"La réponse à mes questions ? dit l'Homme incrédule. Vous parlez de celles qui tourmentent mon esprit depuis que je suis seul ? "

Elle n'eut que pour seule réplique un sourire suivi d'un doux et lointain " Marchons ". À ces mots, elle s'éloigna vers l'exterieur.

Le solitaire, encore choqué par ce qu'il venait de voir, mit un certain temps avant de réagir. Il finit par se lever et se dirigea vers la porte qui menait à l'extérieur. Lorsqu'il fut dehors, la lumière éblouissante du ciel agressa ses yeux le forçant à les fermer. Il était resté tellement de temps dans la maison obscure dans laquelle il s'était laissé aller au désespoir...

La première fois qu'il y était entré, c'était il y a 2 ans. Le désespéré avait désiré s'y laisser mourir. Il fallait le comprendre, les premières semaines suivant la disparition, où la solitude commençait à le dominer, il avait entrepris de partir à la recherche d'éventuels survivants. Après avoir parcouru toutes les villes principales du pays durant 3 longues années et constaté qu'il était le seul sur tout le territoire, il en avait déduit qu'il devait en être de même dans les autres contrées. Il était donc retourné dans sa ville initiale le cœur meurtri.

Il ne supportait plus l'idée d'être seul et plus d'une fois, il avait voulu en finir. Mais en raison d'un manque de témérité, ou d'un excès de raison, il n'avait pu se résigner à un tel sort. Depuis, il attendait avec une certaine impatience que le repos éternel l'endorme à jamais.

Mais étrangement, malgré le fait qu'il n'ait rien mangé et bu depuis 5 ans, à aucun moment, il n'avait senti son âme se détacher pour rejoindre un autre monde.

L'ange l'attendait sur la route qui passait devant sa grotte. Un ours sortant de sa tanière après des mois d'hibernation. Une fois à sa hauteur l'ermite attendit, gêné d'être si proche d'un être si parfait, tellement loin de la souillure humaine. Elle regardait autour d'elle avec un air nostalgique. Elle pensait sans doute à ce à quoi ressemblait le paysage qui l'entourait avant qu'il ne devienne ce qu'il était aujourd'hui. Les maisons et les immeubles, après 5 années d'abandon, étaient délabrés et n'avaient que pour uniques habitants les rongeures et les herbes parasites. Les parcs, autrefois animés par les cris d'enfants, n'avaient que pour seuls bruits celui des balançoires grinçantes se brinquebalant au rythme du vent. Les routes d'asphalte étaient désormais recouvertes de verdures... Après avoir fini sa contemplation mélancolique, elle invita l'Homme à marcher à ses côtés. Il s'exécuta toujours intimidé par la présence angélique qui cheminait là, tous près de lui. Après quelques, pas elle prit la parole, toujours sans ouvrir la bouche.

"Tu dois avoir tant de questions...

—.........Je... Qui-êtes vous, que faîtes vous ici, pourquoi suis-je la seule personne du monde pourquoi je... ? commença-t-il toujours choqué.

— Avant de répondre à cela, je dois te parler de ton monde. l'interrompit-elle.

— Mon monde ?

— Oui, la terre."

Pas de réponse. Seul le vent venait troubler le silence de la ville dans laquelle marchait l'étrange couple. Alors que les bourrasques de vent forçaient le dernier Homme du monde à plisser les yeux, l'être surnaturel qui se tenait à côté de lui ne semblait pas en être affecté. Pas même ses cheveux n'étaient malmenés par le vent. Elle reprit la parole.

"Depuis votre création, il y a des millions d'années, vous n'avez cessé de multiplier les ignominies. Que ce soit, le meurtre, le viol, l'esclavage de vos propres congénères ou encore les massacres de peuples. Lorsqu'il vous a créé, il ne pensait pas que vous deviendriez des êtres si cruelles. À l'origine, il s'attendait à ce que vous soyez une belle réussite, des êtres bons et aimants. Il savait que vous ne seriez pas parfait, mais pas que vous seriez une erreur. Telles sont ses paroles. Alors que les années, les décennies, les siècles, et les millénaires passaient, il voyait votre méchanceté s'accroître, et son espoir pour vous décroître.

— Vous parlez de...

— Je parle de l'Humanité.

— Attendez ! Je ne comprends pas ! Vous ne cessez de répéter "il". Mais qui est cette personne ?

— Votre créateur, évidemment. Celui qui régit les univers.

— Vous voulez dire... Dieu

— Dieu, Allah, Yahvé, Zeus Horus... Vous avez de nombreuses façons de l'appeler. En fonction de l'ère, du peuple et d'autres facteurs, ses appellations changent. Pourtant, c'est une même et unique personne. Car ceci est dans votre nature :

La conscience qu'une force supérieure vous domine.

Mais là n'est pas le sujet, je veux d'abord te parler de ton monde. Ton monde souillé jusqu'au plus profond de sa chaire. Le jour où le premier humain a été créé, le créateur avait déjà déterminé une date précise pour que vous le rejoigniez. Mais vint un moment où il voulut renoncer à cela. À cause de votre mentalité, il pensait que vous ne seriez jamais prêt pour le rencontrer.

Pour cela, il désira appliquer "La purification" un châtiment des plus drastiques. Son but est de débarrasser un monde d'un fléau qui l'habite. Mais ce fut la première fois que, parmi toutes les sphères abritant la vie qu'il avait créées dans les univers, ce que vous appelez "planète", qu'il songea aussi vite à l'appliquer. Mais le plus triste est que, "La Purification" n'est normalement pas censée être destinée à éradiquer l'espèce dominante d'une sphère.

Le premier usage de ce châtiment, a eu lieu il y a des milliers d'années. Elle est relatée dans ce livre que vous appelez "La Bible". Tu connais très certainement l'histoire du grand déluge. En raison du mal qui souillait l'humanité le créateur a fait mourir tous les humains outres quelque rares élus et la faune terrienne pour que l'humanité subsiste. Et bien, en réalité, il avait prévu de faire mourir tous les humains et d'élever auprès de lui ces personnes qui possédaient une âme pure. La terre ne serait alors devenue qu'une sphère habitée uniquement par des créatures de rang inférieur. S'il ne l'a pas fait, c'est parce que nous, ses fidèles serviteurs, avons plaidé en votre cause. Nous l'avons convaincu de vous faire confiance, qu'en votre race, il y avait de l'espoir. Mais malheureusement, le temps qui est passé depuis cette décision nous a montré le contraire...

C'est pour cela que tu ne vois plus d'humains, parce que "La Purification" a partiellement été appliquée en raison de votre méchanceté accumulée au cours des siècles.

—... Je...ne sais... Je ne sais pas... quoi dire ! bégaya l'Homme choqué par ce qu'il venait d'apprendre.

En seulement quelques minutes vous venez de répondre à une question que l'humanité se pose depuis la nuit des temps. D'où venons-nous ? Au final, aucun de nous n'avait réellement raison, mais n'avait pas tout à fait tort non plus. Pour moi, l'idée d'une guerre de religion était dénuée de sens, alors après ce que vous venez de me dire elle en devient ridicule. Il en va de même pour l'oppression des peuples. La soumission de ces derniers alors qu'au final nous somme bel et bien tous égaux revient à s'en prendre à un membre de sa propre famille... Enfin, vous me direz que les crimes familiaux sont légions dans l'histoire de l'humanité. Si l'on en croit les récits historiques et ce qui y est relaté, depuis notre existence nous avons multiplié les erreurs. Je ne saurais dire pourquoi, mais je savais qu'un jour ou l'autre l'humanité devrait rendre des comptes à quelqu'un. En revanche, je ne peux croire que tous les humains soit aussi mauvais que vous le pensez. N'est-ce pas une erreur de traiter de la même manière des Hommes bons et des Hommes mauvais ?

— Ce n'est pas fini. Laisse-moi t'expliquer. Il y a 5 ans, le mal qui animait l'être humain était tel que même les serviteurs du créateur, comme moi, qui avaient eu espoir en vous, perdirent toute estime pour les être regrettable que vous étiez, et...

— Attendez ! Vous me dites que le créateur a fait mourir tous les êtres humains ! Mais pourtant, je me souviens qu'il est écrit dans la bible qu'il avait promis de ne plus jamais frapper la terre d'une telle catastrophe qu'est le déluge !

— Voici ce qu'il a dit et ce qui est écrit : " Je ne maudirai plus la terre, à cause de l'homme, parce que les pensées du cœur de l'homme sont mauvaises dès sa jeunesse ; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l'ai fait. " Il a respecté sa parole. Les animaux et les végétaux n'ont pas été affectés par la disparition. Et la terre n'a été touchée de aucun maux ci ce n'est d'être débarrassé d'un plus grand encore... Certes, les humains ne sont plus là, mais ont-ils eu à souffrir de voir la mort approcher comme il y a des milliers d'années ?

—...

— Qu'ils soient partis de cette manière est bien moins dure à subir qu'autrement.

—... Où sont-ils maintenant ?

— Dans le néant total, perdu dans un monde, attendant de ce qu'il va advenir de leur sort. Si la mission échoue, la plupart seront envoyés dans un lieu obscur où les gens souffrent pour l'éternité en raison de leur méchanceté tandis que les rares âmes pures seront sauvées et auprès du créateur. Mais je m'égare, tu m'as encore interrompu. Laisse moi parler et tu trouveras les réponses à tes questions.

Il y a 5 ans le mal qui animait l'être humain était tel que même les serviteurs du créateur qui avaient eu espoir en vous, perdirent toute estime pour l'humain et ne contestèrent pas lorsque le créateur voulu tous les faire disparaître de nouveau et n'amener auprès de lui que les rares âmes pures. Je fus la seule à m'opposer à cette décision, car je savais que, malgré l'atrocité qui habitait en vous, il restait un infime espoir de vous sauver. J'ai donc passé un accord avec celui qui régit les univers.

Selon lui l'être humain est frêle et mauvais, je lui ai donc dit cela : "Seigneur, malgré les méfaits que commet l'humain, je pense qu'il est possible de sauver son âme en perdition, et je pense que je peux vous le prouver". L'accord était le suivant, "La purification" allait tout de même avoir lieu, mais je devais choisir un humain à l'âme incertaine, à mi-chemin entre le bien et le mal qui resterait sur terre pendant que tous les autres seraient envoyés, par le créateur, dans le néant total dont je viens de te parler. Cet humain avait une mission à remplir, et de l'échec où de la réussite de cette dernière le sort de l'humanité en serait à jamais déterminé. Il servirait d'exemple et démontrerait, dans un premier lieu, la résistance de l'humain et par la suite sa pureté. Pour faire preuve de cela, il fallait d'abord le confronter à la solitude pendant 5 ans et voir comment il évoluerait et apprécier sa résistance. Avec l'autorisation du créateur, j'ai pu permettre à cet humain de ne plus nécessiter de se nourrir pour survivre, afin que toute son attention soit portée sur sa solitude et non sur sa faim. Comme cela, le créateur et ses serviteurs pourraient voir qu'il y a de la force en l'humain. Et c'est à toi qu'est revenue cette lourde tâche. Mais là n'est que le début de l'accord que j'ai passé avec le créateur désormais, tu ...

— Vous vous êtes servie de moi ! Pourquoi ne pas m'en avoir parlé ?! Et pourquoi moi ?! Je ne suis qu'un homme parmi tant d'autres, je n'ai rien de spécial en moi ! L'Homme était hors de lui, il repensait à ces 5 interminables et horribles années de solitude où son cœur avait tant souffert. Comment avez-vous pu vous jouer de moi de la sorte, c'est...

— Ne laisse pas ta colère et ton égoïsme prendre le dessus. Tu as su t'en sortir jusque-là. Dit toi que...

— Si une quelconque entité supérieure existe, jamais elle ne nous traiterais comme ça ! Elle...

—...tu sers un objectif plus grand que ta propre personne.

— Taisez-vous ! Je ne veux plus rien entendre ! C'est complètement stupide ! Savez-vous ce que j'ai enduré pendant toutes ces années seules ?! Non, vous ne pouvez pas comprendre, j'en suis sûre ! Je ne suis qu'un humain, "un fléau" comme vous dîtes ! Vous pensez vraiment que j'en ai quelque chose à faire de...

Il cria, encore et encore. Il ne pensait pas réellement ce qu'il disait, mais la colère qu'il ressentait ajoutée à la solitude et la tristesse de ces dernières années le rendait insensé dans ses propos. Elle en était consciente. Il en vint même à l'insulter. Elle qui avait fait son possible pour le sauver lui et les siens. Les premières insultes ne la firent pas broncher ni les suivantes. Elle comprenait cette colère, mais ne pouvait la tolérer. Il était sur le point de détruire à jamais le seul espoir de l'humanité. Elle devait agir.

— Silence."

À ce moment-là, il se produisit quelque chose de surnaturel. Le ciel fut soudainement recouvert de nuages sombres, le vent qui soufflait depuis le début de la conversation s'intensifia tant, qu'il manqua d'envoyer voler l'homme. Les oiseaux se mirent à piailler de terreur, le bruit du tonnerre se fit entendre au loin et la terre se mit à trembler. Mais l'inquiétude qu'inspiraient ces phénomènes n'était pas comparable à ce qu'il avait devant lui. La créature affichait un air très calme, mais le reste de son être un témoignait d'une grande colère. Et ce paradoxe était terrifiant. Son halo de lumière auparavant blanc apaisant avait viré à un rouge intimidant. La gravité autour d'elle semblait perturbée, car ses cheveux et ses vêtements flottaient légèrement dans l'air. Même si l'Homme tomba de terreur sans oser crier. Il n'avait observé ce spectacle qu'une seconde avant d'aussitôt détourner le regard, par peur d'être carbonisé par ce regard de braise. Lorsque l'ange prit la parole, la voix douce qu'il avait eue l'habitude d'entendre s'était muée en une voix froide, dure et cassante où perçait un ton empli de colère.

"Ne me parle pas ainsi, humain. L'être humain est-il si imbu de lui-même qu'il pense pouvoir élever la voix ? Si je t'en avais parlé, cette épreuve n'aurait eu aucun sen, car sachant que tu devrais être confronté à la solitude durant 5 ans, la disparition ne t'aurait pas pris au dépourvu. C'est là tout l'intérêt de cet accord : tester la résistance de l'Homme face à la solitude et à l'inconnu. Le créateur ne m'a laissé qu'une chance pour choisir un humain normal. Malgré le fait que je t'ai dit que le sort de l'humanité repose sut tes épaules, tu oses dire que je me suis servi de toi ? C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour sauver la race humaine. Que ce soit une chance où une malchance pour l'humanité la mission t'a été attribuée, car malgré le fait que tu te considères comme normal, j'ai perçu en toi quelque chose de différent !"

Elle était terrifiante, elle en était consciente, mais en réalité, elle s'était pris d'affection pour cet humain. Et l'effrayer ainsi était le seul moyen de lui faire comprendre à quel point le rôle qu'il avait à jouer était important.

Pour l'homme, impossible de répondre ni de bouger devant une présence si intimidante.

"Mais peut-être me suis-je trompée ? Peut-être que l'humanité ne peut pas être sauvée ? ajouta t-elle.

Son ton était passé de la colère à la déception.

— Non, attendez !... dit l'Homme tête basse. Je suis désolé, vous avez raison. J'ai été égoïste et stupide de m'emporter de cette manière. C'est juste que 5 années de solitude m'ont meurtri à un point que vous n'imaginez pas. Mais après ce que vous venez de me dire, je suis près à faire quoi que ce soit pour sauver l'humanité"

Voir une telle colère émaner d'un être aussi calme le surpris grandement. Les propos qu'il avait tenu étaient impardonable, il comprenait la cause de sa réaction. Maintenant, il avait honte.

À ces paroles, l'aura de l'ange redevint blanche et la zone autour d'elle ne fut plus perturbée, car ses cheveux et ses vêtements ne flottaient plus dans l'air. Les nuages sombres se dispersèrent aussi vite qu'ils étaient apparus, le vent perdit en violence, la terre cessa de trembler et le bruit lointain du tonnerre fit place au léger gazouillis des oiseaux. La femme s'approcha de l'Homme toujours au sol et lui tendit la main. Lorsqu'il releva la tête, celle qui lui tendait la main affichait toujours un visage calme, mais avec des yeux où brillaient, tout de même, une faible lueur d'agacement. Lorsqu'elle prit la parole, ce fut de nouveau la voix douce et légère à laquelle il s'était accoutumé.

"Relève-toi humain, tu as encore beaucoup à accomplir. "

À suivre...