Dans la jungle

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Ils arrivèrent à proximité d'un petit village et quittèrent la piste principale. D'une part, Saïnathan avait de la famille là et puis surtout, il voulait éviter les militaires en faction de l'autre côté de la rivière.

Ils stoppèrent donc dans ce petit village pour laisser le van au cousin de leur chauffeur pour dorénavant utiliser la méthode la plus simple et surtout plus discrète : la méthode pedibus jambus.

Ce village était typique et fait de maisons en bambou, avec de grandes palmes tressées et entassées en guise de toit. Pour le coup c'était un double dépaysement pour notre duo de journalistes. En effet, d'abord pour les occidentaux habitués au béton et aux grandes structures de verre et de métal des grandes métropoles mais également par le fait qu'une semaine auparavant ils étaient dans des villages de case en terre et chaumes.

Les rares véhicules à moteur présents donnaient un cachet intemporel à ce tableau.

Les gens de ce village ne voyageaient que très peu et lorsqu'ils le faisaient c'était dans les espèces de taxi-bus qui passaient sur la piste non loin de là. Chose terminée avec la montée croissante des tensions entre les deux pays voisins.

Des enfants jouaient et couraient entre les habitations, leurs parents, eux, vaquaient à leurs différentes tâches, l'air soucieux. Ils parlaient entre eux à voix basse comme si des oreilles indiscrètes et malveillantes pouvaient les entendre. Leur préoccupation se lisait sur leurs regards, notamment quand les explosions se faisaient plus fortes.

Toute cette tension, ils tentaient de ne pas la montrer à leurs visiteurs occidentaux. Ils les avaient accueillis, chaleureusement, avec toute la réserve et la mesure que l'on connait des peuplades de ces contrées. Les femmes se sont montrées très douces envers Vanessa, et les hommes étaient fiers de montrer ce petit village paisible à Bob, pendant que les enfants les plus téméraires tentaient d'attirer son attention en faisant les zouaves.

Ils profitèrent donc de ce répit pour prendre le temps nécessaire pour se reposer du voyage et de se restaurer. Vanessa n'était pas mécontente de se rafraîchir enfin. Elle décida donc de faire un brin de toilette au bord de la rivière. Malgré son récent voyage en Afrique, elle avait la peau relativement blanche. Logique, elle n'avait pas été envoyée là bas pour le farniente. Cela la faisait sourire de voir ses traces de bronzage avec tant de démarcations ... comme si elle avait gardé chaussettes et t-shirt vu la blancheur de ceux-ci au regard du bronzage plus que prononcé de ses jambes ou ses bras, sans parler de son visage.

Au regard de l'odeur de tissu mal séché et de transpiration que ses vêtements dégageaient, elle se changea et en profita pour faire un brin de lessive. Il valait mieux sentir le feu de bois que tout ça.

Bien que sophistiquée et féminine, la jeune femme était relativement rustique et supportait bien ces conditions. Elle ne s'était pas embarrassée de gel douche et autres produits de beauté. Un bon pain de savon de Marseille faisait amplement l'affaire pour la toilette et les lessives.

Sinon, parfois, il lui arrivait de simplement observer les femmes des endroits où elle se trouvait pour employer leurs méthodes.

Ainsi, sous la protection bienveillante des femmes du village, elle fit sa toilette à l'abri des regards, tout en écoutant, soucieuse, les bruits d'explosions et de coups de feu qui éclataient à plusieurs dizaines de kilomètres de là.

Cela donnait une image surréaliste à ce tableau: entre le côté bucolique de cette jeune femme à moitié nue au bord d'une rivière tropicale au cœur de cette jungle, sous une lumière douce filtrée par les arbres non loin, et tous ces bruits de guerre et panaches de fumée visibles au loin.

Après avoir pris un peu de temps pour eux, notre équipe de journalistes écoutèrent les infos locales sur le vieux poste radio du chef du village et firent un point de situation avec Saïnathan.

Le plan était le suivant : ils allaient, plutôt que de foncer tête baissée vers le front, monter vers les zones intermédiaires, un peu en retrait. Ce qui ne faciliterait pas la tâche car cela leur rajoutait des jours de jungle, hors piste.

Ils décidèrent tout d'abord de faire un premier enregistrement avant le coucher du soleil, et le lendemain faire le grand saut dans l'aventure.

Comme à leur habitude, pendant que Bob préparait la caméra, Vanessa déploya l'antenne satellite de campagne et la connecta au pc portable, lui même relié à son alimentation solaire. Cela pouvait sembler encombrant mais tout tenait dans un sac à dos. C'est pour cela que Bob se permettait d'emporter avec lui son appareil photo en tout bon amoureux de l'image qu'il était.

Ils enregistrèrent donc un 30 secondes, sorte d'happening à ce qui les attendait, qu'ils envoyèrent à Paris. Bob en profita comme à son habitude pour vider la carte SD de l'appareil photo et envoyer le contenu sur son cloud, par prudence. "Déjà ça de gagné" avait-il l'habitude de dire. Ses photos sauvées et surtout la sécurité des gens assurée si cela devait tomber entre de mauvaises mains.

Voilà. L'aventure allait vraiment commencer pour eux le lendemain, aux aurores, quand ils traverseraient la rivière pour s'enfoncer discrètement dans la jungle Minji.

Vanessa sortit fourbue d'un sommeil hâché et entrecoupé de sursauts. Elle pesta contre cette natte qui lui paraissait si fine pour un matelas. Dormir au son des insectes et diverses animaux pullulant dans la jungle n'était pas chose aisée. Une petite chance, au loin, les combat s'étaient passablement réduits pendant la nuit.

Elle bénit sa moustiquaire qui l'avait protégée d'une attaque en règle, puis secoua ses vêtements et ses chaussures pour s'assurer de l'absence de passager clandestin et s'habilla.

Après avoir mangé un bout, la petite troupe se mit en ordre de marche et traversa la rivière.

Le chef du village qui les avait acheminés avec sa pirogue les regarda disparaître dans la jungle en priant les dieux qu'il ne leur arrivât rien.

Il tourna les talons, et retourna lentement au village sous le cri strident des singes hurleurs, qui d'un coup se turent au bruit d'une explosion qui se fit entendre.

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