Otages

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Les rebelles étaient revenus bredouilles de leur chasse à l'homme, ça se lisait sur leurs visages frustrés. Bob se remettait doucement de sa rencontre inopinée avec cette kalachnikov et se frottait doucement l'énorme bosse qu'il avait désormais. On avait laissé le temps à Vanessa de se chausser et de plier sa moustiquaire. Et, malgré la fuite de leur guide, elle n'était pas sereine.

Son inquiètude venait du regard de leurs gardiens. Le caméraman était scruté avec méfiance et on lui adressait des menaces de manière agressive. Quant à elle, elle était confrontée à des yeux remplis de convoitise. Elle se sentait passer aux rayons X. Et les menaces, elle le comprenait très bien étaient d'un tout autre registre.

Elle se sentait bien seule, elle, jeune occidentale, au milieu de la jungle entourée de tous ces hommes armés.

Avant le départ, on leur avait remis leurs sacs sur le dos avant de les attacher solidement avec une fine corde de chanvre. Cela n'incitait pas à résister car le moindre mouvement leur echauffait la peau des poignets.

Comble de l'humiliation, comme des trophées, ils étaient l'un et l'autre comme tenus en laisse. Une corde faisant plusieurs fois le tour du cou, un noeud venait assurer la prise. À l'autre extrémité, la corde était tenue par un des soldats.

Ils se mirent à marcher en silence. On ne leur avait rien demandé ni dit de spécial, juste menaces et injonctions de se lever et de marcher.

La petite troupe devait compter une douzaine de personnes. Ils ne portaient pas d'uniformes réglementaires, cependant, ils étaient tous habillés de tuniques de coton noir. Sandales au pied et kalachnikov en bandoulière.

Marcher dans la jungle mains attachées n'était pas chose aisée alors avec de temps à autre la pression douloureuse de l'embouchure d'un canon de 7,62 cela apparaissait d'autant plus angoissant. Et c'était une situation inédite pour notre binôme.

Ils avaient toujours réussi à passer au travers des mailles du filet. Une erreur de commise sans doute, mais laquelle ? Pendant des heures, Bob ne cessait de ressasser cette question dans sa barbe de trois jours.

Vanessa, elle, avançait silencieuse et le regard baissé devant elle. Les yeux posés sur elle, la fixaient avec tellement d'intensité qu'elle se refusait de laisser entrevoir quoi que ce soit à ses geôliers. Elle entendait la ritournelle entêtée de son codétenu et petit à petit l'énervement la gagna. Elle voulait du silence et réfléchir en paix pour trouver une solution. La tension monta tellement en elle que Vanessa perdit sang-froid et lucidité. Elle s'arrêta net, se retourna pour crier sur Bob :

- Putain Bob ! Tu vas arrêter ? C'est ce putain de feu qui nous a fait repérer ! La fumée de ce bois humide devait se voir à des kilomètres, putain !! Tu l'as ta réponse, ferme-la maintenant !

Elle ne prenait pas en compte que face à elle, Bob effrayé lui supplia de se calmer, elle ne l'entendait même pas, il tentait pourtant de l'apaiser car effectivement les gardes lui criaient peut-être ou sans doute de la fermer et de reprendre la marche, elle ne comprenait pas un traître mot qui sortait de leurs bouches.

Le plus gradé d'entre eux, le chef celui qui donnait les ordres depuis le début, s'avança en écartant du bout du bras le soldat devant lui. Il mit une gifle tellement forte à Vanessa, qu'elle en tomba emportée par la force et la surprise du coup. Elle s'effondra au sol en pleurant.

Le chef continuait à lui parler mais sans crier. C'était une sorte de litanie menaçante.

Il se pencha sur elle, et lui attrapa les cheveux.

Il tira dessus pour la relever dos à lui en lui secouant la tête. Il lui fit se tourner et lui attrapa le menton en souriant... Elle ne comprenait pas ce qu'il disait, ce qu'il voulait. Mais de voir ce visage si proche du sien decupla sa rage. Et lui cracha au visage.

Stupéfait le chef s'arrêta net s'essuya en souriant et lui remit une gifle encore plus forte que la précédente.

Elle tomba à nouveau, l'homme arracha une baguette du buisson à proximité de lui et la fouetta à plusieurs reprises en appuyant ses mots inconnus pour elle sur les coups portés.

Les hommes formèrent un cercle autour d'eux et rigolaient.

Bob lui semblait pleurer doucement devant ce spectacle désolant de déchaînement de violence sadique.

Vanessa se calma rapidement sous la douleur. La peau sous son pantalon et sa chemise comme lacérée sous cette cravache improvisée. Des larmes amères coulaient de ses yeux, elle décida de se taire, échaudée par sa récente expérience.

La tension redescendit un peu. Et sous les ordres, elle se releva douloureusement, en essuyant ses larmes de rage et de douleur.

La colonne reprit forme et s'élança de nouveau. Le chef du groupe conserva son instrument de torture et jouait avec comme pour narguer Vanessa en lui glissant sous le menton, sur le bas du dos ou simplement en l'arborant fièrement.

Et chaque fois que Vanessa croisait un regard, la personne souriait ou ricanait de la voir en souffrance.

Lorsque la petite troupe traversa une petite rivière, elle ralentit son pas pour profiter de la fraîcheur de l'eau qui semblait vouloir calmer le feu du fouet.

Alors que le groupe finissait de traverser le cours d'eau, un vrombissement se rapprochant se fit entendre. Les hommes comme pris d'une frénésie soudaine, se dépêchèrent de quitter le lit de la rivière bien trop à découvert pour eux. Robert et Vanessa furent trainés comme du bétail. Elle perdit l'équilibre et tomba dans l'eau, sous les cris mi-enervés mi-apeurés de leurs gardiens, qui se mirent à plusieurs pour tirer sur sa... laisse. Ils se découvrirent des notions d'anglais car fusaient ça et là, des "wake up" et des "quick quick". Tant bien que mal passablement étranglée, et brûlée par le chanvre elle parvint à s'extirper de l'eau pour sortir enfin.

Le bruit était en fait un hélicoptère qui remontait justement le cours d'eau à la recherche de proies. Les oiseaux tapis dans les arbres s'envolaient de toute part. Toute la faune était en agitation pour fuir la fureur des hommes.

Pendant que le claquement sourd des pales se rapprochait, des détonations se firent entendre. Le mitrailleur de bord arrosait littéralement ça et là, où il pensait voir l'ennemi.

Ils réussirent tous à se mettre à couvert cachés par la lisière quand le Mil Mi-24 passa dans un boucan du tonnerre au dessus de leur tête. Il passait si bas, que le vent des pales couchait littéralement la couche supérieure de la canopée.

Comme les pics d'un hérisson les armes étaient dressées vers le ciel et suivaient silencieusement le mouvement de la machine. les regards nerveux ne s'apaisèrent pas immédiatement.

Ils ne sortirent de leur cachette qu'une fois sûrs que l'hélicoptère leur était hors de portée.

Ils repartirent ainsi, nettement plus nerveux, comme s'ils fuyaient une menace grandissante. Ainsi, le rythme changea considérablement, les pauses n'offraient même plus de répit pour les jours à venir.

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