78 : "Bord de mer"

2 minutes de lecture

« Tu ne devrais pas rêver ton film, tu devrais le faire ! »

Steven Spielberg

Dunkerque, le 2 juillet 2000

Oscar, mon adorable petit chien, est mort fin juin, et je l’ai chialé comme une gamine – avec une voix suraiguë de gamine

Peut-être est-ce un signe. Un signe qu’il ne faut pas que je m’accroche à l’écriture de ce foutu scénario, ce putain de film. Pourtant, c’est bien pour ça que je suis là, non ? Pour l’inspiration bien crade d’un vieux motel en bord de mer, pour des prises de vue qui ne rendent absolument rien, pas comme je le voudrais en tout cas…

On est dimanche et je me fais chier là, toute seule assise à la terrasse d’un bistrot en plein vent. Alors j’essaie d’écrire, mais je n’y arrive pas.

Zack voulait m’accompagner dans ce périple, mais je lui ai dit non. Parce que j’ai besoin de cette solitude pour ressentir ce que mon « héroïne » ressent, ici, abandonnée sous la grisaille, face à cette mer qui l’insupporte et qu’elle est pourtant venue voir, juste pour le plaisir de son gosse (47). Je l’imagine tellement déprimer sur du Brel, regarder par la fenêtre et avoir envie d’en finir…

***

« Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague /

Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues /

Et de vagues rochers que les marées dépassent… » (48)

***

Putain, rien qu’avec ça, tu penses déjà plus qu’à te tirer une balle ! Elle n’en a pourtant pas besoin pour envisager le pire…

« Infanticide » : rien que le mot fait peur. Quand j’ai parlé de mon projet à Papi, il m’a dit : « Ouch ! Tu t’attaques à un sujet sacrément casse-gueule, ma belle ! T’as pas fini d’essuyer les critiques de toutes parts… »

Ouais, c’est bien possible que ça remue un peu trop tous ces journaleux qui n’y connaissent rien en cinoche, mais je m’en fous, ça n’a pas d’importance. Parce qu’il n’y a que ce film qui compte à mes yeux. Parce que cette femme borderline, ça aurait pu être moi. Ça pourrait être moi…

Oui, des fois, je suis comme elle, je décartonne. Je décroche de la réalité, redeviens malgré moi petite fille. De plus en plus souvent. Depuis quand déjà ? Janvier ? A cause d’elle ? J’en sais rien, je ne peux en parler à personne ; je passerais pour une folle sinon… Il n’y a qu’à toi, cher journal, que je puisse me confier sans aucune défiance, sans me relire non plus. De toute façon, il n’y aura jamais personne pour lire ça je crois… De mon vivant du moins. Mais quand j’aurais passé l’arme gauche, qui sait ?



(47) : Il s’agit en réalité d’une intrigue inspirée du premier roman de Véronique Olmi, qui raconte l’histoire d’une mère isolée en perdition, essayant de refaire surface pour l’amour de ses deux petits garçons, sans toutefois y parvenir. Ce livre s’intitule Bord de mer et est paru aux éditions Actes Sud en 2001.

(48) : Paroles extraites du titre Le Plat Pays de Jacques Brel, chanson utilisée dans le film Bienvenue chez les Ch’tis, réalisé par Dany Boon en 2008. La version néerlandaise de ce morceau, Mijn Vlakke Land, est également utilisée dans Je reste ! (2003), un long métrage de Diane Kurys.

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