Première rencontre avec la guerre

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Cela faisait maintenant quatre jours qu'ils progressaient difficilement en direction du Nord-est. Ils avaient traversé des cours d'eau, évité des marais. Ils ne s'y trompaient pas, ils se rapprochaient de la fureur de la guerre.

Ce que craignait Vanessa c'est que ce conflit ne soit pas très conventionnel. Elle a vite compris que là où ils s'aventuraient ce n'était pas un champ de bataille à proprement parler mais plutôt des escarmouches et de la guérilla. La frontière bien plus à l'est entre les deux belligérants était certes une plaine où les premiers affrontements l'ont été à l'occidentale, c'est à dire, tirs d'artillerie, bombardements, puis offensive terrestre. Toute proportion gardée bien sûr nous n'étions pas dans "tempête du désert" en Irak. Les moyens étaient plus limités, les véhicules et armes étaient plus proches de la réforme que des usines GIAT ou Dassault. Ceci étant dit... Une arme reste une arme et utilisée comme telle et bien une arme ça tue !

L'offensive en plaine des premiers jours passée, le conflit prit certainement un tour différent, ce qu'ils allaient rencontrer, avec un autre ennemi : la jungle.

Heureusement, pensa Vanessa, que toutes les armes des années soixante n'avaient plus cours car ils auraient eu certainement droit au défoliant et au napalm...

Ils avaient traversé une zone de combat, quelques heures après celui-ci, et avaient livré leur premier vrai reportage du conflit. Un village en feu, des cadavres, des milliers de douilles au sol, et loin là bas des hélicoptères qui mitraillaient aveuglément dans la jungle.

pour fournir une illustration aux commentaires de Vanessa, Bob faisait des plans rapprochés des maisons en feu, ou des étuis au sol, mais également prenait des plans plus larges et filmait les combats aperçus au loin. C'est ainsi, qu'il avait pointé sa caméra sur cette petite traînée de fumée qui sortait droit de la forêt. Cette traînée grise traça droit vers un des hélicos pour venir le percuter. Celui-ci se mit à tournoyer lentement en perdant de l'altitude pour finir sa course englouti dans la forêt qui sans autre forme de digestion recracha une boule de feu et de fumée dans un fracas terrible.

Il n'en revenait pas, il venait de filmer en direct le crash d'un helico pris sous le feu et touché par une roquette ou une arme anti aérienne...

Il était stupéfait, et regarda Vanessa qui était bouche bée, horrifiée par le spectacle. Ce qui faisait qu'ils étaient une bonne équipe c'est qu'ils n'étaient ni l'une ni l'autre du genre avides de sensationnel. Ils ne se réjouissaient pas de voir tout ce malheur se dérouler devant leur yeux, ou plutôt devant leur objectif. De l'adrénaline ils en avaient mais de l'excitation malsaine pas du tout. Ils savaient tous les deux que le reportage ne devait pas se faire au prix de la vie des gens. C'est peut être pour cela aussi que JP "la jambe cassée" était la star de la rédac' car lui n'avait aucun scrupule.

Une fois, le reportage dans la boîte, les images furent envoyées à Paris, avec les commentaires écris sur le pouce par la journaliste. Saînathan était nerveux, les combats semblaient se rapprocher de chez lui et visiblement il était très mal à l'aise avec ce qu'il voyait s'étendre à leurs pieds. Il paraissait maintenant plus enclin à retourner chez lui sauver les siens plutôt qu'à guider ces deux journalistes occidentaux faire ces reportages pour le monde entier.

Après avoir parlé avec et aidé comme ils le pouvaient les témoins impuissants et surtout victimes collatérales de tout cela : les villageois, ils continuèrent leur route et s'enfoncèrent de nouveau dans la jungle.

Ils marchèrent un long moment avant que les odeurs du champ de bataille ne laissent place à celles de la nature environnante.

Par contre, depuis l'instant où ils avaient traversé les affres de la guerre, la très nette impression que les animaux et insectes se terraient et se faisaient tout petits et avaient mis une sourdine à leurs cris. Ce n'étaient que de timides chants aviens qui perçaient ça et là.

Comme si la nature s'était mise au ralenti et baissé le volume général au passage guerrier des hommes.

Vanessa étreinte par l'angoisse de cette lourde ambiance, fut rassurée lorsque l'averse suivante ne tomba point au ralenti ni sans un bruit, ce fut même un déferlement assourdissant de gouttes sur la végétation environnante. Comme si la nature voulait se laver de tout cela, peut être même aussi le fait d'avoir eu le malheur de créer un monstre : l'humain.

La frêle équipe ne chercha pas à se mettre à l'abri de toute cette eau pour avancer coûte que coûte. Saïnathan pourtant mouillé comme les autres paraissait être au sec dans sa pauvre tenue de montagnard. Bob et Vanessa par contre en avaient le tissu collé à la peau. Vanessa sourit impuissante même quand elle se rendit compte que ses vêtements ne cachaient plus rien de ses formes, situation qui aurait pu paraître cocasse,voire grivoise en d'autres circonstances.

Ils arrivèrent enfin à une sorte de campement reculé et abandonné où ils allaient pouvoir enfin se mettre à l'abri. Ils décidèrent d'y rester pour la nuit.

Une espèce de carbet de fortune y avait été installé, et après avoir hésité un peu ils décidèrent finalement de faire du feu. Pendant un long moment il y eut plus de fumée que de flammes. Puis, le maigre foyer se mit en route et daigna vouloir survivre pour enfin s'imposer.

Sans un mot, ils mangèrent les dernières victuailles encore fraîches qui leur avait été données au village.

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