Une chasseuse hors-paire, une véritable reine et une femme au coeur en or
Je plonge mon regard dans celui de la princesse Linaë. Elle semble si sérieuse et si déterminée. . . Je suis curieux de voir de quoi elle est capable. J'accepte donc :
- Bien. Préparez-vous. Nous vous attendrons dans la cour.
Elle acquiesce et je tourne les talons, puis quitte la chambre.
Je sors du donjon et constate que les jumeaux sont déjà prêts et ont attelé leurs chevaux et le mien. Je les informe :
- Il en faudra un de plus pour mon épouse. Elle vient avec nous.
- La duchesse nous accompagne à la chasse ? s'étonne Robert.
- Oui, dépêchez-vous s'il vous plait. Elle arrivera d'une minute à l'autre.
- À vos ordres ! s'exclame Robin en courant en direction des écuries pour apporter la monture.
Il revient en même temps que la princesse de Lakisle nous rejoint. Elle est vêtue d'une robe verte simple, dénuée de tout ornement, mais dont le tissu souple et léger lui donne une grande liberté de mouvement.
Le rouquin s'approche d'elle et lui tend la bride du cheval blanc en déclarant :
- Voici votre monture, madame.
- Je vous remercie, lui dit-elle avec un sourire en attrapant le cuir.
Elle pose ensuite sa main entre les naseaux de l'animal pour le caresser doucement. Ce dernier semble apprécier le geste car il ferme les yeux en lâchant un doux hennissement.
Je les observe avec un doux sourire, attendri par cette scène, en pensant :
"Si elle est aussi douce avec les animaux et que ces derniers semblent l'apprécier en retour, c'est qu'elle doit avoir un bon fond."
Cette idée me rassure et me soulage.
Je monte ensuite en selle, imité par mes compagnons et par ma femme, qui n'a aucune difficulté à s'asseoir sur le dos de sa monture, prouvant ainsi qu'elle est déjà montée toute seule à cheval plusieurs fois et qu'elle a de l'expérience dans le domaine de l'équitation.
Une fois que chacun est bien installé, j'ordonne :
- C'est parti ! Que la chasse commence !
Je lance aussitôt ma bête au galop. Les bruits de sabots qui résonnent derrière moi m'indiquent que tout le monde me suit.
Nous quittons l'enceinte du château et nous enfonçons dans la forêt. Quelques minutes plus tard, Robin arrête brusquement son cheval et nous informe :
- Je sens quelque chose. Il y un cerf non loin d'ici.
- Approchons-le doucement et attaquons-le par surprise, de façon à ce qu'il n'ait pas le temps de fuir.
Mes trois compagnons de chasse hochent la tête et nous repartons au pas. Nous apercevons bientôt l'animal au pelage brun, occupé à boire l'eau d'un ruisseau.
Je m'empare d'une flèche, la place à mon arc et tend la corde de ce dernier, tout en visant ma proie. Je suis si concentré sur ma tâche que je ne remarque pas que mon épouse se prépare aussi à tirer. Une fois que je me sens prêt, je lâche le fin fil blanc de mon arme, laissant la flèche foncer en direction du cerf. Hélas, ce dernier, sans doute alarmé par le bruit qu'a fait la corde en se détentant, bondit sur le côté juste à temps et prend la fuite. Je lâche un juron et m'apprête à lancer mon cheval au galop pour poursuivre le gibier, lorsque je vois une flèche se planter dans le cou de l'animal ! Ce dernier s'effondre au sol, tué sur le coup.
Je me tourne vers mes compagnons de chasse pour savoir qui est celui qui a ôté la vie de la bête et constate avec surprise que ma femme range son arc dans son dos, indiquant ainsi qu'elle vient de s'en servir.
- C'est vous qui venez d'abattre ce cerf ? lui demandé-je, incrédule.
- Oui, c'est bien moi. Je vous ai d'abord laissé faire, mais en voyant que vous l'aviez manqué, j'ai préféré tirer afin de m'assurer qu'il ne nous échappe pas. Comme c'est moi qui ai tué ce cerf, il reviendra au villageois. Je vous ai prévenu que je chassais pour eux.
- En effet et j'accepte de leur laisser. C'est votre prise, c'est à vous de décider quoi en faire. Je vous félicite pour votre talent. Vous êtes une chasseuse hors-paire !
- Merci, me dit-elle avec un grand sourire, tandis que ses joues s'empourprent de plaisir.
- Remettons-nous au travail, lancé-je à l'intention des jumeaux. Nous devons encore apporter de quoi nous nourrir.
- Oui ! s'exclament-ils.
- Quand nous aurons fini de chasser pour notre propre compte, nous irons au village pour leur offrir ce beau cerf, prometté-je à mon épouse avant de lancer ma monture au galop.
*
Le soleil est déjà haut dans le ciel lorsque nous arrivons au village. Les quelques habitants qui en ont encore la force circulent dans les rues, vaquant à leurs occupations dans le calme et le silence. Heureusement, les rires des enfants qui sont encore suffisamment en bonne santé pour jouer apportent un peu de couleur à ce triste spectacle.
La nouvelle duchesse de Westforest descend de cheval et déclare à voix haute :
- Bonjour à tous ! Comme je vous l'ai promis hier, je suis venue vous aider. Voilà de quoi vous nourrir en attendant que je trouve une solution pour vous assurer durablement une vie plus convenable, dit-elle en leur désignant le cerf qu'elle a chassé tout à l'heure.
Je l'observe, bouche bée. Il y a quelque chose dans sa posture droite, dans sa voix à la fois ferme et douce et dans l'éloquence de ses propos, qui me rappelle la façon dont s'expriment les véritables souverains. C'est cela : elle a le charisme d'une vraie reine ! Il ne fait aucun doute à présent : cette femme est bien de sang royal. Il ne peut en être autrement.
Les villageois restent d'abord interdits, se contentant de fixer la jeune blonde avec surprise et incrédulité. Ils échangent ensuite des regards entre eux, avant que l'un d'eux ne demande :
- C'est bien vrai, madame ? C'est pour nous, ce cerf ?
- Oui, il est tout à vous, confirme-t-elle avec un sourire chaleureux.
Les enfants se mettent aussitôt à sauter et hurler de joie, bientôt rejoints par quelques adultes, tandis qu'une femme se jette aux pieds de mon épouse en sanglottant :
- Oh, merci, madame ! Merci ! C'est Diane qui vous envoie ! Qu'elle vous bénisse ! Qu'elle vous bénisse !
En disant ces mots, elle attrape le bas de la robe verte de ma femme et la couvre de baisers. La duchesse se fige pendant quelques secondes, surprise par cette démonstration de gratitude, puis elle se penche pour prendre les mains de la villageoise dans les siennes et lui dis sur un ton doux :
- Allons, relevez-vous, ma brave et séchez vos larmes. Aujourd'hui est un jour de joie pour nous tous, personne ne devrait pleurer.
Je remarque cependant que les yeux bleus de ma belle épouse s'humidifient et je souris, heureux de voir enfin la joie et l'espoir dans les yeux de ces pauvres villageois, mais aussi et surtout de constater que Diane m'a offert une femme dotée d'un coeur en or.
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