le piège
Ce fut une nuit bien calme qui s'achevait. La guerre s'était comme mise en suspend au fil des heures, les explosions avaient laissé place à des rafales d'armes automatiques, elles-mêmes devenues tirs sporadiques pour enfin se taire.
la tension générale était redescendue avec le bruit grandissant de la nature reprenant ses droits dans cette jungle immense et luxuriante.
Il s'était levé sans bruit aux aurores. Ses deux compagnons de route dormaient encore.
Heureux que les averses n'aient pas duré, il s'accroupit pour remuer les braises encore rougeoyantes.
Après un petit instant, il se leva pour partir à la recherche de fruits et d'un peu de bois sec pour nourrir les hommes et le feu.
C'était une bonne journée qui s'annonçait, il apercevait le bleu du ciel au travers de rares trouées de la canopée.
Oubliant la guerre et ses menaces, il avait cueilli avec entrain et trouvé de quoi faire repartir leur doux foyer de fortune. C'est en s'éloignant un peu qu'il avait trouvé ces baies si juteuses et fruitées véritables sources d'énergie. Il se felicita de sa curiosité pour les plantes tropicales méconnues et leurs vertus si bénéfiques. Connaissances gage de survie dans un lieu si hostile.
Il trouva ensuite un point d'eau courante, et avec prudence, il se terra, caché par le couvert de buissons épais. il resta un moment immobile et silencieux pour observer. Après s'être assuré que tout était calme et l'endroit sûr, il se détendit et pris le temps de se rafraîchir.
Le petit cours d'eau était limpide et le courant lui caressait les jambes pendant qu'il se frottait le visage et le haut du corps, toilette ô combien agréable après toute cette moiteur et les efforts consentis par la marche de la veille.
Il reprit ensuite son fardeau pour retourner au campement.
Après quelques dizaines de mètres, Saïnathan fut saisi d'effroi par des cris venant vraisemblablement du camp.
Il se rapprocha en silence et en avait maintenant la certitude, ses journalistes venaient d'être découverts. Par qui ? Il n'en savait rien.
Pour le savoir, il se rapprocha encore, et encore jusqu'à l'instant où il posa le pied où il ne fallait pas. Un gros craquement se fit entendre et ce qui semblait être un cochon sauvage quitta le couvert devant lui en faisant un bruit de tous les diables. Les cris des soldats au loin furent des cris d'alerte. Les voix se rapprochèrent en criant de plus belle. Saïnathan lâcha sa récolte et s'enfuit à toutes jambes dans la direction opposée. C'est là que les premiers claquements se firent entendre et les balles sifflèrent dans les fourrés autour de lui. Cela incita le jeune homme à décupler sa vitesse et il parvint tant bien que mal à les semer. Il entendait les voix renoncer à sa poursuite. Et le silence accompagnait maintenant sa leste foulée dans le sous-bois. Il put enfin respirer. Il se mit à marcher et continua à s'éloigner de ce danger en culpabilisant d'étre encore en vie ou tout du mieux en liberté sans savoir ce qu'il advenait de ses compagnons de route.
15 minutes plus tôt :
Sans le vouloir, Saïnathan l'avait réveillé en se levant. Bob l'avait observé s'accroupir pour attiser les braises. Il avait regardé son petit manège au travers du voile de ses paupières mi-closes. il se réveillait doucement, et n'eut pas envie d'interrompre le petit rituel qui se déroulait devant ses yeux.
Quand Saïnathan se releva pour aller, pensait-il, chercher du bois, il se leva à son tour et fit quelques pas autour du feu. Il jeta un coup d'œil à sa collègue qui semblait dormir du sommeil du juste sous sa moustiquaire. Il percevait la faible mais douce chaleur émise par la braise, il s'étira doucement, en levant les yeux au ciel constatant avec bonheur l'absence de nuage.
Profitant de l'absence de l'un et du sommeil de l'autre il s'éloigna pour se rendre là où personne d'autre ne pouvait aller à sa place.
Il soupira paisiblement en ouvrant sa braguette et commença à uriner tête baissée yeux mi-clos. Il chantonnait un air connu qu'il appréciait particulièrement. Un craquement de brindille le sortit de son soulagement. Il ouvrit les yeux et juste devant l'endroit où il avait uriné, il vit une paire de sandales. Horrifié il constata que ce n'était pas les bonnes vieilles méduses de son guide mais un vieille paire de sandales en cuir. Il releva la tête. Une crosse vint le frapper et ce fut le voile noir.
De son côté, Vanessa, elle, fut réveillée de manière plus brutale que ses camarades. On la traîna par les pieds hors de sa moustiquaire.
Elle poussa malgré elle un cri de cochon qu'on amène à l'abattoir.
Elle tenta de se débattre en tapant des pieds à tout va, dans toutes les directions. Autour d'elle se forma un cercle d'hommes armés l'air goguenard de voir cette occidentale gesticulant pieds nus sur le sol de la petite clairière.
Un des hommes présent ouvrit les sacs et brandit sa trouvaille. La caméra. Ce fut comme un interrupteur qui coupa net Vanessa dans son autodéfense, elle savait. Eux jubilèrent.
Ils avaient trouvé en ce couple de blancs, ces journalistes, un trésor ô combien précieux au milieu de la jungle qu'ils se disputaient avec les Parianis.
Soudain, un lourd craquement au loin les interrompit puis un bruit de calvacade se fit entendre. Des ordres fusèrent et les hommes armés se mirent à courir dans cette direction en criant des injonctions menaçantes.
Saînathan ! Vanessa se mit à espérer. Il fallait que Saïnathan s'en tire. C'était leur seule lumière d'espoir.
Cours, Saïnathan ! Cours ! Va-t-en, sauve ta vie tu pourras peut-être sauver la notre !
Les hommes criaient en courant.
Puis ce fut un coup de feu, puis deux, les rafales éclatèrent ensuite.
Vanessa priait en son for intérieur pour qu'ils le ratassent.
Elle releva les yeux, frémissant à chaque déflagration. Son regard croisa celui de Bob qui s'était réveillé, il se frottait la tête douloureusement, et posa un regard sur elle avec des yeux écarquillés de terreur.
La fusillade laissa la place au silence. Un silence assourdissant.
Elle se sentait perdue... Ils étaient perdus. Au mieux Ils n'étaient devenus qu'une vulgaire monnaie d'échange au milieu de tout cet immense échiquier et, au pire...Non, ne pas y penser... Elle n'osait même pas l'imaginer ce pire...il ne fallait pas.
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