Chapitre 11
Aujourd’hui,
Lilly
Nous allons au cours de Monsieur Spinoza. C’est l’un de mes cours préférés. Peut-être parce que ce professeur m’apprécie particulièrement et que ses commentaires sur mes devoirs, me permettent véritablement de m’améliorer.
Peter s’est mis à côté de moi, mais un rang juste derrière. Il adore cette place car il peut m’observer sans vraiment que je le vois. Nous avons développé une routine lui et moi : nous dormons ensemble très souvent, pour ne pas dire tout le temps, et la plupart du temps dans mon petit appartement. Il m’empêche de faire des insomnies. Même s’il arrive encore que sa présence ne fasse pas fuir les démons.
Puis nous petit-déjeunons chez Elias où Peter m’offre toujours un café et un énorme muffin vegan au chocolat. Mon préféré. Parfois je boude de ne pas être assez surprise par ces habitudes et Peter redonne un peu de féérie à ce moment, même si ce cocon familier me comble de bonheur. Peut-être que c'est tout betement ça l'amour sincère : lorsqu'il mange une pomme, il m'en coupe un bout, et l'épluche car il sait que je n'aime pas la peau des fruits, c'est le voir partir faire des courses et revenir les bras remplient de yaourts vegan, de steaks végétaux et d'autres plats propre à mon alimentation flexivore.
Je sens bien que Peter se pose des questions sur mon passé, sur pourquoi je ne suis pas proche de ma famille et surtout pourquoi j’ai trouvé refuge ici, mais il ne dit rien. Je crois qu’il espère que je vais m’ouvrir par moi-même. Ce qui n’arrivera évidemment pas. Personne n’est prêt à entendre mon histoire, ni à partager le poids de ces souvenirs.
Je sais également que je joues avec sa patience, car cela fait désormais 3 mois que nous avons débuté l’année scolaire, et qu’il ne s’est encore rien passé avec Peter. A part de longues discussions et des câlins, Peter sait qu’au delà, je me renferme comme une huître.
Lorsque nous avons fini notre petit-déjeuner, Peter m’emmène à l’école en voiture, en faisant un détour par le bord de mer, où l’eau devient parfois turquoise. Cette balade peut se faire aussi avant le petit-déjeuner, car j’adore voir le ciel d’un bleu gris assez pâle se confondre avec la mer. Ce moment assez enchantant où le monde se réveille doucement, avec pour seul bruit, la nature. Le bruit des vagues qui s’échouent sur la plage, le son du chant des oiseaux s’envolant dans le ciel et le bruit des feuilles qui se bruissent grâce au vent.
Arrivé à l’école, nous nous lançons uniquement des regards mais nous nous adressons jamais la parole. Je crois qu’on profite de ce temps bien mérité pour offrir nos mots aux autres. Ou peut-être que j’essaye inconsciemment de préserver notre relation, quelle qu’elle soit, d’ailleurs.
Je tourne la tête vers lui, et je croise son regard. Ses yeux sont tellement clairs…
J’ai peur de ce qui se réveille dans mon coeur. Je n’ai jamais été très doué pour trouver des personnes capable de m’entourer, assez fortes pour supporter mes crises de panique. J’ai pleins de fois pensé être guérie, pensé que j’arrivais enfin à la fin du périple, que la personne se tenant fièrement à mes côtés était la bonne. Mais la vie joue d’une drôle manière avec ceux qui ont un grand coeur.
En partant j’ai fui, pas seulement ce que je laissais derrière moi, mais également la vie. Je voulais fuir ces espoirs, ces mensonges et ces déceptions. Vais-je être vraiment sauvée avant le point de non retour ? Vais-je souffrir comme avant ? Serais-je mon héroine ?
Un jour je me pardonnerais sincèrement, pour mes erreurs qui m’ont blessé si fort qu’elles m’ont éloigné de la fille que je me promettais de devenir. Je pardonnerais à la vie d’avoir été bien trop sur mon dos, trop tôt, pour me montrer un monde que je n’étais pas prête de découvrir.
Un jour, je serais fière du chemin parcouru, le coeur rempli de souvenirs, de sagesses et d’amour. Un jour, je sauverais les gens aux coeurs brisés, à l’assurance en berne, à l’avenir si prometteur.
Il me sourit du bout des lèvres et je meurs d’envie de l’embrasser. Je me surprends à espérer d’avoir enfin rencontrer celui qui me sauvera de mon enfer, celui qui me fera vivre une vie que je désire tant, celui qui sera… mon partenaire.
Annotations