville en boule et serre mes bras autour de mes genoux en attendant le matin.
Dès qu'un rayon de soleil perce à travers les persiennes, je me lève. Ranger impeccablement la pièce me permet d'enfouir mes inquiétudes et mon angoisse au plus profond de mon esprit.
Le plus silencieusement possible, pour ne pas éveiller les éventuels habitants encore endormis, je me dirige vers la cuisine, mes pas hésitants sur le carrelage froid. J'ai la surprise d'y voir une jeune femme en uniforme aux fourneaux malgré l'heure matinale.

— Bonjour, balbutié-je.
— Bonjour, mademoiselle.

Elle se tourne pour m'accueillir avec un agréable sourire. Son pantalon noir est parfaitement repassé, le col de sa chemise est impeccable, et pas un cheveu ne virevolte hors de son strict chignon. J'apprécie en silence les jolies paillettes dorées parsemées dans ses yeux noisette.

— Appelez-moi Adrianna, m'empressé-je.
— Avec plaisir. Je m'appelle Laurie, je suis le chef privé de la famille de Vallier.

Elle n’a pas le temps de parler davantage. Nathan, les cheveux en bataille, s’engouffre dans la pièce et dépose une bise rapide sur sa joue.

— ’lut, Laurie. Tout va bien ?

Elle rit sous mon regard surpris.

— Oui, ne t’inquiète pas. Occupe-toi plutôt de mademoiselle ton invitée. Je dois cuisiner, tes parents rentrent ce midi.

L’expression de Nathan se ferme instantanément.

— Quelle heure ?
— Ils veulent que le repas soit prêt pour 12 h 30.
— Ok...

Laurie lui adresse un sourire doux, comme pour alléger l’atmosphère.

— Tu n’as pas cours de musique aujourd’hui ? Je te préparerai un repas à emporter.
— Tu es la meilleure, Laurie !
— Je sais, je sais. Servez-vous dans la salle à manger, tout y est.

J’observe l’échange sans intervenir. Une chose est claire : la relation de Nathan avec ses parents n’est pas des plus chaleureuses. Ils semblent souvent absents, et lui fait tout pour les éviter.

Avant que je ne puisse dire un mot, Nathan m’entraîne hors de la cuisine et m’installe sur une chaise devant une table débordant de mets variés.

— Euh… Ce n’est pas un peu trop pour deux petits-déjeuners ?

La bouche pleine de croissant, Nathan secoue la tête.

— Laurie fait toujours emballer les restes pour les donner. Elle peut gérer ça comme elle veut. Comme elle connaît des associations, elle s’arrange pour que rien ne soit perdu.

Rassurée sur le sort des surplus, je me permets de goûter aux viennoiseries, accompagnées d’un thé délicatement parfumé.

— Mmm… Je dois remercier Laurie pour ce festin ?
— Yup. Elle fera passer le message.

Les yeux mi-clos, je prends le temps de savourer ce moment. Ce genre de petit-déjeuner luxueux n’arrivera probablement pas de sitôt.

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