Un mystérieux remède
Je marche sur le chemin de ronde, un châle bleu nuit noué autour de mes épaules me protégeant de la fraîcheur de cette nuit d'automne. Je m'immobilise pour tourner mon regard vers l'horizon. La forêt s'étend à perte de vue autour du château, surplombée par un magnifique ciel étoilé, où la lune brille tel un soleil nocturne. On devine, grâce aux colonnes de fumée s'élevant vers les cieux, l'emplacement du village. Je m'installe sur l'un des créneaux, laissant mes jambes pendre dans le vide, et ouvre le livre que je serre contre mon coeur depuis le début de ma promenade.
Il s'agit d'un ouvrage à la couverture en cuir brun, sur laquelle est inscrit en lettres dorées :
"Recueil de remèdes"
C'est père qui l'a rédigé lui-même et qui me l'a légué à sa mort. . .
Je sens mon coeur se serrer en repensant au soir où il a rendu l'âme. Je ferme les yeux pour tenter de contenir mes larmes, mais je sens l'une d'elles m'échapper et couler le long de ma joue, avant qu'un doigt ne vienne l'essuyer.
J'ouvre précipitamment les yeux en sentant la chaleur de cette peau contre la mienne et vois alors Robert, penché vers moi, qui me demande d'un air inquiet :
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Je repensais juste à. . . de douloureux souvenirs, lui expliqué-je.
Il s'installe à côté de moi en silence, puis me demande :
- Est-ce que vous vous plaisez ici ?
- Oh, oui, énormément ! Vous êtes tous si gentils ! lui répondé-je avec un grand sourire.
Il en esquisse un à son tour, puis son regard couleur émeraude tombe sur le livre que je tiens entre les mains et il me pose une autre question :
- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est un recueil de remèdes que mon père a écrit tout au long de ses études et de sa carrière. Il m'appartient, désormais. . .
- Je vois, mais. . . pourquoi vous promenez-vous avec à une heure pareille ? Il serait plus raisonnable d'aller vous coucher. Il me semble que vous devez retourner vous occuper des malades demain.
- C'est vrai. Cependant, il y a une chose qui me tracasse avec cet ouvrage, lui avoué-je.
- Qu'est-ce que c'est ?
Je fais tourner les pages sans aucune hésitation jusqu'à la dernère. C'est grâce à Robert que je peux enfin pratiquer le métier de mes rêves, aujourd'hui, alors je sais que je peux lui faire confiance. Il est le premier à avoir cru en moi après mon pauvre père. Une fois arrivée sur l'extrait qui m'intéresse, je lui lis à voix haute :
"Voici le remède à tes questionnements, Calandra :
- Une pincée de poudre d'or
- Une tasse d'eau des marais
- Une nuit de sommeil dans un bon lit
Ce remède a soigné le prince Mathieu lors de son enfance et continue peut-être de le faire aujourd'hui encore. . ."
Je me tourne ensuite vers mon interlocuteur, qui arbore une expression intriguée, et lui explique :
- Je ne comprends pas ce que signifient ces mots. La poudre d'or et l'eau des marais sont des substances nocives pour l'être humain, elles ne peuvent constituer un remède. J'en déduis donc qu'ils ont un sens caché, mais lequel ?
- Il faudrait commencer par savoir quels sont les questionnements auxquels fait référence votre père.
- Je pense qu'il s'agit des seules questions auxquelles il ne m'a jamais répondu : celles concernant ma mère.
- Et si ce texte révélait l'identité de votre mère ?
- C'est ce à quoi je pense, mais je ne parviens pas à le déchiffrer. Je commence à désepsérer de connaître un jour celle qui m'a mise au monde. . .
- Il ne faut pas, rétorque Robert en posant sa main sur la mienne. Je vous rappelle que vous n'êtes plus seule, maintenant. Nous pouvons vous aider à découvrir la vérité.
- Je ne sais pas. . . Je ne voudrais surtout pas vous déranger avec mes soucis personnels. . .
- Je me sens concerné, affirme-t-il en serrant ma main dans la sienne. J'ai envie de vous aider et je suis sûr que ça ne dérangera personne de vous donner un petit coup de main. Les habitants de ce château sont de nature généreuse et serviable.
Je gratifie le jeune homme d'un sourire et lui rends sont étreinte en hochant la tête.
- Je sais qui seraient les personnes les plus aptes à déchiffrer ce message, poursuit-il. Mes maîtres ont reçu une meilleure éducation que les nôtres réunies. Ils sont d'une grande intelligence, je suis sûr qu'ils trouveront rapidement la révélation qui se cache derrière ce soit-disant remède.
- Je suis de votre avis, mais je crains qu'il ne se fasse tard. Je leur en parlerai demain.
Sur ces mots, je me remets debout, mais sens que la main du jeune roux ne lache pas la mienne. En levant les yeux vers son visage, je constate qu'il me fixe sans un mot, un grand sourire dessiné sur son visage. Je toussote donc pour lui faire comprendre que j'aimerai me retirer et ses yeux s'écarquillent tandis qu'il sursaute, comme s'il venait d'être sorti d'un songe. Il détourne ensuite le regard en rougissant et bafouille des excuses :
- Oh, pardon, je . . . je suis désolé. . .
- Ce n'est rien, dis-je en riant doucement, amusée par sa réaction. Bonne nuit, lui souhaité-je en tournant les talons.
- Bonne nuit, me répond-il.
Je retourne dans ma chambre le coeur léger et le sourire aux lèvres.
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