Chapitre 1 : Tini Vargas

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  Assise dans une voiture aux vitres teintées, le chauffeur était quant à lui abrité derrière une vitre. Le cuir des sièges était doux et chauffé. Après avoir quitté la ville, la route devint longue et sinueuse, tournant tantôt à droite puis tantôt à gauche et qui se perdit dans un écrin de verdure.. Je posai ma tête contre la vitre admirant le paysage tout en pensant à mes parents. Ces derniers étaient morts dans un terrible accident de bateau. La presse en avait fait les choux gras, et après un enterrement sans corps, j’avais appris lors de la régularisation des affaires de mon père et la succession familiale, que ces derniers, qui étaient toujours absents et trop occupés pour leur seule fille, avaient quand même pensé à mon avenir. A dieu la Floride et son soleil, me voilà en route pour l’état nuageux et frileux de Washington. Ma garde avait été attribuée à un vieil ami de mon père, un homme dont j’ignorais tout et qui vivait reclus, dans un manoir un perdu au milieu de nulle part. Son avocat s'était présenté en Floride et avait organisé mon rapatriement. Tandis que mes affaires avaient voyagé dans un simple camion de déménagement, je faisais le trajet en jet privé.

La voiture ralentit pour emprunter un chemin gravillonné entouré de grands sapins flippants. Une brume épaisse masquait le paysage, puis rapidement, se dessina une grande grille en fer forgé. Celle-ci s’ouvrit toute seule et la voiture s’engagea sur le long chemin qui après une dizaine de minutes, donnait sur une grande fontaine couverte de lierre. La voiture en fit le tour avant de garer devant une bâtisse géante. Sur trois étages, la façade était extrêmement terrifiante avec ses gargouilles et son grand balcon du premier étage. Les murs étaient par endroit recouverts de vigne vierge. Le perron était abrité d’une arche sur laquelle un blason était gravé de deux initiales. Mon attention se porta alors sur la lourde porte en bois qui s’ouvrit sur un vieil homme en complet veston. Ce dernier s’approcha de la voiture une main dans le dos, une autre sur le ventre. Il salua le chauffeur, qui lui-même vint m’ouvrir la portière.

  • Mademoiselle Vargas, vous êtes arrivée.
  • Merci, monsieur.
  • Mademoiselle Vargas, ravi de vous rencontrer. Je suis Robert, l’intendant de cette demeure. Monsieur Quinton vous attend au petit salon. Je vais m’occuper de vos bagages. Oh et vous affaires ont été installées dans vos appartements.
  • Merci Robert, répondis-je, trop obnubilée par tout ce qui m’entourait.

Je gravis les marches du perron et pénétrai dans le manoir. L’entrée était sublime, spacieuse, donnant sur un double escalier en chêne. Au plafond se trouvait une grande rosace sculptée avec en son centre, un grand lustre en cristal. Une table d’architecte trônait au centre de la pièce, sur laquelle se trouvait un énorme bouquet de fleurs. Je m’en approchai pour en humer le parfum.

  • Le petit salon est sur votre droite, m’informa Robert en portant ma valise jusqu’au pied de l’escalier. Je vais vous y conduire.

Je déglutis et posai mon regard sur les toiles qui se trouvait dans l’entrée. Je n’eus aucun mal à reconnaître les œuvres qui s’y trouvaient. Toutes étaient des grands noms de la peinture. Je suivis Robert tout en admirant la décoration qui était un parfait mélange de l’ancien et du moderne. On traversa un couloir et Robert toqua à la première porte qui était entrouverte et de laquelle une douce mélodie s’échappait. Celle-ci prit fin brusquement.

  • Oui ?! fit une voix.

Robert poussa la porte et fit une révérence avant de me faire signe d’entrer. Je passai le seuil de la pièce et pénétrait dans une pièce extrêmement lumineuse. Dans la grande cheminée, un feu brûlait, devant se trouvait deux grands canapés qui se faisaient face et sur les murs de part et d’autre de la cheminée se trouvaient des étagères remplies de livres, des éditions pour la plupart originales. Je posai ensuite mon regard sur le jardin, et la sublime vue du domaine que les deux fenêtres offraient.

  • Merci Robert, coupa une voix virile qui attira aussitôt mon intention.

Je tournai la tête et ne pus masquer ma surprise. M’attendant à voir un homme de l’âge de mon père, je me retrouvai devant un quadragénaire. Ce dernier portait un pantalon de costume avec une chemise blanche ouverte sur le col, d’où s’échappait des tatouages effrayants. Brun, les cheveux courts, un regard noir, acéré, une barbe de quelques jours recouvrait sa mâchoire carrée et la cicatrice qui ornait sa joue gauche. Les manches de sa chemise étaient relevées et laissaient apparaître ses bras recouverts d’encre. Il portait un bracelet en cuir et une chevalière en or.

  • Bonjour, Tini. Tu as fait un bon voyage ?
  • Bonjour, oui, cela s'est bien passé.
  • Je présume que tu as certainement beaucoup de questions. Tout d’abord, laisse-moi te présenter mes condoléances pour tes parents. Je m’appelle Crow, je connaissais ton père.
  • Navrée, il ne m’a jamais parlé de vous.
  • Cela ne me surprend pas, nous nous étions éloignés pour plusieurs divergences. Tu étais petite la dernière fois que j’ai eu l’occasion de t’apercevoir. Tu jouais à la poupée près de la piscine, la dernière fois que je t’ai vu.
  • Je ne me souviens pas, désolée, lui répondis-je.
  • Pas de soucis, je ne t’en veux pas. Tu es ici chez toi à présent. Mon avocat m’a dit que tu suivais les cours à distance.
  • Oui, je suis ochlophobe et agoraphobe.
  • Mon avocat m’a prévenu. C’est une chance que je vive alors loin de tout.
  • Oui, c’est une grande maison. Vous n’avez pas peur de vous perdre ?
  • Non, ne t’en fait pas et tu sauras très vite t’y repérer. En parlant de la maison, tu y trouveras une piscine couverte avec sauna et hammam, une salle de sport, de cinéma et une bibliothèque et cette pièce, là où j’aime venir pour jouer du piano. J’ai également un salon, une cuisine et une grande salle de réception. Mais avant que tu n’aies le temps de tout visiter, tu dois savoir qu’il n’y a qu’une règle ici et elle vaut pour tout le monde, même pour mon personnel. Tu as interdiction de te rendre dans l’aile ouest du dernier étage du manoir. Personne n’a le droit de franchir les portes, sans en payer les conséquences. Est-ce clair ?
  • Oui, bien sûr, répondis-je, face à cette interdiction curieuse.
  • Tini, je ne plaisante pas ! insista-t-il.
  • Je vous le promets, assurai-je.
  • Bien. Je dois te parler également d’autre chose. Je bosse principalement depuis ma maison, mais il m’arrive souvent de voyager pour mon travail. En général, je ne pars que deux ou trois jours, une semaine tout au plus. Donc, sauf en mon absence, j’aimerai qu’on passe les repas ensemble, en particulier les dîners, car il peut m’arriver d’avoir une réunion qui tarde trop. Ils sont à dix-neuf heures tapantes. En tant que tuteur, les services sociaux vont venir, ici, voir comment ça se passe pour toi, et s’assurer que tu ne manques de rien. J’ai également rendez-vous avec ton conseiller d’éducation, tu as des examens à la fin de l’année et il veut faire un point avec moi. Si jamais je peux t’aider.
  • Merci, c’est gentil, répondis-je tout en tournant la tête vers le jardin.
  • Robert va te montrer tes appartements. Ta chambre se trouve au troisième, dans l’aile Est. Repose-toi et installe-toi. Je vais te faire monter un encas, après ce voyage, tu as très certainement envie de te poser.
  • Oui, merci de m’accueillir chez vous, lui répondis-je avant d’entendre Robert frapper à la porte.
  • C’est normal, je suis ta seule famille à présent.

Ce dernier m’invita à le suivre, puis on prit la direction des escaliers et je gravis les marches tout en écoutant Robert. Celui-ci me demanda si j’avais des allergies où des aliments que je n’aimais pas. Je secouai négativement la tête, avant de m’arrêter sur le palier où se trouvait la porte de l’aile Est. Mon regard se posa sur la double porte qui menait, elle, à l’aile Ouest. Je fis taire ma curiosité et suivis Robert. Ce dernier poussa une porte et je restais bouche-bée devant la décoration de la chambre. Celle-ci était sobre, avec son lit géant à baldaquin et ses voilages écrus. Mes cartons étaient empilés dans un coin de la pièce. Je poussais la double porte en entier et fus estomaquée par le petit salon avec l’écran plasma. La pièce était séparée en trois, dont une partie l’était par une verrière. Je m’y approchai et y découvris une grande salle de bain, avec un style très particulier, comme une vieille baignoire en cuivre, deux grands lavabos en émailles avec une robinetterie en cuivre et ancienne, mais avec des meubles modernes en bois. Une grande plante verte ornait tout un mur près de la fenêtre qui avait une vue imprenable sur le jardin et les fenêtres de l’aile Ouest.

  • Mademoiselle Vargas, je vais vous laisser.
  • Oh, euh, excusez-moi, je suis perdue dans mes pensées. Merci Robert.
  • Je reviens pour vous apporter votre encas. Je vous laisse vous installer.
  • Merci, dis-je tout en affichant un petit sourire de façade.

La porte se referma et je fermai les yeux un instant avant de m’approcher des fenêtres. Je les ouvris et pris une grande inspiration avant de soupirer. Une larme roula sur ma joue avant qu’un bruit d’éclaboussure ne se fasse entendre. Je baissai la tête aperçus un corps filant dans l’eau de la piscine extérieure. Un violent frisson me saisit quand je réalisai que mon tuteur venait de plonger la tête la première dans une eau glaciale. Je l’observai un instant, filer dans l’eau avec l’agilité d’un poisson.

Je retournai à l’intérieur et fermai la fenêtre tout en l’admirant à travers celle-ci. Après ce moment de voyeurisme, je retirai ma veste et me laissai aller sur le lit. Je délaissai mes chaussures, puis je m’écroulai dans le lit avant de fermer les yeux. Je me tournai sur le dos avant de rouvrir les yeux et de fixer le plafond. Le cerveau en ébullition. Plein de questions me trottaient dans l’esprit. Qui était cet homme qui se prétendait ami de mon père, qui me connaissait et dont je n’avais aucun souvenir ? Pourquoi, en sa présence, un sentiment étrange me vrillait l’estomac. Quelque chose clochait dans cette demeure perdue. Elle renfermait des secrets, j’ignorais encore lesquels, sans parler de cette interdiction stupide qui depuis qu’elle m’avait été infligé, ne faisait qu’attiser ma curiosité.

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