49. Le cadeau du sourire éclatant

8 minutes de lecture

Angel

Je sors du laboratoire privé d’analyses dont Morgan m’a donné les coordonnées avec les premiers résultats en poche. Quand ils ont su que c’était pour assurer la sécurité de Madame Lovehart, “la grande actrice”, ils ont cessé immédiatement ce qu’ils faisaient pour effectuer un premier travail et, pour une fois, je me dis que la célébrité a du bon. Concernant les fleurs, j’ai une première piste à creuser car ils ont pu déterminer les trois fleuristes locaux qui vendent ce type de roses noires. Cela ne devrait pas être trop difficile de trouver qui en a vendu récemment et, avec un peu de chance, la personne sera en capacité de me faire un portrait robot de l’acheteur. Quant à la lettre, ils ont repéré plusieurs traces d’ADN différents. C’est encourageant, même s’il est toujours possible qu’ils ne s’agissent que de celui de Rafaela et du mien. Les analyses vont prendre un peu plus de temps sur ce côté-là. Et vu qu’on est déjà vendredi, les résultats ne seront pas disponibles avant le milieu de la semaine prochaine.

Je regarde ma montre afin de déterminer ce que je vais faire maintenant. Ben est avec ma patronne car il ne part que demain matin, tôt, et cela me permet de me livrer à mon enquête de manière plus tranquille. Quand il sera en vacances, je ne vais pas la quitter d’une semelle. Même pas quand elle fera son yoga toute nue. Surtout pas à ce moment-là, pensé-je en souriant. Mais là, il faut que je me reconcentre et je file dans un Starbucks afin de prendre un peu de temps pour avancer sur le suspect. Je me connecte sur le wifi du café et cherche les coordonnées des fleuristes. Les deux premiers que j’appelle m’informent tout simplement qu’ils n’ont pas vendu de roses noires depuis une éternité et je commence à désespérer quand enfin, la dame qui me répond au troisième fleuriste semble être gênée par ma question.

— Vous savez, je travaille en lien avec les services de police. Vous pouvez juste me dire si vous avez effectivement vendu des roses noires récemment ? Je serais très intéressé d’en savoir plus sur l’acheteur.

— Je… Oui, j’ai vendu un bouquet. J’ai d’ailleurs dû commander des roses noires, je n’en fais jamais. Mais… j’ai une très mauvaise mémoire, je ne sais pas trop quoi vous dire sur le monsieur qui l’a acheté.

— Il est venu les chercher au magasin ? Vous savez que c’est un homme, c’est déjà un premier élément, l’encouragé-je en parlant doucement.

— Oui, il est venu les chercher avant-hier soir. Je ne suis plus toute jeune et je n’ai pas du tout la mémoire des visages, mais attendez… soupire-t-elle alors que je l’entends feuilleter des documents. Il a payé en espèce, je ne peux pas faire plus pour vous. Il portait un bonnet noir et un pull, il baissait la tête, vous voyez ? Comme s’il cherchait à se cacher…

— Je vois bien, oui. Il était comment son bonnet ? Vous vous souvenez d’un détail qui pourrait nous aider à le retrouver ?

— Heu… non. Un bonnet, c’est… un bonnet pour moi, vous savez. Si je dois retenir les détails physiques de tous mes clients, je finis avec la tête en chou-fleur, moi.

— Et vous n’avez pas de caméra de surveillance chez vous ? Vous sauriez me dire à quelle heure il est passé ?

— Venez me voir avec votre plaque ou une preuve que vous travaillez pour la police et je vous en dirai plus. Si je peux. Mais vous m’avez l’air bizarre avec vos questions, là. Je ne suis pas sûre que ce soit très réglementaire, tout ça.

— Je passerai vous voir, merci déjà pour les informations, vous nous aidez à retrouver un fou qui en veut à des stars de cinéma. A bientôt.

Je raccroche et soupire car je n’ai pas beaucoup avancé. J’appelle Morgan et la tiens informée des dernières avancées du dossier. Je lui demande aussi de trouver le temps, malgré la venue de son beau gosse, de faire des recherches sur les caméras autour de la fleuriste afin de trouver un mec avec un bonnet, puis j’appelle un taxi afin de retourner au studio où j’arrive juste au moment où Rafaela sort de sa loge, sa semaine de tournage terminée.

— Tu as survécu sans ton assistant préféré ? demandé-je alors qu’un sourire illumine son visage quand il se pose sur Ben et moi.

— Ben est lui aussi très doué pour jouer l’assistant, tu sais ? Allez, sortons de là avant qu’Allan change d’avis et veuille nous faire tourner la scène de cul avant le weekend, les gars.

Je grimace à l’idée de savoir qu’elle va jouer ce genre de scènes avec Patrick et sous les yeux de la moitié du staff technique, mais je sais que c’est son travail et que je ne peux rien y changer. Par contre, je n’ai pas envie de rentrer immédiatement à la maison.

— Ce soir, je vous invite tous les deux au restau. Cela vous dit ? J’ai vu un petit restaurant éthiopien pas trop loin d’ici, je suis sûr que ça sera délicieux.

— Ce soir ? On ne peut pas plutôt faire ça demain ? Tu as vu la semaine qu’on vient de passer ? On serait mieux à se commander à manger et s’étaler comme des loques devant un film, dans le salon, non ?

— Oui, Mamie. On va rentrer faire du tricot et regarder une vieillerie qui est déjà passée cinquante fois à la télé, soupiré-je.

— Moi, je ne suis pas Papy mais je suis d’accord avec Rafaela. J’ai ma valise à préparer et demain matin, je pars super tôt, il ne faut pas que j’aille me coucher trop tard.

— Ah ben oui, faudrait pas qu’il soit fatigué pour sa nouvelle nana, rit notre patronne. Quant à toi, l’argument du film que tu aurais déjà vu, tu repasseras. Tu n’as pas de télé, ce sera une première pour toi. Mais tu m’as donné envie d’éthiopien, je ne te félicite pas…

— Bon, on fait quoi alors ? Tu viens avec moi au restau ? Et toi, Ben, sûr que tu ne veux pas te joindre à nous ?

— Oui, je suis sûr. Ne rentrez pas trop tard, que je ne m’inquiète pas.

— On t’enverra un message toutes les trente minutes pour que tu ne t’inquiètes pas, Papa, pouffe Rafaela. Allez, restau. Mais tu me paieras cette sortie dont je n’avais pas envie avant d’avoir un besoin maladif de manger éthiopien, l’assistant.

— C’est moi qui invite. Techniquement, je paie déjà, non ? rétorqué-je en souriant. A tout à l’heure, Ben.

Nous décidons de marcher jusqu’à l’établissement où nous sommes accueillis par une petite dame avec de jolies tresses. Elle nous installe autour d’une sorte de tam-tam qui est en fait une table traditionnelle.

— Alors, toi aussi, tu aimes la cuisine éthiopienne ? demandé-je en m’asseyant sur le petit tabouret étrangement confortable.

— Je ne serais pas là si ce n’était pas le cas. Non pas que ta compagnie me dérange, mais j’ai envie de dormir douze heures d’affilée, là.

Nous sommes interrompus par la serveuse qui arrive avec une petite bassine et nous procédons au lavage des mains traditionnel. Elle fait couler de l’eau chaude sur nos mains et nous nous essuyons avec les serviettes blanches mises à notre disposition. Nous commandons tous les deux le menu traditionnel et en attendant que notre repas arrive, je souris à mon invitée du soir.

— Merci de m’avoir accompagné, Rafaela. Je n’aurais pas aimé passer mon anniversaire devant un film que je n’aurais sûrement pas autant apprécié que ce petit moment en ta compagnie.

— Ton a… ton anniversaire ? C’est aujourd’hui ? Là, maintenant ? s’étonne-t-elle. Mais pourquoi tu ne l’as pas dit plus tôt ?

— Je ne sais pas, peut-être parce que ce n’est pas si important que ça. Ce n’est qu’une journée de plus dans ma vie d’assistant.

— Ça change tout, enfin ! Si tu me l’avais dit, tu aurais pu aller passer quelques jours dans ta famille, tu… tu n’es pas qu’un assistant, non plus ! Joyeux anniversaire, Angel, grimace-t-elle, désolée, je n’étais pas du tout au courant, Quinn ne m’a rien dit. Ça te fait quel âge ?

— J’ai vingt-sept ans aujourd’hui. Et pour ce qui est de passer des jours en famille, je n’ai personne de vraiment proche. Je préfère largement profiter de cette soirée avec toi. C’est déjà un bien beau cadeau de manger ma nourriture préférée avec une femme merveilleuse comme toi.

— Une cougar, tu veux dire ? pouffe-t-elle. Tu es plus jeune que moi, je n’avais jamais fait attention.

— Il faut dire que tu fais jeune, toi. Pas une ride ! Alors que moi, je ne vais pas tarder à avoir des cheveux blancs au rythme où je vieillis, rigolé-je, ravi de la voir si détendue en ma compagnie.

— Je peux t’augmenter si tu veux avoir recours à la chirurgie esthétique, mais je ne peux te conseiller personne, ma jeunesse est naturelle, mais elle est elle aussi vieillissante.

— On ne dirait pas que tu vieillis, c’est fou. Et pour le côté naturel, tu as vu le nombre de posts que je dois faire sur les réseaux pour le réaffirmer ? Tu es tellement sexy que les gens pensent que tu utilises des artifices… S’ils pouvaient te voir comme moi je te vois, ils comprendraient vite que tu n’as besoin de rien pour être la plus belle.

— Je suis constamment maquillée et retouchée, qu’est-ce que tu veux… Ça ne donne pas une image très naturelle de moi. Mais bref, ce n’est pas le sujet du jour. Surtout que tu n’as rien à m’envier niveau beauté.

L’arrivée du plat me permet de ne pas répondre et de cacher un peu ma gêne. Je regarde le bel assortiment de différentes spécialités déposées à même l’injera, cette galette éthiopienne qui leur sert à la fois de plat, de couverts et de pain.

— Attends, je vais poster une photo sur les réseaux, ça montrera ton goût pour l’interculturalité, dis-je en sortant mon téléphone.

Le sourire qu’elle m’adresse est calculé, c’est celui qu’elle réserve pour le public, celui qui cache toutes ses émotions. Elle est magnifique, certes, mais elle l’est encore plus quand elle se laisse aller.

— Et comme c’est mon anniversaire, on peut se faire un petit selfie à deux ?

— Pour nous ou pour les réseaux ? me demande-t-elle en se rapprochant de moi.

— Pour nous, pour moi, ça me ferait plaisir car je crois qu’à part quelques clichés de paparazzi, on n’a aucune photo à deux.

— Si tu me promets de les garder privées, on peut en faire plusieurs. J’adorerais voir comment tu grimaces autrement que quand je te demande un truc qui te gonfle, rit-elle en passant son bras autour de mes épaules.

— Promis ! On commence par les grimaces ?

— Comme tu préfères, je te suis, c’est ta soirée !

Je tire la langue et constate en effet qu’elle fait de même en plissant son nez si mignon en faisant un pied de nez. Je clique pour prendre la photo qui s’affiche à l’écran, provoquant de notre part un éclat de rire que j’immortalise en cliquant à nouveau. La nouvelle photo est magnifique, le sourire éclatant de ma partenaire la fait briller de mille feux, et nous voir heureux comme ça ensemble me fait revenir à cette nuit que nous avons passée tous les deux. Je me dis que ça serait un beau cadeau de pouvoir recommencer. Le jour de son anniversaire, on a le droit de rêver, non ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0