L'enfer

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"Madame , monsieur bonjour, nous sommes le mercredi 2 février 2022. Cela fait maintenant 12 jours que nous sommes sans nouvelles de Vanessa Fournier et Robert Dumoulin nos envoyés spéciaux en Asie Centrale au coeur du conflit entre Minjis et Parianis. Au regard de la situation géopolitique et des difficultés du terrain, le travail journalistique apparaît des plus compliqué et risqué sur place. Nos deux courageux confrères avaient pris le parti de ne pas suivre les services de presse des armées locales trop étreints par la censure et la propagande pour s'enfoncer au cœur de la forêt et des combats, à la rencontre des populations locales pour tenter comme à leur habitude de livrer des reportages les plus objectifs possible.
Ce matin, le Quai d'Orsay a réaffirmé sa volonté de faire le nécessaire pour tirer au clair cette affaire et sortir nos confrères de là. Lors de ce point presse, le porte-parole a confirmé que ceux-ci contrairement aux différentes allégations de certains partis n'avaient pas pris de risque inconsidéré, et salué à plusieurs reprises le professionnalisme dont ils avaient déjà fait preuve en Centrafrique.
La situation sur le terrain..."


Jetant un dernier regard sur les portraits des deux disparus, Michel Garnier tassé dans son fauteuil, coupa le son de son téléviseur et tira longuement sur sa cigarette et soupira en recrachant la fumée.
Il avait reçu des coups de téléphone de la directrice de la chaîne mais également de son contact à l'Elysée. La situation était tendue car pour l'instant, personne ne savait rien. De plus, le sort des journalistes n'était certainement pas une priorité pour les bélligerants qui s'enfonçaient dans une violente guerre et se rendaient coup pour coup à force de guérilla et attentats pendant que leurs armées régulières qui étaient en plein statu quo complètement figées sur leur ligne de front.

Dans la jungle Minji, un petit groupe, affamé et éreinté franchissait un pont de cordes pour entrer dans un village reculé. Une petite troupe armée traînant avec elle t ses deux prisonniers
Les femmes et enfants du village vinrent à la rencontre de leurs maris et pères qui rentraient enfin sains et saufs.
Certains toisaient avec curiosité leurs prisonniers. Ceux-ci faisaient presque peine à voir, le visage éteint et sale, les vêtements détrempés et déchirés. Cette femme occidentale, relativement grande faisait l'attraction. En effet, peu de villageois avaient eu le loisir de voir un occidental, alors une femme blanche et habillée comme elle l'était, c'était pour eux un jour à part. On venait toucher ses cheveux clairs ou passer un doigt sur la peau des bras ou du visage à la recherche de cette texture qui leur semblait étrangère. Après avoir été exposés comme des bêtes de foire, ils furent, à leur grand dam, séparés et placés dans des cages en bambous distantes l'une de l'autre, interdisant ainsi toute communication même visuelle.
Vanessa morte de fatigue s'assit contre les solides barres végétales.
Elle fit ensuite un point de situation.
Premièrement, bien que harassée par la marche, elle était contente du passage de l'hélicoptère de combat. En effet, dans leur fuite ces soldats de fortune n'avaient plus prêté attention à elle et elle s'est nettement moins sentie proie à leurs yeux. Cependant, l'agressivité avec laquelle on les traitait ne présageait rien de bon au regard de la colère qui se dégageait d'eux et du fait qu'ils n'avaient l'air de ne devoir répondre de personne... Vanessa avait le sentiment qu'ils menaient leur propre guerre.
Mollement, elle leva la tête et fit un tour d'horizon.
Le village comptait peut-être une trentaine de maisons. Il y avait une espèce de grand carbet au milieu de la place.
Les maisons de ce village étaient traditionnelles, construites sur pilotis en bambou avec de la palme tressée pour recouvrir le toit. Les villageois gardaient ainsi leur maigre bétail à l'abri sous leurs maisons. Elle suivit du regard le chef de la petite troupe qui traversait la place pour monter dans la grande maison trônant à une vingtaine de mètres du carbet.
Absorbée par cette image, et clairement dans le gaz, elle ne prêta pas attention aux deux hommes qui s'approchaient de sa cage.
La porte s'ouvrit et :
-အနောက်တိုင်း အမျိုးသမီး ခွေးတစ်ကောင် ရပ်နေသည်။ !!

- qu.. quoi ? Dont undertsand !
Elle comprit les gestes et se leva doucement. Elle fut saisie par le bras.

- ဒီကိုလာပါ ! ငါတို့မင်းရဲ့ဖင်ကိုဆေးလိုက်မယ်။
Elle était malmenée. Le deuxième homme lui saisit la chemise par le col et lui arracha. Une main prise par un geôlier, l'autre bras replié sur la poitrine plaqué contre sa brassière pour tenter de cacher le peu d'intimité qui lui restait, elle ne luttait plus trop car ballottée comme une marionnette.
Traînée en dehors de sa cage, on la tira jusqu'à une petite plage au bord de la rivière. Au passage, elle croisa le regard de Bob qui la soutenait silencieusement. L'un et l'autre rassuré de savoir son collègue en vie.
Jusqu'ici tout va bien.
Du moins jusque là. On l'arracha à cette pause pour la projeter plus en avant, jusqu'à la plage où elle s'écroula au sol, au pied d'un soldat qui attendait là. Celui-ci la pointa du doigt comme pour donner des ordres :

- စားကြွင်းစားကျန်များကို အနားယူပါ။
Désemparée elle le regarda en levant les mains ouvertes au niveau sa poitrine paumes vers le ciel.
Je-ne-com-prends pas... Don't undertsand... Je ne sais pas comment vous le dire, putain !
Les deux hommes se jetèrent sur elle pour lui arracher le reste de vêtements.
Humiliée, malmenée, littéralement écartelée, Vanessa se retrouve sous le regard carnassier de ses gardiens. Ils lui attrapent les bras pour les tenir en croix. Le troisième l'asperge à plusieurs reprises avec un seau rempli d'eau de la rivière...
Pour une douche improvisée tout cela n'était nécessaire. Ils voulaient certainement la briser moralement ou pire simplement l'humilier.
Trempée, seulement habillée de ses chaussures, Vanessa s'était prostrée sur elle même.
On lui jeta une tunique en coton noir et elle comprit d'elle même qu'elle devait se rhabiller après cette "toilette". Ensuite, on la jeta de nouveau dans sa cage. Des cris plus loin lui firent comprendre que Bob était également passé à la salle de bains.
Vanessa ne savait pas ce qu'il adviendrait d'elle... Une chose était sûre, si l'enfer existait, ils devaient ne pas en être très loin.

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