16. Le voyeurisme de l'enquêteur
Angel
Je regarde le courrier déposé sur le pare-brise de la voiture de Rafaela. C’est le premier indice que j’ai en main et j’essaie d’en tirer le maximum. J’examine la qualité du papier, la façon dont la lettre est écrite, mais je n’arrive pas à beaucoup de conclusions, à part que ce type est vraiment fou. Ce qui est intéressant, c’est qu’il a l’air décidé à écrire à nouveau et à entretenir une sorte de correspondance avec Rafaela, même si cela ne fonctionne que dans une seule direction. Cela devrait me permettre d’avoir d’autres éléments afin de mener mon enquête. Déjà, ce serait bien que je récupère les autres courriers dont il parle afin de pouvoir les comparer et déterminer un profil type de ce taré. C’est soit un fan très malin, soit quelqu’un qui a ses entrées dans les studios et je ne sais pas laquelle de ces deux possibilités est la plus inquiétante. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que je ne vais pas avancer beaucoup plus ce soir.
Je range le petit dossier que j’ai ouvert sur cette affaire et envoie une photo du texte à Morgan pour qu’elle puisse se faire une idée du type de message et surtout pour qu’elle recherche les enregistrements des caméras de sécurité du studio. Je ne sais pas si elle pourra y arriver, mais ça se tente. Une fois mes messages envoyés, je me couche dans mon lit et regarde un instant le plafond en me demandant ce que je vais faire. C’est vraiment une mission étrange car là, que ce soit dans mon rôle de détective ou d’assistant, je n’ai rien à faire et une telle oisiveté ne m’est pas arrivée depuis longtemps.
Lorsque mon ventre se rappelle à moi en émettant un gargouillis assez bruyant, je me rends compte que je n’ai rien avalé depuis le sandwich que je me suis acheté ce midi et qu’il faudrait que je voie ce qu’il y a dans la cuisine de la maison pour me sustenter. Je n’ai pas discuté avec Rafaela de ce sujet, mais je devine que si je vis ici, j’ai le droit de prendre ce dont j’ai besoin afin de ne pas mourir de faim.
Je descends les escaliers et traverse le salon pour aller me préparer quelque chose à manger sans voir aucun signe de la présence de Rafaela dans la maison. Je farfouille un instant dans la cuisine et décide de me préparer une petite fricassée de légumes avec des œufs. Je me demande ce que fait ma patronne, mais elle a été claire. Ce soir, je ne dois la déranger sous aucun prétexte, elle veut juste être seule et tranquille. Alors que de bonnes odeurs commencent à se faire sentir, je me prépare une assiette et des couverts et m’installe à la table de la cuisine pour déguster mon plat. Je me demande si ça fait partie de ma mission de faire les courses ou bien s’il y a quelqu’un d’autre qui est préposé aux repas.
Alors que je termine de manger, mon téléphone personnel vibre et je constate que c’est Morgan qui m’appelle. Je jette un coup d'œil à l’horloge et me demande si elle est encore au travail à cette heure-ci.
— Oui, Morgan ? Un souci ?
— Non, je voulais savoir si tu avais survécu à ta première journée avec Rafaela, rit-elle. Alors, elle est comment ? Tu n’imagines même pas comme je t’envie. Si tu peux faire venir ta famille, je veux bien jouer ta sœur, moi.
— Tu m’envies ? Toi aussi, tu es fan ? Je t’assure qu’il n’y a pas de raison de me jalouser… Jouer à la nounou toute la journée, il n’y a rien d’excitant.
— Fan… Je ne sais pas, mais elle est jolie et douée, ça, c’est sûr. J’ai vu tous ses films, j’avoue. Bref, j’ai bien reçu ton mail, j’ai déjà lu le courrier, je m’occuperai du reste demain, mais… il est flippant, le gars, non ?
— Je ne sais pas pour le gars. C’est peut-être un plaisantin… ou un gars qui cherche l’attention. Déjà, si on arrive à avoir un visuel sur lui, ce serait bien, ça nous permettrait d’avancer et de le retrouver. Après, on pourra le confronter et mettre fin à ses agissements.
— Elle ne flippe pas trop, elle ? Le papier m’a l’air particulier, sur la photo, peut-être qu’on pourrait remonter à lui grâce à ça.
— Ouais, je te l’enverrai, mais je pense que ça ne mènera à rien. Ça a l’air d’être le genre de truc qu’on trouve dans n’importe quel supermarché. J’ai pas l’impression que ça lui fasse peur, non. Et elle est beaucoup plus sympa que l’image qu’en donnent les médias.
— Elle ne t’a pas encore hurlé dessus ? rit-elle. Elle devait être dans un bon jour, peut-être. Ou alors, les médias… Oui, bon, on sait ce que ça vaut, mais quand même, si les assistantes démissionnent si facilement, ce n’est pas pour rien, j’imagine.
— Moi, les assistantes des autres me draguent. Tu crois que c’est la barbe ou le sourire ?
— Les deux, peut-être. Ou les yeux. Ou… toi, tout court, non ? Si tu leur lances le même genre de sourires auquel j’ai droit quand tu as besoin de quelque chose…
— C’est bon à savoir que personne ne résiste à ce sourire. Je le tenterai avec ma patronne si elle me crie trop dessus. Bonne idée, non ?
— Mouais… Tu peux toujours tenter, oui. Tu n’as besoin de rien ?
— A part un cours de remise à niveau en showbiz ? Non, ça devrait aller. Tu sais que j’ai l’air d’une cruche quand je vois tous ces gens célèbres que ne reconnais pas ? Ce midi, j’ai vu un Matthew. Tu dois connaître, toi.
— Oh mon dieu, t’as vraiment vu Matthew Shane ? s’égosille-t-elle, m’obligeant à éloigner le téléphone de mon oreille. Tu sais que Rafaela et lui ont eu une aventure ? Et… Oh mais je te jalouse à mort, Angel.
— J’ai surtout vu son assistante qui m’a fait du rentre dedans si tu veux tout savoir. Je vais essayer de t’obtenir des autographes, si tu veux. Tu avais d’autres choses à voir avec moi ?
Je me demande s’il y a un mec qu’on croise avec qui elle n’a pas eu une aventure, rêvée ou fantasmée. On dirait qu’elle a couché avec la moitié de la planète, là. C’est ça, la vie de star ?
— Non, je ne crois pas… Enfin, je voulais savoir une dernière chose, Patron. Tyler, vrai ou faux mec ?
Difficile à dire. C’est truqué, mais elle couche avec…
— Je peux te dire que c’est un vrai con, ça, j’en suis sûr. Pour le reste, elle a couché avec, mais ils ont aussi un contrat pour s’afficher ensemble et faire de la pub. Il est connu aussi, ce Tyler ? Il faudrait peut-être que j’investisse dans une télé, tu ne crois pas ?
— Un vrai con ? Merde, il a l’air plutôt gentil, comme ça… Il est moins connu, mais il grimpe. Grâce à elle, je crois. J’avais raison alors, c’est truqué, glousse-t-elle. Tu n’as pas de télé dans ta chambre ? Je suis sûre que tu pourrais demander à Rafaela les DVD de ses films, au moins tu serais calé à son sujet.
— Non, ça ira. Je la vois assez au quotidien pour découvrir quelque chose sur elle dans un de ses films.
— Tu rates de très jolis films, c’est dommage, tu sais ? Si tu ne vois pas ses films, ne regarde pas les infos people sur le net non plus, hein ? Et n’écoute pas trop les assistants.
— D’accord, ris-je. Bonne soirée, Morgan, et bon courage demain pour traquer les vidéos !
Je raccroche et fais ma petite vaisselle avant de me diriger vers le salon quand un bruit attire mon attention. Je me dirige silencieusement vers la baie vitrée qui donne sur la piscine. Oui, c’est bien ça, il y a quelqu’un qui est en train de nager. J’ai bien fait de ne pas allumer la lumière, ce qui me permet de ne pas me faire remarquer alors que je continue à m’approcher. Dans la relative pénombre, je me penche et colle mon front à la vitre pour admirer le spectacle qui s’offre à mes yeux. Je n’ai vraiment pas besoin de regarder ses films, le spectacle qu’elle m’offre en direct est beaucoup plus intéressant.
C’est Rafaela qui est en effet en train de se baigner. Un peignoir est abandonné sur une chaise et elle fait des longueurs alors que le bassin n’est éclairé que de petites leds bleues qui donnent une impression un peu féérique à la scène que je suis en train de contempler. D’autant plus magique que la star est totalement nue dans l’eau et qu’elle m’offre une vue imprenable sur son magnifique corps. Je peux comprendre que son boyfriend actuel ne veut pas se contenter d’un petit coup de temps en temps. Quand on a la possibilité de s’occuper de courbes aussi invitantes, on ne doit pas pouvoir s’en passer.
Je continue à me rincer l'œil en oubliant totalement que je ferais mieux de la laisser et de ne pas me faire griller en train de la mater, mais le désir que je ressens à ce moment pour elle me fait oublier toute raison. Elle est vraiment parfaite et mon excitation est ardente. Elle se meut dans l’eau avec une telle grâce que je suis encore plus conquis que je ne pouvais déjà l’être. Elle a des jambes bien galbées et très longues qui se terminent sur des fesses tellement rebondies que je suis pris d’une folle envie de les empaumer, de les caresser, de les claquer pour voir comment ma main rebondirait dessus. Je me souviens de ma réaction quand Jenny m’avait montré les photos, de la croyance que j’avais qu’elle était photoshoppée, mais franchement, il n’y a rien à améliorer. Quel cul ! J’en reste sans voix. Je me demande si je peux inventer une excuse pour aller la rejoindre, mais je ne crois pas que ce serait une bonne idée. Je profite juste de l’instant présent pendant de longues minutes alors qu’elle nage d’un bout à l’autre du petit bassin.
Quand elle sort enfin de l’eau, j’admire ses seins sur lesquels l’eau s’écoule en de sensuels sillons. Vite, je prends conscience que je risque de me faire capter dans cette posture de voyeur et fonce vers l’escalier que je monte quatre à quatre jusqu’à ma chambre. Il était moins une pour que mon contrat s’arrête avant même d’avoir réellement commencé. Je sens d’ailleurs que ça va être beaucoup plus compliqué de rester professionnel à tout instant que je ne le pensais au début. Comment fait-on pour vivre avec une femme aussi sublime que ça et ne pas essayer de la toucher ? Comment résister à la tentation quand on voit cette créature digne des rêveries les plus folles ?
Pour calmer un peu mes ardeurs, je me dis que je vais faire tout l’inverse de ce que m’a conseillé Morgan. Je fonce vers mon ordinateur et tape le nom de Rafaela dans le moteur de recherche. Les résultats se comptent par milliers et je clique un peu au hasard de ma navigation. Elle apparaît régulièrement aux bras d’un nouveau mec, avec à chaque fois quelques phrases de commentaires sur le fait qu’elle reste un cœur à prendre et que les prétendants se bousculent au portillon jusqu’à ce qu’elle se décide à se mettre en couple avec ce Tyler. Avant d'officialiser leur relation, il n’avait en effet fait que deux petits rôles dans des films à succès, mais le coup de booster de leur relation lui a permis de se faire connaître et de décrocher un premier rôle à ses côtés. Et plus de traces des autres prétendants. Impressionnant ce que le fait de savoir que tout ça tient d’un contrat modifie la perception des choses. Incroyable aussi de voir à quel point on peut influencer les médias avec une bonne communication.
Alors que je vais terminer ma session, je tombe sur une photo d’elle dans sa douche, un tatouage de papillon clairement visible sur son omoplate, ce qui permet de l’authentifier à coup sûr. Et l’histoire du procès qu’elle a intenté pour violation de son intimité ne me surprend pas plus que ça. Elle n’a rien inventé tout à l’heure quand elle m’en a parlé. Par contre, la photo qui accompagne l’article est magnifique et me renvoie au spectacle que j’ai admiré quelques minutes plus tôt. Si je ne veux pas foirer mon enquête et tout foutre en l’air, il va vraiment falloir que je contrôle ma libido parce que là, je sais que je suis prêt à toutes les folies juste pour la mettre dans mon lit et partager un moment coquin en sa compagnie. Et après tout, pourquoi pas ? Le fou a bien écrit qu’il tuerait tous ceux qui se mettraient entre elle et lui. Pour le démasquer, quoi de mieux que le provoquer ? Et si on peut joindre l’utile à l’agréable, pourquoi hésiter ?
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