Je suis assise sur le lit conjugal, le livre que m'a confié notre nouvelle médecin entre mes mains. Mes yeux parcourent avec attention les lignes de ce dernier. Quel étrange remède, en effet ! Je rejoins l'avis de Calandra et Robert qui affirment que ces mots cachent un message que souhaitait transmettre le père de cette dernière à sa fille, mais la question qui reste est : quel est-il ?

Je suis si plongée dans ma réflexion que je n'entends pas la porte de la chambre s'ouvrir. Ce n'est que lorsqu'il pose ses mains sur mes épaules que je remarque la présence de mon époux. J'ai d'abord un petit sursaut de surprise, mais je me détends rapidement en le reconnaissant et lui demande avec un sourire :

- Comment allez-vous, Mathieu ?

- Je me porte plutôt bien, si ce n'est la fatigue mentale que me procurent toutes ces formalités administratives et fiscales à réaliser.

- Ha ha ha ! Si votre cerveau est épuisé, ce n'est pas à mes côtés que vous trouverez du repos, aujourd'hui.

- Je me sens toujours mieux à vos côtés, quelle que soit la situation, déclare-t-il en prenant ma main dans la sienne, mais pourquoi me dîtes-vous cela ?

- Nous pensons que le père de Calandra, ou du moins l'homme qui l'a élevée, lui a laissé un message révélant l'identité de sa mère, mais nous ne parvenons pas à le déchiffrer pour l'instant.

- Laissez-moi voir cela, dit-il en tendant sa main vers l'ouvrage.

- Je croyais que les formalités administratives et fiscales avaient déjà aspiré toute votre force mentale, rétorqué-je sur le ton de la plaisanterie.

Je lui donne tout de même l'objet et il lit l'extrait qui nous intéresse, avant de se gratter le crâne en suggérant :

- Le fait qu'il mentionne l'or signifie peut-être que la mère de Calandra est une femme riche.

- C'est possible, mais ce n'est pas suffisamment précis, comme élément. Bon nombre de familles nobles et bourgeoises sont fortunées.

- Il faudrait peut-être se concentrer sur la noblesse puisque ce texte mentionne mon nom.

- Oui, c'est aussi ce qui m'a frappé. Si ce texte révèle vraiment l'identité de la femme qui a mis au monde Calandra, cela voudrait dire qu'elle a un lien avec vous.

- Selon ce texte, ce "remède" m'a soigné lorsque j'étais enfant. Il n'y a qu'Aurélie, à ma connaissance, qui ai fait une telle chose.

- La mention de l'or n'est pas une allusion à la richesse, dans ce cas.

- Oui, cette énigme est complexe. . . Il aurait tout de même pu faire plus simple, non ?

- Il était peut-être partagé entre son obligation de garder le secret et sa volonté de tout révéler à sa fille adoptive et a donc décidé de lui donner une chance de découvrir ses véritables origines sans que les autorités ne puissent l'accuser d'avoir manqué à son devoir de garder le secret.

- Qu'est-ce qui vous dit qu'il était dans l'obligation de ne rien révéler à ce sujet ?

- Pourquoi aurait-il gardé le silence pendant toutes ces années, dans ce cas ?

- Je l'ignore. . . J'ignorais il y a quelques jours seulement que j'avais une soeur de lait alors comment puis-je savoir quoi que ce soit d'autre à ce sujet ?

- Je sais, dis-je en posant une main sur la sienne, personne ne vous blâme.

Il m'observe avec un regard triste pendant quelques secondes, avant de se reconcentrer sur le sujet de notre réflexion :

- Quelle est la clé de cette énigme ? Comment comprendre le sens de ces mots ? Je ressens le besoin de savoir la vérité tout autant que Calandra !

- Je comprends. . .

Je reprends le livre de ses mains pour observer la liste des "ingrédients".

- Or, marais et lit. Je pense que ce sont les mots clés de cette liste. Or, marais, lit, or, marais, lit, dis-je en espérant que la répétition de ces termes suffira à me donner la solution.

J'ignore par quel miracle, mais cela fonctionne car je remarque aussitôt une chose :

- Les syllabes finales ! m'exclamé-je. La syllabe finale de chaque ligne de la liste d'ingrédients nous donnent le nom de la mère de Calandra !

- Comment ? !

- Si nous assemblons les syllabes finales de chaque ligne de la liste d'ingrédients, nous obtenons : Or-rais-lit. Aurélie !

Les yeux violets du jeune homme s'écarquillent, tandis qu'il s'écrie :

- C'est bien elle. . . Aurélie est bien la mère de Calandra, nous en avons désormais la preuve !

Je prends précipitamment les mains de mon mari en éclatant de rire, emplie de bonheur à l'idée que nous contribuerons à la réunion de notre dévouée servante et de sa fille dont elle était séparée depuis tant d'années !

Mon fou rire semble contagieux car Mathieu en est aussi secoué. Une fois calmée, je me dirige vers la porte en disant :

- Allons vite leur annoncer la bonne nouvelle !